Le 1er novembre 1954, les fidayïnes commettent plusieurs dizaines d'attentats, dont certains meurtriers. C'est la «Toussaint rouge». Ces événements surviennent dans une Algérie française découpée en plusieurs départements mais profondément divisés entre, huit millions de musulmans qui ont un statut d'indigènes, et près d'un million de citoyens français, immigrants de la métropole et du bassin méditerranéen et juifs locaux naturalisés en 1870. Les grandes villes algériennes à l'image d'Alger, Oran, Constantine, Béjaïa , Annaba, Skikda, Tlemcen et bien d'autres ont vu se créer une colonie de peuplement ; un million de pieds-noirs se sont installés. Les campagnes restantes presque exclusivement peuplées d'autochtones, au nombre de huit millions, étaient dépourvues des services publics de base, alors qu'à Alger ont vit comme à Marseille. Ailleurs, dans l'Algérie des campagnes, un jour sec et froid se lève sur Ighil Imoula, un village de la Kabylie, accroché aux contreforts du Djurdjura ; le 27 octobre 1954, le garde champêtre, un des rares habitants du village à être “du côté des Français”, n'entend pas la ronéo qui tourne à plein régime chez l'épicier du coin. C'est là qu'est tiré, à plusieurs centaines d'exemplaires, le texte de la proclamation du 1er Novembre, appelant à l'insurrection armée contre le France qui occupe le pays. Le stencil a été apporté d'Alger et pris en charge à partir de Tizi Ouzou par des militants. Le dimanche suivant, 31 octobre 1954, il fait un temps gris sur la montagne kabyle, et Krim Belkacem pense à l'hiver qui s'annonce et à ce que les maquisards, ses hommes, vont devenir. Vers 10 heures du matin, un messager emporte six petites lettres griffonnées de son écriture fine. Le même message, pour les six chefs de région. “Ordre de passer à l'exécution des plans arrêtés ensemble. Début des opérations, cette nuit, à partir de minuit. Respecter strictement les consignes : ne tirer sur aucun civil européen ou musulman. Tout dépassement sera sévèrement réprimé. Bonne chance et que Dieu vous aide. Fraternellement, Si Rabah, de Krim Belkacem, qui tient le maquis en Kabylie depuis de nombreuses années déjà. Au crépuscule de ce 1er Novembre 1954, on n'imagine pas alors, plus à Alger qu'à Paris, que vient d'éclater une guerre, une véritable guerre de libération nationale, avec son cortège d'atrocités. La guerre d'Algérie selon les historiens aura aussi raison de la IVe République, permettant le retour du général de Gaulle au pouvoir. Quelques mois plus tôt, en Indochine, les Français ont été défaits par le Vietminh. Les Moudjahidine algériens y voient un encouragement à se lancer à leur tour dans la lutte armée contre la puissance coloniale, bien qu'ils soient en très petit nombre au départ et presque totalement dépourvus d'armes. Relevant de plusieurs courants politiques, dont le MTLD de Messali Hadj et l'UDMA de Ferhat Abbas, les algériens forment au printemps 1954 un Comité révolutionnaire d'union et d'action (CRUA). Celui-ci choisit la date du 1er novembre pour déclencher l'insurrection. Une trentaine d'attentats ont lieu en ce jour de la Toussaint : récoltes incendiées, gendarmerie bombardée... Le ministre de l'Intérieur, François Mitterrand, promet de mettre tout en œuvre pour arrêter les «hors la loi». Avec emphase, il déclare le 12 novembre 1954 : «Des Flandres au Congo, il y a la loi, une seule nation, un seul Parlement. C'est la Constitution et c'est notre volonté». Le Front de Libération Nationale (FLN) est créé au Caire, peu après la «Toussaint rouge», par Ahmed Ben Bella, qui sera le premier président de l'Algérie indépendante après la dissolution du GPRA. Le 25 janvier 1955, le président du Conseil Pierre Mendès France nomme au gouvernement général de l'Algérie l'ethnologue Jacques Soustelle (44 ans), homme de gauche et gaulliste de la première heure. Il est accueilli fraîchement par les Européens mais très vite se rallie à la thèse radicale de l'intégration. Dans le courant de l'année 1956, le gouvernement de Front républicain du socialiste Guy Mollet intensifie les actions militaires en Algérie. Il envoie sur place non plus seulement des engagés (militaires professionnels), comme en Indochine, mais aussi des conscrits et même des réservistes). Le service militaire est porté à trente mois et les effectifs engagés dans ce que l'on appelle pudiquement les «opérations de maintien de l'ordre» ou «de pacification» ne tardent pas à atteindre 400.000 hommes. La guerre menée en Algérie par la France a fait un million et demi de chouhada. Cinquante six ans nous sépare de ce 1er Novembre 54, les cicatrices, sont mal refermées, le peuple algérien n'a pas fait table rase du passé. Il demande à la France officielle de reconnaître ses crimes commis durant 132 années de colonisation.