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La Journée mondiale des langues maternelles en Algérie : et la darija ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 21 - 02 - 2021

Depuis l'an 2000, chaque 21 février est consacré «Journée mondiale des langues maternelles», sur recommandation de l'UNESCO. Ce qui nous invite, au moins une fois par an, à réfléchir sur le sort de milliers de langues - dans le monde - que bien des circonstances menacent jusqu'à la mort.
Bien des communautés linguistiques continuent de souffrir de la minoration de leurs langues maternelles ; voire de leur interdiction pure et simple, hélas ! Voilà pourquoi cette journée symbolique est si importante pour l'éveil des consciences et, surtout, de la possibilité pour ces langues effacées de se manifester, d'une manière ou d'une autre. Moi qui ai toujours défendu les langues maternelles, qu'elles nous proviennent des variétés libyques ou puniques, je voudrais dire mon inquiétude devant le déni de la darija pendant qu'on s'adonne à la promotion d'une simple projection linguistique. Projection linguistique, non maternelle, donc, que l'on destine à s'imposer à toute une nation intrinsèquement plurielle. Tout système linguistique historiquement forgé et pérennisé par la naissance des locuteurs qui le reproduisent s'appelle langue. Voilà pourquoi nos langues maternelles, sans exception, doivent faire l'objet d'une grande attention. Quant aux hypostases idéologiquement motivées, elles ne doivent pas faire obstacle à la nature, quand bien même elles se prétendent «langues».
Il est vrai que les langues vivent et meurent et que celles qui disparaissent sont celles dont tous les locuteurs meurent. Ainsi en est-il des langues autochtones d'Amérique du Nord qui ne sont plus parlées par personne. Pourtant cette perte des langues humaines est un drame pour l'humanité entière car, comme le dit C. Hagège : «Les langues sont un peu comme les espèces animales : elles vivent, meurent, cèdent aux assauts des prédateurs. Ce ne sont pas seulement des mots qui s'envolent avec chacune d'elles. C'est une histoire, une mémoire, une manière de penser. Un peu de notre humanité» (Halte à la mort des langues, Ed. Odile Jacob, 2002). En somme, les langues maternelles effacées de la circulation sont des encyclopédies qu'on laisse se consumer sans assistance salvatrice. C'est donc doublement une lâcheté et un crime de langue (glottocide) que l'appel de l'UNESCO essaie de pointer chaque 21 février. Dans cette perspective, je propose d'enrichir ces deux qualifications d'une troisième : l'inhibition d'un don de la nature. Je vais m'en expliquer.
Les avancées scientifiques de la linguistique, d'une part ; et celles éclairant le fonctionnement du cerveau de l'Homme, de l'autre, sont parvenues en ce début de 3ème millénaire à révéler la nature biologique et génétique du langage humain. Le langage est décrit comme un organe assez particulier mais bien localisé dans le cerveau. Le réseau complexe que cet organe mobilise indique bien qu'il s'agit d'un centre nerveux sensible. D'ailleurs, un AVC peut très bien conduire à la perte de nos capacités de langage précisément parce qu'un accès à ce réseau complexe est obstrué pendant que la mémoire continue d'être accessible, fort heureusement. Le langage ne peut donc obéir aux injonctions politiques car sa programmation est d'abord et avant tout biologique. Notons que c'est bien lors de la première enfance que cet organe se matérialise dans l'accès à la parole car l'enfant se socialise et construit son univers mental avec les siens. Cette langue de la tendre enfance c'est bien ce que les uns et les autres nomment la langue maternelle.
Une langue acquise naturellement, sans apprentissage organisé ; le psycholinguiste nord-américain, S. Pinker, parle même d'un «instinct de langage», dans ces cas-là. Cet instinct est porté par une circuiterie, propre au cerveau, héritée par la naissance. Or, lorsque cette langue native est directement ou indirectement empêchée de matérialiser la communication, c'est un organe humain qui est censuré, inhibé, obstrué. Lorsqu'un lit de rivière est contrarié, le courant finit toujours par revenir à la charge et inonder la place. La nature ne supporte pas d'être contrariée et/ou détournée : elle réagit pour rétablir sa propre équilibration. Dans sa forme initiale de langue maternelle, le langage humain réagit mal aux censures imposées par l'environnement idéologique ou politique. Les irruptions de violences de toutes sortes en sont un des témoignages. Par ailleurs, le sujet parlant que la nature a préparé pour jouer un rôle dans la société qui l'accueille se voit exclu de l'échange par la parole. Exclu du champ politique et exclu du champ social et culturel, le sujet citoyen se voit refuser une citoyenneté active - d'où le rejet des «politiques» de manière générale. Comment alors penser quelque processus démocratique digne de ce nom dans un tel contexte ?
