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Agir sur la peur et l'intimidation
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 04 - 2019

Le pacifisme (« Silmiya ») des manifestations est reproduit avec force et conviction par les personnes dans leur diversité (jeunes, enfants, femmes, etc.).
Intégré comme un élément de structuration du mouvement social algérien, il a été violemment remis en cause le 12 avril 2019 par la police à Alger (place Maurice Audin et le tunnel des étudiants). Celle-ci n'a pas hésité à user des bombes lacrymogènes et des canons d'eau en direction des marcheurs pacifiques pris brutalement dans le piège de la répression brutale des policiers. On assiste à un changement de posture du pouvoir qui avait jusque-là permis la réappropriation libre des espaces publics par les marcheurs dans toute les villes d'Algérie. Notre propos est d'indiquer trois éléments intimement liés qui opèrent aujourd'hui comme des logiques d'action pour tenter de fragiliser le mouvement social: le recours au complot extérieur, la répression et l'instrumentalisation du droit.
« La main de l'étranger »
Face à la durée et à la profondeur du mouvement social qui s'appuie depuis sept semaines sur une revendication constante centrée sur la rupture avec les acteurs dominants et inamovibles du système politique, le pouvoir tente de jouer sur la peur pour dissuader les manifestants. Le premier élément fait figure d'épouvantail. Il doit produire un imaginaire négatif sur le mouvement social. « L'Autre » surgissant d'ailleurs, se construit comme le fantôme « omniprésent » dans les manifestations. Ceci n'est pas nouveau. La grammaire en question fait référence à « l'ennemi extérieur» jamais nommé de façon explicite.
Il «existe» selon ses auteurs. Mais n'étant jamais précisé, il devient un acteur externe invisible. On est ici dans la théorie du complet. «La main de l'étranger» est de l'ordre de l'inflation verbale ces jours-ci dans le discours des responsables politiques et militaires. L'objectif est d'une part, de faire douter les manifestants, en jouant sur le registre de l'intimidation. Il s'agit pour le pouvoir d'insister sur les risques d'infiltration du mouvement social par des personnes étrangères pouvant manipuler et influencer le cours des évènements qui ne seraient pas le fait des Algériens. D'autre part, les responsables de la police évoquent l'intrusion d'un « groupe de terroristes » détenteurs d'armes, ayant tenté d'investir certains carrés des manifestants. Quelles significations faut-il attribuer à ces propos qui opèrent un revirement important par rapport à la reconnaissance politique formelle et théâtrale du caractère pacifique du mouvement populaire ?
La déconnexion du pouvoir est perceptible par rapport au mouvement social dont il n'a jamais pu imaginer l'ampleur et la profondeur. La variation du discours politique résulte d'une tentative de reprise en main maladroite et brutale du mouvement social. Elle est attestée par la répression et l'exclusion par la force des manifestants des espaces publics durant toute la semaine passée, notamment celui de la Grande Poste d'Alger. La massification, la puissance et la détermination des manifestants pacifiques ont nettement fait reculer le sentiment de peur. Il importe d'écouter et d'observer avec attention ces jeunes âgés entre 20 et 25 ans, pour se rendre compte de la volonté inébranlable qui les anime. Ils n'hésitent pas à le dire avec leurs propres mots : «bladna ou diro rayna» («c'est notre pays et nous imposerons notre point de vue») ; ou encore : « Nous marcherons tous les jours s'il le faut. Nous sommes déterminés à les faire dégager». Enfin : «On a libéré la terre, il est temps de libérer le peuple».
Convenons que la théorie du complot est une justification fragile face à l'ampleur du mouvement social. Il porte en creux pour ceux qui l'auraient oublié, 57 ans d'absence de dignité et de liberté. L'accumulation et la transmission entre les différentes générations, de frustrations, de censures, d'autocensures et de multiples d'inégalités sociales, notamment face à l'accès à l'emploi et au logement, ont balisé le terrain du mouvement populaire. La population ne fait plus confiance au régime politique actuel, profondément convaincue qu'un champ du possible est désormais ouvert par la médiation du mouvement social, pour lui permettre d'arracher de façon pacifique la dignité et la liberté. Celles-ci lui ont été refusées par ce même pouvoir. Le silence, le retrait et la peur ont incontestablement joué en faveur de la reproduction du système politique. Comprendre le mouvement social du 22 février 2019, c'est rappeler rapidement le fonctionnement du politique pendant toute cette période. « La dimension politique rigide, encastrée dans un patriarcat mortifère socialement méprisant, sans écoute de l'Autre, sans aucune possibilité de nouer des liens sociaux et politiques de façon égalitaire et juste avec les jeunes algériens de conditions sociales diversifiées, « nourrit » la « harga » (fuite à l'étranger) » et la « hogra (humiliation et injustice). (Mebtoul, 6 février 2019). Aujourd'hui, le même pouvoir sans Bouteflika mais avec ses protégés, s'entête à user de la manipulation, de la ruse politique et de la répression pour tenter de revitaliser le système politique actuel au détriment d'une transition démocratique souhaitée par la majorité de la population.
