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Patients : «malades de l'accueil» dans les structures de soins
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 31 - 10 - 2012

L'accueil des patients représente une tare peu prise en compte et occultée par les responsables sanitaires. Il est appréhendé de façon dominante comme une dimension marginale ou résiduelle, extérieure aux soins, alors qu'il est l'élément-clé de toute stratégie thérapeutique. En effet, l'accueil est indissociable de ce que la langue anglaise exprime par le terme de care, c'est-à-dire, «prendre soin» de la personne. L'acte technique déployé par l'agent de santé, sera interprété différemment par les patients, selon la façon dont il a procédé socialement à leur égard : la gestualité, les paroles prononcées, la mise en confiance, les explications données, les capacités de saisir le sens du mal attribué par les malades, etc.
Force est d'observer que l'approche globale de l'accueil centrée sur la personne malade, est absente au sein de la structure de soins. Son organisation est amputée de la dimension humaine et sociale de la maladie, seule à même de redonner du sens à l'acte de soigner. Nos travaux d'enquête permettent d'indiquer que l'accueil mis en œuvre, aujourd'hui, dans les espaces sanitaires, s'enferme dans des formes sociales d'indifférence, de distanciation et de routinisation, à l'origine de la défiance des patients à l'égard du personnel de santé. Les pouvoirs publics reconnaissent, sans convictions que l'accueil mériterait peut-être quelques rectificatifs dans le cadre des campagnes sans lendemain, ayant trait à «l'humanisation» des structures de soins. Ils occultent le fait important que la qualité des soins est évaluée, décryptée et objectivée librement par les patients au sein de leur domicile. Ils font en premier lieu référence à l'accueil qui est leur principale exigence. La définition profane de l'accueil est explicite. Elle est reproduite de façon récurrente dans les entretiens avec les patients : Ils souhaitent être reconnus comme des personnes ayant une dignité sanitaire, à la quête d'une écoute et d'une clarification de leur mal. Ils refusent d'être étiquetés comme des patients-objets au service des professionnels de la santé, uniques porteurs de la «vérité». Ecoutons ce patient d'une polyclinique : «Ils nous ont rendus malades par leur silence. Ils ne cherchent pas savoir. Leur but, c'est d'en terminer avec le malade, pour en faire passer un autre» (Homme, 58 ans, 6 enfants). Les patients mobilisent leur mémoire pour noter les questions restées sans aucune réponse claire du personnel de santé. «Elle a examiné la gorge, le ventre, et a écouté le cœur. Elle n'a pas pris la température. J'ai demandé sa maladie. Mais le docteur ne m'a pas répondu. Quand on part à la polyclinique, ils n'acceptent pas de vous soigner pour plusieurs choses à la fois. Elle ne m'a même pas demandé d'où vient la fièvre» (Femme, 36 ans, 2 enfants).
Au-delà des malentendus, des frustrations, des silences, des tensions au cœur de la relation des patients à l'espace de soins, la question de l'accueil est profondément liée à la reconnaissance de la citoyenneté, et donc de la personne humaine. Plus qu'un simple dysfonctionnement technique ou relationnel, l'accueil traduit un mode d'organisation sociale de la structure de soins, c'est-à-dire la façon d'envisager la place et le statut du patient dans l'espace sanitaire.
UN «ACCUEIL» SELECTIF
Se présenter dans une structure de soins, c'est d'abord affronter le planton. Il est le personnage central chargé d'ordonner les entrées des malades à partir d'une interaction appauvrie, à la limite du silence et de la distance sociale à l'égard des patients anonymes ou à contrario, du respect et de la considération pour une minorité de privilégiés ayant des affinités personnelles avec certains membres du personnel de santé. Les patients sont conduits à observer l'absence de tout dispositif devant permettre de mieux réguler l'accueil et de les orienter vers un service de santé donné. Une patiente disait : «On a le sentiment d'être perdus en l'absence d'une identification claire du personnel médical et paramédical» ; ou encore : «Du portail principal à la porte d'entrée de la polyclinique, rien, ni personne pour guider et orienter les gens». Le flou organisationnel produit nécessairement des effets pervers sur la façon dont les personnes sont accueillies dans la structure de soins. Le premier contact du patient avec les agents de la santé, est pourtant essentiel dans l'élaboration de son image sociale à l'égard de l'espace de soins. «Ils n'ont même pas daigné me parler» ; «Je suis restée dans la salle d'attente pendant plus de deux heures, avant de me signifier que le médecin ne viendra pas», etc.
