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Le drame oublié des orphelins de la région de Sétif
Publié dans Algérie Presse Service le 07 - 05 - 2012

Le destin exceptionnel des orphelins du 8 mai 1945, arrachés des mains de leurs mères, exilés de force pour vivre dans l'ouest du pays, dans un nouvel univers, très loin des hameaux où ils sont nés, est demeuré longtemps méconnu, au point qu'ils ont failli sombrer dans l'oubli.
Les écrits disponibles sur les massacres du 8 mai 1945 ne comportent que quelques brèves allusions à ces orphelins qui sont surtout, dans les sources coloniales, des sujets de controverse, notamment quand il s'agit de contester les chiffres pour avancer qu'il n'y avait "pas assez de victimes pour parler de génocide", ou "pas assez d'horreur pour parler de crime contre l'humanité".
Que des enfants perdent leurs parents et se voient "déplacés" puis adoptés, cela peut û c'est vrai û être assimilé à une gouttelette dans la mer de sang versée par les dizaines de milliers de victimes de ces massacres.
Il reste toutefois que le destin singulier de ces orphelins, tracé lorsqu'ils furent éloignés de leur environnement habituel, démontre que les événements sanglants de mai 1945 se mesurent aussi à l'aune d'une autre forme de cruauté, dans toute l'acception du terme.
Il montre aussi une des conséquences de l'inhumanité et de la logique d'anéantissement de la personnalité algérienne dans lesquelles se sont engagés l'armée française, les milices à sa solde et tous les tenants de l'ordre colonial.
Le déracinement
D'aucuns prétendent encore aujourd'hui que ce déracinement était devenu inéluctable du fait que ces orphelins risquaient de mourir faute de soins et de subsistance et que leur "enlèvement" (c'est le mot choisi, 67 ans après, par l'un d'eux) avait obtenu le consentement de leurs mamans. C'est en 1995, lors d'une semaine culturelle de la wilaya de Sétif à Oran, que le cas des orphelins du 8 mai 1945 a commencé à revenir à la mémoire.
Les témoignages recueillis alors par un journaliste qui faisait partie de la délégation sétifienne, faisaient état de 35 orphelins de Beni Aziz et de Kherrata auxquels des familles oranaises ont ouvert les bras. Un chiffre confirmé par la suite par plusieurs témoins, dont la propre mère d'un de ces enfants.
Plus récemment, les premiers témoins interrogés par l'APS, à Sétif, à Beni Aziz, à Oran et à Tlemcen, donnent encore des renseignements imprécis, les années qui passent rendant quelque peu "flous" les souvenirs. Cependant, malgré les effets du temps, tous les témoins encore de ce monde évoquent le drame de ces enfants recueillis par des familles de militants.
C'est dans l'entourage d'un ancien militant du PPA à Oran, feu El Houari Souiyah, qu'il a été enfin possible de rencontrer l'un de ces orphelins du 8 mai 1945, Amar Sbiaâ, originaire de Béni Aziz, recueilli par une famille de Tlemcen. Les témoignages de Amar Sbiaâ, contacté à Oran, et de sa mère H'mama Layeb, rencontrée à Beni Aziz, dans la wilaya de Sétif où elle vit encore, montrent qu'au-delà du destin familial, l'histoire de ces orphelins mérite d'être écrite, mérite que soient mobilisés tous les témoignages et toutes les archives accessibles.
Continuateurs du combat de leurs pères
Ces premiers témoignages recueillis sur les orphelins du 8 mai 1945 interpellent les historiens en rappelant d'abord la filiation directe entre deux dates marquantes dans le processus de la lutte pour la libération nationale, 1945 et 1954.
Les orphelins du 8 mai 1945 qui rejoindront, pour la plupart, les rangs de la lutte armée en 1954, se considèrent comme les continuateurs du combat de leurs pères. Pour eux, le 8 mai 1945 est l'acte fondateur de la mobilisation populaire pour l'émancipation nationale, explique Sbiaâ.
Pour de nombreux historiens, dont Mohamed Harbi, ce fut "le début véritable de la guerre de libération nationale".
