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Le football au cœur du politique
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 07 - 2019

Non ! Le football est loin d'être l'opium du peuple considéré comme mineur qui n'a pas la possibilité d'opérer des distinctions pertinentes entre le « bien » et le « mal», devant laisser aux acteurs idéologiques le soin de parler à sa place. On oublie d'indiquer que le football émerge dans les quartiers précaires et stigmatisés, en Algérie ou dans d'autres sociétés. La rue est bien l'espace de prédilection dans la formation des jeunes footballeurs. Ils apprennent son langage, ses pratiques faites de dribles, de feintes, d'astuces, mettant en mouvement leur corps pour déjouer l'adversaire, des coups de gueule à l'encontre de leur partenaire trop individualiste, de cris de joie et de rage exprimés de façon énergique par les jeunes « pris » dans et par le football. Ils portent le football en eux, comme une passion forte qui est loin d'être une forme d'aliénation, mais représente, au contraire leur mode d'expression privilégié dans l'espace public.
Un ancrage dans la société
Plus qu'un simple jeu ou un défoulement, le football en Algérie s'ancre profondément dans la société. Il fait partie d'elle. Difficile en effet de comprendre son fonctionnement au quotidien, en éludant avec mépris ce que représente le football pour les gens de peu. Arrêtons de moraliser ou d'étiqueter négativement le football, pour l'appréhender, au contraire comme un phénomène social et politique important qui donne du sens à la vie sociale et culturelle. Il reflète l'image de la société. Pénétrons dans le détail qui est, pour reprendre Michel Foucault, l'anatomie du politique.
Observons minutieusement un match de football. Il nous montre l'importance de l'interdépendance entre les uns et des autres. Chaque geste du footballeur se construit au profit de son partenaire. Le football ressemble à une micro-société qui peut être dans l'éclatement, où le chacun pour soi domine, dévoilant des interactions fragiles ou de distanciation sociale qui laissent peu de place à la solidarité et à la fraternité entre ses membres. Convenons que le football est régi par un processus social analogue. Une équipe mal préparée collectivement, peut conduire aux mêmes effets : individualisme dans le jeu, le « moi » prenant le dessus sur le collectif, donnant à observer un jeu décousu, des rivalités d'ego entre joueurs, le refus de mouiller le maillot, de se prémunir malicieusement des chocs avec l'adversaire, de ruser avec le temps, de penser davantage à sa carrière de sportif professionnel. Dans ce cas, le divorce s'établit de façon durable avec les supporteurs et la population.
Le football ne constitue pas une entité sportive extérieure aux mouvements sociaux et politiques de la société. Depuis la guerre de libération nationale, la belle équipe du Front de Libération Nationale (FLN), abandonnant tous ses privilèges pour représenter l'Algérie dans le monde, montre bien que le lien entre le politique et le football est prégnant. L'entraîneur et les joueurs sont des acteurs sociaux nécessairement concernés par la dynamique sociopolitique amorcée depuis le 22 février 2019. Celle-ci a propulsé des milliers de manifestants depuis prés de cinq mois dans toutes les villes d'Algérie, criant leur détermination à réinventer le politique, pour instituer autrement la société. Ceci n'est pas sans influer sur les comportements des joueurs, du staff technique et médical dans les matchs de football de l'équipe nationale algérienne.
