Le président de la République reçoit l'ambassadeur de la Confédération suisse    OPEP+: l'Algérie et sept autres pays décident une augmentation de la production de 547.000 b/j dès septembre    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan s'alourdit à 60.839 martyrs et 149.588 blessés    Le président de la République reçoit l'ambassadeur de la République arabe d'Egypte en Algérie    Journée nationale de l'ANP: un lien sacré avec le peuple et une doctrine défensive ancrée    Palestine: plus de 3000 colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade d'Al-Aqsa    Boumerdès: coup d'envoi de la 13e édition de l'Université d'été des cadres du Front Polisario    Jeux Africains scolaires/8e journée: les athlètes algériens de quatre disciplines à Annaba pour d'autres sacres    Agression sioniste à Ghaza: les Parlements arabe et latino-américain appellent à une action internationale    Le bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    Les entreprises sont invités à intégrer une politique de protection des données personnelles sur leurs sites web    L'Europe piégée et ensevelie    « Coûteux, insuffisants et inefficaces »    L'économie de l'Algérie se porte L'économie de l'Algérie se porte biende l'Algérie se porte bien    Déjà sacrée championne, l'Algérie bat l'Egypte et termine invaincue    Une première place en or pour l'Algérie    Une ville clochardisée    3.761 interventions à travers le territoire national    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha honore les Cadets de la nation lauréats du Baccalauréat et du BEM    L'élégance d'un artiste inoubliable    La célèbre statue féminine de Sétif au statut toujours contesté    Le ministère de la Culture organise un atelier international de formation sur le patrimoine mondial en collaboration avec l'AWHF    Commerce: intensification des opérations de contrôle des produits alimentaires à travers le pays    Jeux scolaires Africains: coup d'envoi à Sétif de la compétition de taekwondo avec la participation de 12 pays    L'Algérie brille lors de la Compétition internationale de mathématiques pour les étudiants universitaires en Bulgarie    Tipasa: cérémonie en l'honneur des pensionnaires des établissements pénitentiaires lauréats du baccalauréat et du BEM    Ministère de l'Education nationale: le dépôt des dossiers d'authentification des documents scolaires se fera désormais à l'annexe du ministère à Kouba    Boughali félicite la sélection nationale de basket pour son sacre au Championnat arabe des nations    L'Algérie bat le Bahreïn (70-69) et remporte le trophée    La délégation parlementaire algérienne tient une rencontre de travail avec la délégation autrichienne    Après la France, le Royaume-Uni reconnaîtra l'Etat de Palestine    Seize porteurs de projets innovants dans les industries culturelles et créatives retenus    Biskra commémore le 59 anniversaire des "massacres du dimanche noir"    Initiative Art 2 : 16 porteurs de projets innovants dans le domaine des industries culturelles et créatives retenus    Renforcement des perspectives de coopération dans le domaine de la jeunesse entre l'Algérie et la Chine    Le héros national, le Brigadier de Police Mellouk Faouzi s'en est allé    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La mort lente des poètes
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 26 - 10 - 2015

J'ai lu un article et j'ai eu mal. Poète et parolier, Mekki Nouna, 83 ans, a parlé. «Je voudrais qu'on m'aide pour survivre». K. Smaîl, journaliste, ajoute qu'« il y a plus d'un mois, le pionnier de la musique raï, Bouteldja Belkacem, et le comédien et auteur, Bentifour Noureddine, sont morts dans une indigence inhumaine». Il y avait comme une sorte de révolte dans les mots qu'il alignait pour évoquer cette solitude d'hommes de scènes, qui ont connu le succès, qui ont chanté le pays et son petit peuple, connu les applaudissements d'approbation du public avant de sombrer dans l'oubli total. J'ai oublié Mekki Nouma, et Bouteldja Belkacem. Et Bentifour Noureddine. Prendre connaissance de leur « chute », sans même les connaître, sinon par leur cha3r, chanson et musique ; c'est, tout simplement, déchirant.
En demandant, un jour, à parler au responsable de la rubrique culturelle du quotidien « La République », dans le bureau duquel je me trouvais, Ahmed Wahbi, pensions-nous, lui faisait un cadeau rare. Un entretien. En empruntant l'escalier, je pensais au bon moment que nous allions passer ensemble. En fait, à peine lui avions-nous serré la main, sur le trottoir de « notre » journal, qu'il nous assomma, sans préambule. Ce furent des mots dits calmement, sans recherche d'effet. « J'en ai marre ». Les yeux baissés, en dodelinant de la tête. Le maître Ahmed Wahbi venait apprendre à son ami qu'il en avait assez. Qu'il allait suspendre son 3oud « n3allag el 3oud », dit-il, « et ne plus avoir affaire à lui. A eux ».