Les « baltaguias » : des casseurs sous-tutelle
Il est tout de même étonnant d'observer que pendant prés de six semaines, chaque vendredi mais aussi le mardi, jour de la marche des étudiants, les manifestants ont marché pacifiquement dans toutes les villes d'Algérie dans un esprit de corps remarquable, signifiant le respect des diversités, sans que l'on puisse noter des incidents majeurs. La répression de la police et le jet de pierres sur certains magasins par certains casseurs, ce vendredi 12 avril 2019 apparaissent intimement liés. Il semble donc difficile de ne pas évoquer la présence des baltaguias, ces casseurs qui jaillissent dans l'espace public avec la complicité de certains acteurs du régime politique. « silmiya » consistant à marcher de façon pacifique n'est pas seulement un slogan mais une posture collectivement acceptée par le plus grand nombre des manifestants. Ils n'ont pas hésité à déployer de façon rigoureuse leur service d'ordre composé de jeunes qui bloquent toute velléité d'opérer à des casses dans l'espace public, objet d'un nettoyage par les jeunes après les manifestions.
Les « baltaguias » ont été mobilisés aussi par le pouvoir militaire égyptien durant le mouvement social de 2011, mené essentiellement par les jeunes qui avaient investi activement la place de la Liberté du Caire, de jour comme de nuit. Autrement dit, les pouvoirs sont conduits quand le mouvement social pacifique s'inscrit dans la durée de fabriquer le statut de casseur professionnel rémunéré par leurs soins. L'objectif des baltaguias est de se mêler aux manifestants pour créer de l'affolement et du désordre, n'hésitant pas à casser tout sur leur passage, munis de pierres entreposées dans des recoins précis de certaines artères de la ville, la veille de la manifestation. Casser les vitres des magasins, brûler les voitures, endommager l'espace public, sont autant d'éléments au cœur de la violence politique invisible déployée par les agents d'un clan du pouvoir, mettant en scène une autre face du mouvement social, celle de « l'anarchie », du « discrédit » pour tenter vainement de diviser les manifestants entre eux.
L'usage fluctuant du droit
La troisième réponse du régime politique pour justifier son maintien au pouvoir, est de s'inscrire faussement dans le « légalisme » constitutionnel qui lui permet d'insister de façon opportuniste sur l'article 102 de la constitution. Ceci ne change rien à la composante humaine puisque l'on retrouve les mêmes acteurs politiques sous-tutelle de l'ancien président Bouteflika. Ils sont connus par les acteurs du mouvement social, pour leur passé politique douteux opérant comme des courtisans auprès de Bouteflika (gouvernement, président intérimaire, parlement et sénat) qui auront la charge de préparer les élections présidentielles prévues le 4 juillet 2019. Le droit violé en 2008 par l'ancien président Bouteflika pour se présenter à un troisième mandat, est de nouveau « sacralisé » par les mêmes acteurs politiques. Ils n'ont cessé de triturer et de modifier les différentes constitutions selon leur bon vouloir, détournant le droit dans un souci de privatiser l'Etat (Hibou, 1999), organisant de façon fictive des élections sur mesure par la médiation de la fraude au profit de ceux qui pourront dans une logique de réciprocité, rendre la monnaie de la pièce pour service rendu. « Le système politique a produit des « militants » carriéristes préoccupés par les luttes d'appareils soucieux avant tout de défendre leurs intérêts personnels. Porteurs de dogmes et de certitudes répétées dans une langue de bois, ils naviguent allégrement et sans honte dans l'inculture politique et l'opportunisme... » (Mebtoul, 2018).
L'usage fluctuant du droit indique sa dépendance à l'égard du pouvoir qui l'a toujours instrumentalisé à sa guise. Le texte juridique est un acteur important qui régit l'organisation et la coordination des activités sociales et politiques dans une société donnée (Smith, 2018) Il est mobilisé, retravaillé de façon sélective et discriminatoire par les acteurs politiques. La constitution de 2016, celle de Bouteflika, et notamment l'article 102, est une aubaine inespérée pour ses protégés. Ils ont toute la latitude d'organiser comme par le passé, les futures élections présidentielles de 2019. C'est pour cette raison que la population rejette catégoriquement et avec raison ceux qui ont participé activement au renforcement du système politique. Ils gèrent aujourd'hui en une transition politique imposée selon la même logique que celle déployée par Bouteflika. Faut-il rappeler que toute organisation politique productrice de règles et de normes nouvelles, est une construction sociale et humaine ; d'où l'importance dans le choix des hommes politiques qui seront chargés de conduire une transition démocratique.
Références bibliographiques
Hibou Béatrice, 1999 (sous la direction), la privatisation des Etats, Paris, Karthala.
Mebtoul Mohamed, 6 février 2019, Le sens de la « harga », journal Quotidien d'Oran.
Mebtoul Mohamed, 2018, ALGERIE. La citoyenneté impossible ? Alger, Koukou.
*Sociologue


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