L'affaire de l'autoroute Est-Ouest n'a pas encore livré tous ses secrets. Après le scandale de la corruption, ce sont conditions d'attribution du marché en 2006 aux groupements Citic-Crcc (Chine) et Cojaal (Japon) qui illustrent les erreurs d'appréciation du ministère de l'époque. Tout commence en 2004. Les Chinois s'intéressent aux projets d'infrastructures lancés dans le cadre du plan de relance économique du président Bouteflika, doté d'un budget colossal de 150 milliards de dollars. Après plusieurs mois de discussions avec les autorités algériennes, le conglomérat financier Citic et le gouvernement algérien signent en janvier 2005 un mémorandum d'entente (MoU). La signature a eu lieu à l'hôtel El Djazaïr (ex-Saint-Georges) d'Alger, en présence de plusieurs ministres algériens, du PDG de Citic et de l'ambassadeur de Chine à Alger. L'homme d'affaires français Pierre Falcone était également présent, en tant que représentant du groupe chinois. « C'est la seule fois où Pierre Falcone a rencontré des officiels algériens. A aucun moment, il n'avait participé à une réunion interministérielle comme l'a affirmé Chani Medjdoub aux enquêteurs », explique une source proche du dossier. Dans le mémorandum d'entente, les Chinois s'engageaient à réaliser le projet dans un délai de 39 mois. Au-delà, ils acceptaient de payer des pénalités de retard. Mieux : dans leurs négociations avec les Algériens, ils ont émis le souhait d'être payés en équivalent pétrole. Selon nos informations, sur la base du prix du baril proposé par les Chinois, le projet aurait coûté 4,3 milliards de dollars. Si les Algériens avaient accepté un tel accord, garanti par le gouvernement chinois, « il n'y aurait pas eu de surfacturation ni de commissions occultes versées aux intermédiaires », explique notre source. Mais contre toute attente, les Algériens ont refusé l'offre chinoise, en mettant en avant les nombreux candidats intéressés par le projet. Il est vrai que dès le lancement de l'appel d'offres, plusieurs groupes mondiaux, souvent appuyés par leurs gouvernements et des intermédiaires en Algérie, ont fait savoir leur intérêt pour le projet. Mais c'était sans compter sur la flambée des matières premières sur les marchés internationaux. Dès la fin 2005, alors que le gouvernement algérien était en pleine négociations avec les candidats au projet, les matières premières nécessaires à la réalisation d'un tel projet commençaient à flamber sur les marchés internationaux. Résultat, tous les candidats ont revu leurs offres financières en nette hausse pour prendre en compte cette nouvelle donne. Le coût de l'autoroute est ainsi passé d'une première proposition chinoise à 4,3 milliards à près de 12 milliards quand le projet a été attribué aux deux consortiums chinois et japonais. Financièrement, ils étaient les moins-disant. Ou presque : un autre groupe chinois, China State, avait créé la surprise, avec une offre financière inférieure de 30% aux deux consortiums retenus. Mais elle n'a pas été retenue car elle aurait engendré de nombreux surcoûts. Il est vrai que les prix du baril avaient eux-aussi fortement augmenté entre 2005 et 2007. En 2005, le prix moyens du baril de pétrole était légèrement supérieur à 50 dollars, avant d'augmenter à partir de 2006 et accélérer sa hausse en 2007. Son prix moyen en 2006 et 2007 était de 70 dollars, avant de baisser en 2008 et 2009. Mais même en tenant compte de cette hausse, la proposition initiale des Chinois restait largement compétitive par rapport au coût payé par l'Algérie. En plus d'un manque d'anticipation, le ministère avait également suscité l'étonnement en décidant de diviser le projet en trois lots : Est, Ouest et Centre. Trois ans après l'attribution du marché, ce choix suscite encore des interrogations d'autant que même pour le péage, le projet est divisé en trois lots.