L'institution sanitaire ne reçoit pas uniquement des patients-consommateurs passifs de soins, mais des personnes qui attribuent quotidiennement un sens à leur mal, conduits à devenir des acteurs de leur maladie et de leur souffrance sociale. La frustration des patients anonymes est d'autant plus exacerbée, face à un accueil sélectif, se transformant subitement selon les affinités relationnelles des patients avec le personnel de santé. «Aujourd'hui, j'ai ramené ma fille à la polyclinique. Elle a les angines. Je suis passé directement sans payer. C'est normal, les enfants ne paient pas. On attend un peu. Ce qui est normal. Mais ce qui n'est pas normal, pour nous les pauvres, c'est quand ils nous laissent attendre et font passer les gens qu'ils connaissent. C'est une pratique qui énerve les gens» (Femme, 41 ans, sans profession, 4 enfants).
L'accueil est sous-estimé ou négligé en raison d'une double absence : d'une part, une formation des agents de la santé centrée en grande partie sur l'acte technique, occultant tous les aspects importants liés à la personne malade (contexte familial, itinéraire de la maladie, les logiques et les attentes des patients, l'éducation thérapeutique, la complexité de la relation sociale, etc.). D'autre part, un mode d'organisation du travail dominé par l'administration des soins, valorisant uniquement les aspects quantitatifs (nombre de malades consultés, d'injections ou autres actes assurés, etc.), faisant peu cas des questions humaines et sociales qui sont au cœur même de la notion de soins.
Le terme d'accueil se révèle donc inapproprié et irréel face aux sentiments d'injustice et de discrimination des patients anonymes entassés dans des salles d'attente souvent lugubres et sans âme. L'organisation des soins est en rupture avec les attentes et les exigences des personnes malades focalisées sur l'importance à leurs yeux, d'accéder à une relation sociale personnalisée et confiante avec le personnel de santé. La dimension technique des soins, tente d'être mise en œuvre dans des conditions sociales médiocres. L''institution sanitaire fonctionne en rupture avec la notion de convivialité qui signifie pourtant une réception soucieuse d'empathie, accordant de l'importance à l'équité entre tous les patients.
UNE RELATION SOCIALE FRAGILE ET ASYMETRIQUE
La réception des patients s'inscrit dans une logique de déconstruction de la notion d'accueil, s'opérant sans nuances et sans questionnements pertinents, réduite à des propos vagues et paternalistes qui prennent corps dans un espace de pouvoir asymétrique : «Qu'est-ce-que tu as» ? Ou encore : «Ma mère, je t'ai dit mille fois d'attendre ton tour». Le flou discursif et organisationnel domine le fonctionnement de la structure de soins. Il renforce le sentiment d'incertitude des patients. «Dès fois, pour une seule injection, ils te font courir. Le premier agent te dit : «j'ai fini. Il faut revenir demain. L'autre te dit que ce n'est pas lui qui s'occupe de cette tâche». (patiente, 56 ans, 3 enfants, sans profession).
L'accueil des patients n'a donc pas d'épaisseur relationnelle. De façon générale, la réception des patients est caractérisée par sa banalité, dénuée de tout sens social et humain, s'enfermant dans un face-à-face planton-patient, qui efface toute médiation sociosanitaire crédible, permettant d'informer les patients. Ces derniers sont souvent identifiés à des corps objets, devant être traités rapidement dans une stricte logique de soins curatifs, occultant tout leur itinéraire thérapeutique qu'il importe pourtant de comprendre dans sa complexité, pour tenter d'accéder au sens du mal.