Par ailleurs, on sait que la culture est un espace mental résultant de l'activité productive de la communauté linguistique et que par conséquent, c'est par la langue maternelle qu'elle prend consistance. Les mots, les expressions et l'accent sont alors des marqueurs d'identité, des signaux d'appartenance communautaire. C'est de la sorte qu'une culture propre à la communauté se constitue et se pérennise. Dès lors que se passe-t-il lorsque pour reprendre une image du savant arabe du VIIIe siècle, Ibnu Jinni - une autre langue vient se superposer à la langue maternelle et l'exclure du champ de la parole ? C'est toute une culture «nationale» qui prend l'eau. A partir de ce moment, l'expression «culture nationale» perd son sens et ne mobilise plus l'identité et l'appartenance communautaire. On crée ainsi une béance dans l'imaginaire social, un manque à gagner d'un potentiel de violence aussi puissant que le lit de rivière détourné ou bloqué. On le voit, l'inhibition d'un don de la nature est une violence faite aux locuteurs des langues maternelles vouées aux gémonies. La minoration des langues que la nature génère est un crime contre l'intégrité physiologique et culturelle. Il nous faudra bien en prendre conscience pour mieux saisir les enjeux auxquels les langues maternelles de la nation algérienne, en l'occurrence, sont confrontées.
La langue maternelle de plus de 75% de la population, la darija, est minorée jusqu'à l'exclusion des espaces publiques officiels. Pourtant elle est langue d'une littérature écrite de plus de dix siècles (ez-zajel, el-melhûn, ech-cha3bi, el-3rûbi, etc.).
Non seulement elle est cette «bibliothèque-mémoire» de tout un peuple, mais, de plus, elle est le prolongement de la langue punique, présente sur tout le Maghreb bien avant l'arrivée des Arabes. Cette langue n'est donc pas de l'arabe «dégradé» comme on se plaît (tous bords confondus) à le scander, mais bien une langue singulière (le maghribi). Sa proximité avec l'arabe est la même qu'avec le syriaque ou l'araméen ou l'hébreu et bien d'autres langues sémitiques (originaires du «Chèm»). Par conséquent, on le voit bien, notre problème n'est pas avec la langue arabe, non. Il est avec le refus de la nature, avec le déni du réel. Sachons que le maghribi a accompagné la langue arabe dans sa pénétration en Afrique du Nord et les deux langues ont toujours fait bon ménage jusqu'à ce que les colonisations modernes en bouleversent l'équilibre. Depuis, cette langue traitée de «dialecte» souffre de minoration, y compris depuis l'indépendance nationale constat valable pour les trois pays du nord du Maghreb. Ne serait-il pas temps que cette langue maternelle retrouve la liberté que la nature, pour sa part, lui assure de manière obstinée depuis 3.000 ans ?
A côté du maghribi, il y a toutes ces variétés de langues maternelles dites berbères. De nos jours, ces dernières sont appelées sous le nom générique de tamazight. Cependant, la langue tamazight unique et partagée par tous les berbérophones n'est que projection politique, pas une réalité sociale effective. C'est bien ce que dit la Constitution (c'est moi qui souligne) :
Art. 4. - Tamazight est également langue nationale et officielle. L'Etat œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Il est créé une Académie algérienne de la langue tamazight, placée auprès du président de la République. L'Académie qui s'appuie sur les travaux des experts est chargée de réunir les conditions de la promotion de tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle.
La sagesse du législateur est, malheureusement, bafouée par des attitudes d'empressement tactique de militants désabusés, mais également d'institutions nationales censées, pourtant, participer à la promotion des variétés «en usage sur tout le territoire», sans exception. Ainsi en est-il du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) qui présente tamazight comme une «langue maternelle», surfant sur l'ambiguïté du terme (nom générique unique renvoyant à une pluralité de langues). Tous les spécialistes et les personnes un tant soit peu informées savent que tamazight en tant que «langue maternelle» n'est que souhait, désir, symbole. S'il n'est pas un seul enfant à être venu au monde avec tamazight comme langue de naissance, par contre, c'est par centaines de milliers que, chaque jour, ils accèdent à la socialité plutôt avec le chaoui ou le tamacheq ou le kabyle ou bien d'autres langues encore.
Nous ne sommes encore pas en possession de la «nouvelle langue unificatrice» que déjà on jette la suspicion sur celles qui sont effectivement ancestrales ! Pire, le HCA vient de déclarer clairement que son objectif est de parvenir à «la généralisation progressive de cette langue ancestrale». On veut généraliser une «non-encore langue» ? Et admettons - à titre hypothétique - que cela fut possible, quelle éthique politique peut bien engager les défenseurs d'une langue longtemps minorée à la faire reconnaître... pour l'imposer - moyennant de la coercition - aux autres locuteurs d'autres langues maternelles ?
Que cette journée mondiale de célébration des langues maternelles soit pour nous l'occasion d'affirmer une algérianité vigilante et refuser que de tels propos et déclarations puissent être banalisés (ou presque). En les pointant du doigt, on crée les conditions sereines d'une clarification salutaire. En effet, ne rien dire aujourd'hui, c'est aller, demain, vers des situations de tensions et de «guerres des langues». Si l'engagement universel de la démocratie et de la démocratie linguistique ainsi que de l'intérêt national peuvent être remis en haut de la hiérarchie des principes, il faudrait commencer par permettre à toutes les véritables langues naturelles et maternelles de la nation d'être reconnues, protégées et promues par la loi. Ensuite, seulement, passerons-nous de manière sérieuse et responsable au stade de la planification linguistique nationale. Commençons donc par officialiser la darija qui est, sans conteste, la langue maternelle majoritaire la plus écartée et maltraitée de la république. Alors, et à ce moment-là seulement, la participation citoyenne et de l'engagement dans l'édification nationale et démocratique prendront tout leur sens.
*Linguiste - Auteur de «Après tamazight, la darija» Ed. Franz Fanon.


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