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Comment penser la sauvegarde de l'urbanisme importé : cas de Sidi el-Houari
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 08 - 07 - 2018

Je dis qu'en Algérie, il n'y a plus de villes coloniales mais des urbanismes appelés encore improprement coloniaux, qui se confondent généralement avec les tendances dix-neuvième telles qu'elles évoluaient en Europe. Je suis tenté de les appeler urbanismes importés, ce qui semble plus conforme au contexte colonial, pour des raisons qui se rapportent aux modes de vie que les colons ont voulu prolonger dans les territoires colonisés.
Les villes n'existent que grâce aux populations qui les habitent. C'est pour cette raison que j'ai publié un article que j'ai intitulé : La ville est un esprit1. La ville c'est une population avec son animation, l'ambiance qu'elle suscite, ses permis et interdits, sa civilisation, son économie ; c'est un tout complexe qui bouillonne et s'entremêle pour donner un caractère, une spécificité urbaine propre à l'urbanisme qui permet une sorte d'incarnation de l'esprit de la ville situé.
L'urbanisme, c'est-à-dire le tissu, le bâti, les raisons architecturales, les jardins, les espaces inoccupés mais squattés d'activités diverses, d'une vie urbaine tolérée ou mal vue, donne à cet esprit la possibilité d'exister. Et même si nous avons l'impression que c'est la même chose, ce n'est jamais justement la même chose ! D'autres facteurs contribuent à ces dissemblances, ces différences de fond, ces inégalités d'esprit (pour reprendre mon propos !), comme la qualité du site, le climat, la politique, la religion, la tradition, l'économie, etc.
D'ailleurs, que seraient les villes du Mzab si l'on se mettait à évacuer sa population ancestrale pour la remplacer par des Algérois ? Un autre esprit y serait installé, sur un tissu et dans un bâti qui ne bougeraient pas ; parce que les Algérois auront le souci de sauvegarder une exception historique, une situation patrimoniale folklorisée ; il y aurait une vie sans la culture urbaine qui la couvait et la signifiait durant plusieurs siècles par le moindre choix, geste, respiration chronotopique, rapport à l'autre pourtant si proche qui est le voisin dans la culture mozabite.
Je peux tenir le même propos concernant Sidi el-Houari qui n'a pas eu la chance d'avoir son André Ravéreau. Les colonisateurs ont façonné un urbanisme qui convenait à leur façon de vivre et correspondait à ce qu'ils avaient développé pendant des siècles dans leur pays d'origine2. Ils n'ont fait que poursuivre une œuvre ancestrale sur une terre conquise. En ce sens, pour le moment, je me tiens à mon constat consistant à dire que le secteur Sidi el-Houari suscite plus la nostalgie élitique mais inavouée d'une colonisation idéalisée que l'intérêt architectural et urbain, et que l'élite, au travers du discours qu'elle tient, n'a pas su dépasser ce sentiment de nostalgie.
Par ailleurs, pouvons-nous revendiquer la sauvegarde d'un non-lieu (c'est-à-dire un espace considéré selon sa dimension anthropologique, qui suscite des interrogations en termes d'ancrage mémoriel) si nous ne réalisons pas au moins l'inventaire des savoir-faire et des objets architecturaux et urbains qui méritent d'être sauvegardés ? Pareillement, nous ne disposons pratiquement d'aucune information concernant la main-d'œuvre et son implication dans un projet d'urbanisme importé, de ce fait que la recherche se suffit de reprendre les mêmes thèses inspirées d'informations datant pour l'essentiel de la période coloniale.
Pour poursuivre mon propos préliminaire, je dis que non seulement les villes et les villages coloniaux n'existent plus, puisque l'esprit de la colonisation n'y est plus, mais aussi les urbanismes changent. Les tissus sont remembrés, des constructions sont démolies pour être remplacées par d'autres qui correspondent aux besoins des habitants algériens qui n'ont pas la même culture que les anciens colonisateurs.
Le changement urbain est inéluctable. Ce qui se produit dans les urbanismes importés ne m'étonne pas, à l'opposé d'une partie de l'élite d'Oran qui s'effraie de constater la disparition de Sidi el-Houari colonial par exemple. On ne peut que regretter l'absence de l'Etat et surtout le fait qu'il n'a jamais accompagné les changements établis par l'instauration de règles qui permettent de contenir esthétiquement les choix des Algériens. Mais aussi je ne suis pas dupe, car que pouvons-nous espérer d'un Etat qui continue à procéder par la priorité de produire des programmes de logements en masse, laids et dévalorisants des paysages ?