Ni mon collègue, ni moi, saisis, ne trouvâmes de mots de réconfort, encore moins ne pensâmes à lui demander les raisons de sa décision qui semblait définitive. Pour tenter de le faire changer d'avis. Non. Il n'était pas là pour écouter mais pour partager, avec son ami, qui lui prêtait grande attention, son désespoir. Quand il finit par s'ouvrir, nous comprîmes qu'il ne demandait pas grand chose. Seulement de la reconnaissance pour les décennies au cours desquelles il a porté la chanson algérienne. Et le soutien, dont il avait besoin, sans doute, mais qu'il ne réclamait pas. Lui aussi.
Il y a si longtemps, et rien, depuis, n'a changé dans la condition de vie des hommes de culture.
Un café nous accueillit. Ce fut une longue et douloureuse soirée.
Longtemps, en d'autres lieux, il m'arrivait de penser à lui. A d'autres aussi. A ce qu'il était devenu. A ce qu'ils sont devenus. Si la renonciation de Ahmed Wahbi à son art ne s'était pas dissolue dans la passion de sa vie. De la musique et de la parole.
Aujourd'hui, en lisant ces quelques lignes sur d'autres acteurs de la scène, le sentiment me prend que, nous tous, sommes ingrats.
Des hommes ont utilisé leurs talents. A des fins politiques, parfois. Ils leur ont délégué la mission de représentation de la culture de notre pays. Parfois, sinon souvent, jusqu'à l'exil intérieur. Ou extérieur. Sans le royaume. J'aimerais voir une plaque, scellée, sur un mur, pour me dire que là naquit Kateb Yacine. Ou Mouloud Feraoun. Pour faire une courte pause et engager une conversation avec leurs âmes. Et les remercier pour tout ce qu'ils nous ont donné, c'est à dire, tout ce qu'ils possédaient. Faut-il ou fallait-il attendre qu'ils nous quittent, pour un autre monde, pour avoir droit à notre reconnaissance posthume, celle de leurs pairs et de leur public ? Fallait-il qu'ils nous quittent, définitivement, pour qu'on leur accroche, comme on dit dans le langage courant, toute une « branche de dattes » quand ils n'ont connu, pour certains, au terme de leurs vies, que le goût amer de fruits qui n'ont pas mûri ? Après avoir chanté la beauté, la générosité, l'engagement ? Faut-il et fallait-il … que l'on se souvienne d'eux quand ils n'ont plus besoin de nous ?
La Culture c'est un ministère. Des festivals. Des colloques. Une gestion. Sur le trottoir d'en face, avant d'être des artistes, des poètes, des dessinateurs, il y avait, il y a, des femmes et des hommes. Ceux qui traduisent nos peines et nos joies. Nos espoirs.
Il faudra bien que les uns ou les autres traversent la rue. Et penser aux moyens à mettre en œuvre pour que de cette rencontre leur art fasse partie de notre vie, tout le long de leur vie et au-delà. Qu'un filet de sécurité amortisse leur fin de carrière. Qu'une Fondation les prenne en charge si l'Etat n'y subvient pas.
En toute occasion, je rappelle cette réaction de Winston Churchill quand, durant la guerre, on voulut réduire le budget de la culture. Il s'insurgea. Pourquoi nous battons-nous si ce n'est pour notre culture ? dit-il.
L'artiste ne peut pas être condamné à une fin de vie misérable ! Ou alors, nous n'avons encore rien compris à la vie.
Un jour, j'appris le décès d'Ahmed Wahbi. Lui qui respirait Oran, qui avait chanté sa Patrie, qui avait inspiré un genre musical comme Constantine fut la source de El Hadj Mouhammed Tahar Fergani, comme les Chouyoukh El Kourd, Ahmed Khelifi nous dirent leur vision de la vie, ou comme El Hadj Mohammed El Anka qui nous promène dans la poésie que suintent les venelles de la Casbah et nous fait partager les senteurs, comme d'autres Chouyoukh à la voie chaude comme le sable fin du Sahara qui nous projette dans les étendues des Hauts Plateaux. Ou les appels des cimes de notre Djurdjura héroïque. Pour s'imprégner des Isefra de Si Mohand Ou Mhand. Et se laisser bercer par la musique et les chants targuis.
Ahmed Wahbi, en guise de testament, de volonté ultime, laissa en héritage une protestation. Etre enterré dans un cimetière loin de sa ville. Là où, pensait-il, on l'appréciait. Après avoir compris qu'il ne pouvait être prophète dans sa ville.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.