«L'accueil nous rend malade», disent certains patients. Ces derniers n'hésitent pas dans l'espace familial, à opérer aussi un diagnostic des multiples failles et dysfonctionnements techniques et sociaux observés dans la structure de soins : médiocrité de l'accueil, peu de considération de la personne malade anonyme, pannes fréquentes des équipements techniques, travail routinier et aveugle qui occulte l'écoute du patient, contraint de se plier en silence à la parole des professionnels de la santé. «La communication n'existe pas. Il n'y a pas de communication, de contact ouvert entre les services de santé et le citoyen. Il n'y a que l'argent et le pouvoir qui compte» (Patient, 38 ans, ouvrier, 3 enfants). Or, sans interactions approfondies et sans échanges d'informations, l'accueil des patients est nécessairement producteur de malentendus, de frustrations et de non-dits à l'origine de la défiance et de la violence symbolique entre les différents acteurs de la santé. «Ils nous ont tué par leur silence», affirment souvent les patients et leurs proches parents ; à contrario, les professionnels de la santé se plaignent de plus en plus fréquemment de «l'agression de certains patients», à leur égard.
Les logiques sociosanitaires des uns et des autres, en partie discordantes et souvent brouillées, montrent d'une part que les attentes et les exigences des professionnels de la santé et des patients ne sont pas toujours les mêmes. Les professionnels de la santé attribuent un sens pertinent à la dimension organique de la maladie. Il s'agit de mobiliser leur savoir ésotérique pour tenter de détecter le mal considéré comme un état qu'il s'agit de prendre en charge techniquement. Rares sont les professionnels de la santé qui prennent en considération l'importance des représentations sociales des patients à l'égard de leur mal et de la multiplicité de leurs souffrances ; pourtant, un diagnostic médical se construit grâce aux informations émises par le malade ou ses proches parents. Ils sont détenteurs d'un savoir social issu de leurs multiples expériences de soins acquises dans les différents espaces domestiques et sanitaires.
A contrario, la maladie est identifiée par le patient, comme un évènement qui ne se réduit pas au corps organique, mais ayant des répercussions sur sa vie sociale, familiale et professionnelle. Le malade n'est pas que malade. Ce sont les différentes facettes de son identité qui sont touchées par la maladie. La qualité des soins pour le patient ne s'enferme pas dans une dimension uniquement médicale qui n'est pas sous-estimée par ce dernier, mais qui attend aussi, en recourant à une structure de soins, d'être reçu dans la dignité sanitaire, souhaitant un échange plus riche avec le personnel de la santé. Or, l'absence d'informations sociosanitaires contribue à produire de la défiance des patients à l'égard de la structure de soins. La question de l'information est au centre des rapports de pouvoir entre tous les acteurs de la santé (pouvoirs publics, associations, patients, familles et professionnels de la santé). En l'absence d'une démocratisation sanitaire, on est en présence de micropouvoirs captés par une multiplicité d'acteurs sociaux, accentuant le flou organisationnel et l'opacité de l'information. Il n'est pas étonnant que les patients privilégient de façon dominante, le réseau familial et de voisinage pour obtenir des informations sanitaires.
L'accueil des patients ne se réduit pas à des petits aménagements techniques ou organisationnels. Il est au contraire indissociable de la dimension sociopolitique de la santé qui est essentielle pour comprendre les logiques de rupture entre les acteurs de la santé, les absences d'une dynamique sociosanitaire horizontale et d'une participation des professionnels de la santé mais aussi de la population au processus décisionnel. La performance d'une structure de soins ne se réduit pas uniquement à la greffe de moyens techniques et thérapeutiques, qui sont certes importants, mais bien insuffisants pour redonner du sens à la santé comme fait social total, devant impliquer la personne humaine.
* Sociologue (Unité de Recherche en Sciences Sociales et Santé, Université d'Oran)


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