Je crois que ce qui a préservé jusqu'alors ce secteur urbain malgré son état de ruine, c'est le fait qu'il soit attaché faiblement au reste de la grande ville d'Oran. Par ailleurs, ce qui accélère cet état de ruine, ce n'est pas tellement la population qui le squatte (squatter, c'est une forme d'habiter) mais son isolement, le fait qu'il donne l'impression qu'il est à l'écart de l'urbanisme actuel d'Oran, le fait qu'il soit séparé d'un projet de ville global, le fait qu'il ressemble à quelque chose qui est de l'ordre du fond de puits, le fait qu'il ne soit pas un espace de passage, donc qu'il ne concerne pas tellement la décision locale, et qu'il soit considéré tel un dossier accessoire. Je veux dire surtout que cet espace n'est récupérable, et pas totalement sauvegardable, que si l'on pense toute la structure de l'urbanisme d'Oran pour faire de Sidi el-Houari un espace nécessaire au bien-être des Oranais (là je dois dire que j'ai des idées en esquisse), un espace qui se consomme urbainement.
L'échec de l'élite oranaise est dans l'européanisation de son approche de la ville. Elle a fait beaucoup d'autisme sur la culture urbaine algérienne et est partie de l'idée, consciemment ou inconsciemment, que l'Algérien et le Français sont culturellement égaux. En même temps, court dans l'esprit de la plupart que la culture de l'Algérien ne permet pas son implication dans un projet de ville ambitieux. L'élite infériorise la culture de l'Algérien sans le reconnaitre publiquement. Je pense que chacun possède sa culture, notamment de la ville, et que dans chacun des deux cas, la culture renferme sa forme de liberté d'esprit.
Le rapport à la sauvegarde est à penser donc. Nous ne pouvons pas l'envisager de la même manière qu'à Paris par exemple. L'objet sauvegardé à Paris exprime une continuité historique, tandis qu'à Oran, il exprime une rupture historique. De ce point de vue, les historiens ont beaucoup de choses à nous démontrer, au lieu de nous mythifier l'œuvre coloniale.
C'est quoi l'histoire des savoir-faire pour ce qui concerne l'architecture, à Oran, de la maîtrise d'ouvrage et d'œuvre, y compris au-delà de l'indépendance, à nos jours ? C'est peut-être ma façon de dire qu'il est temps de sortir du point de vue colonial, sans complexe, et lespèsien qui domine chez les architectes.
Sauvegarder à Oran doit être envisagé selon une dimension incitative au changement, pour donner l'occasion aux Algériens de contribuer au façonnement d'un espace qui ne leur était pas destiné du temps de la colonisation et ne pas ou ne plus le figer en en tant que décor sur fond de mémoire qui n'est pas la leur et qu'ils ont du mal à accepter.
Aussi, sauvegarder ne doit-il pas être une affaire de wali soucieux de démontrer au pouvoir national son efficacité opportuniste, ni celle de promoteurs animés par le désir de vendre le mètre carré le plus cher. Sauvegarder devrait être envisagé tel une action démocratique qui donne l'occasion de réaliser des projets d'architecture urbains qui qualifient le secteur urbain en terme de culture et de paysage. Il s'agit de valoriser un site et un tissu surchargé de bâti ne présentant pas toujours des qualités à préserver.
Ainsi donc, je pense que sauvegarder sous-tend trois actions, ou, pour le dire à la manière des architectes de renom, trois attitudes parallèles qui sont : changer dans l'esprit du site et de l'environnement bâti que nous avons sous les yeux en guise d'inciter à une contribution décomplexée à un projet hérité qu'il faut arrêter d'idéaliser, valoriser comme en recourant à des démolitions qui se justifient et en renforçant la structure de l'ensemble de la ville d'Oran en travaillant en premier lieu sur les relations, et améliorer les espaces particulièrement dans les quartiers densifiés en termes de bâti et d'habitants quand c'est nécessaire de le faire.
*Architecte (USTO) et docteur en urbanisme (IUP)
Notes
1- La ville est un esprit, Le Quotidien d'Oran, 19 avril 2018.
2- André Ravéreau est architecte français né en 1919 à Limoges et mort en 2017 à Aubenas, et connu grâce à son livre 3 Le Mzab, une leçon d'architecture3, 2003, Actes Sud.


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