Une rupture sportive et politique
Force est d'observer que ce sont les mêmes joueurs actuellement engagés et brillants, durant la coupe d'Afrique, qui ont été pourtant décevants en tant qu'équipe, durant les matchs précédents. La rupture a été autant sportive que politique. D'une part, Ils ont été managés de façon novatrice par l'entraîneur Djamel Belmadi, patriote, d'origine sociale ouvrière, passionné de football, humble et possédant une forte personnalité, connaissant à merveille son métier d'entraîneur. Il a su redonner une âme à l'équipe nationale, au cours de cette coupe d'Afrique, dans une conjoncture politique à la fois prometteuse et incertaine pour la société algérienne. On retrouve des traits communs, avec le mouvement social, qu'il semble important de mettre en exergue : la détermination, la cohésion, une affinité et une solidarité entre les joueurs d'horizons différents, révélant l'algérianité porteuse de la diversité sociale et culturelle, qui fait la richesse et la force du collectif. Celui-ci accepte de se plier à la rigueur et à la discipline alliées à la virtuosité technique. L'équipe a aussi fait preuve d'une forte mentalité dans les moments difficiles au cours de deux derniers matchs contre la Côte d'Ivoire et le Nigéria. D'autre part, il est important d'écouter les joueurs et l'entraîneur dédiant leur victoire au peuple algérien. Celui-ci devient de façon récurrente un référent central dans leur propos. La notion de peuple peut avoir différentes significations. Quand les membres de l'équipe nationale évoquent le mot « peuple », c'est en référence « à une société conçue comme communauté indivise, corps-Un » ( Akoun, 2005). Dit autrement, il s'agit d'une forme d'identification des joueurs au peuple. On peut évoquer ici le peuple politique s'armant des mêmes logiques d'action que les joueurs (détermination, cohésion dans la production et la créativité de slogans, refus de la division et des manipulations, etc.), pour tenter de rompre avec le système politique actuel.
Un sursaut libérateur
Histoires politique et footballistique s'interfèrent ici pour créer auprès de la population, une symbiose joyeuse, produisant une forme d'exaltation, portant haut et fort le drapeau national, pour exprimer son attachement par la médiation du football et du politique, à la Nation algérienne. Un sursaut libérateur, à la fois produit par l'équipe nationale qui a fait sensation en emportant avec l'art et la manière six matchs en coupe d'Afrique, en attendant avec impatience la finale, ce vendredi, contre le Sénégal, et le mouvement populaire qui se traduit chez ses acteurs, par un désir de liberté, de dignité et d'algérianité. Il semble difficile d'occulter le rôle décisif des supporteurs des clubs algérois dans le mouvement social. Ils ont réussi le pari de faire partager aux autres manifestants, avec un enthousiasme et une énergie sans commune mesure, leurs chants politiques. Ceux-ci mettent à nu, non seulement les multiples travers du système politique mais aussi la désespérance des jeunes. La plus prestigieuse chanson reste incontestablement La casa del Mouradia qui a opéré un marquage historique important dans la contestation des jeunes qui se profondément reconnus dans les paroles et la musique de la chanson. Elle a été appropriée comme un hymne politiquement ancré dans la société. « Par ses valeurs antiautoritaires, son esprit de communauté, et son virilisme exacerbé, le supporteurisme ultra a su séduire de larges pans de la jeunesse masculine, tout en structurant le défouloir qu'étaient les tribunes algériennes et en lui insufflant une dimension politique » (Correia, 2019).
Les chiffres sont impressionnants : cinq millions de supporteurs revendiqués par le MCA fondé en 1921, représente un puissant réseau porteur, depuis la colonisation, de revendications politiques. Le sens politique aiguisé des jeunes supporteurs est indéniable. Par exemple, les rivalités entre deux clubs algérois s'estompent quand d'autres enjeux sportifs ou politiques, leur semblent plus importants : notamment l'équipe nationale, ou quand la société se mobilise pour tenter de faire prévaloir le changement politique. Rappelons-nous le 14 mars 2019. Le refus des supporteurs du MCA et de l'USMA de se rendre au stade pour assister au match entre les deux équipes. « On ne peut pas aller à une fête de mariage quand sa mère est malade... ». Tout est dit dans ce propos révélateur de l'attachement des jeunes à la Nation algérienne. Le football est bien au cœur du politique. *Sociologue
Référence bibliographiques
Akoun A., 2005, « Le peuple des philosophes », Revue Hermès, CNRS Editions, 25-37.
Correia M., 2019, « Une longue tradition de contestation. En Algérie, les stades contre le pouvoir»,Le Monde diplomatique, mai, p. 10.


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