Kateb Yacine, l'auteur de "Nedjma" n'avait pas encore tout à fait 17 ans lorsqu'il fut arrêté et emprisonné, le 8 mai 1945, à la "Citadelle" (emplacement actuel du parc d'attractions de Sétif). Il étudiait au collège Albertini (aujourd'hui lycée Mohamed Kerouani). Amar Sbiaâ, lui, n'avait pas plus de 4 ans et vivait à Beni Aziz.
Pour se rendre dans ce beau village de montagne, situé à une soixantaine de km au nord de Sétif, il faut longer à flanc de montagne la rive droite de l'oued Bourdim.
La rivière se souvient des 600 victimes de Béni Aziz. Rencontré à Oran, Amar Sbiaâ, âgé aujourd'hui de 71 ans, commence d'abord par évoquer son père, Saïd Sbiaa, "militant de la première heure du PPA". Fier d'être "l'héritier actif" de l'action militante de son géniteur, Amar Sbiaâ exhibe une photo prise devant la stèle du 8 mai 1945, au cimetière de Sidi-Saïd, à Sétif, où sont enterrés les martyrs Saïd Sbiaâ et ses compagnons.
Pendant des longues semaines, les milices de colons ne cessèrent de parcourir les campagnes dans une sanglante et hystérique chasse aux algériens qui fuyaient dans les bois et les grottes pour échapper au massacre.
C'est ainsi que Amar Sbiaa perdit deux frères, Fodil et Tahar, morts dans la montagne, tués par la faim et la maladie, la maman, elle, ne survécut qu'en se nourrissant d'herbes.
Lorsque la chasse à l'homme commença à s'apaiser, raconte Amar Sbiaâ qui cite des témoignages qu'il a pu recueillir tout au long de sa vie, une délégation de militants et de responsables de tous les courants nationalistes vint à Beni Aziz, pour recueillir les orphelins. Les mamans, restées seules, ne pouvaient subvenir à leurs besoins, considérait-on à l'époque. C'est ainsi que Amar partira à Oran, avec 34 autres orphelins de Béni Aziz et de Kherrata.
"Je ne suis pas ton fils, ma mère s'appelle Kheïra"
Sur une autre photo on voit le portrait en noir et blanc d'une dame distinguée, les cheveux drus coupés courts, un port de tête digne, presque aristocratique. Des lunettes cerclées soulignent un regard d'une extrême bonté.
"C'est Kheïra Belkaid, notre mère à tous". Invité à s'expliquer, Amar poursuit : "oui, cette dame, était une figure légendaire de la ville d'Oran, avec sa cousine Ould Cadi Setti, appelée "Caida Halima".
Kheïra, petite-fille du célèbre colonel Bendaoud, était la généreuse protectrice des orphelins du 8 mai 1945. Elle consacra toute sa fortune aux ‘‘œuvres de bienfaisance. Arrêtée en 1957 pour son activité militante, Kheïra Belkaid sera assignée à résidence à Alger, avant de mourir d'une crise cardiaque, en 1961.
"Elle rendit l'âme au moment précis où elle apprit que l'un de ses enfants adoptifs a été arrêté par les parachutistes", explique encore Amar Sbiaa qui voue à cette femme autant d'affection filiale qu'à sa mère biologique.
Une autre photo est bien en vue dans l'album de Amar Sbiaa. Elle date de 1950. On l'aperçoit, tout frêle, avec son tuteur Mohamed Boukroucha, accompagné aussi de son fils légitime qui avait également 11 ans. Elle a été prise au moment où Amar s'apprêtait à prendre le train pour Sétif et revenir voir sa mère, pour la première fois.
Mohamed Boukroucha, comme nombre de protecteurs des orphelins du 8 mai 1945, a été licencié des rangs des pompiers pour avoir aidé les enfants des "ennemis de la France". "Et avec ça, on considérait que les victimes du 8 mai 1945 étaient des droits communs auxquels le statut politique ne sera jamais reconnu", commente Amar.
A Sétif, il sera pris en charge par le chef de gare lui-même, un certain Mabrouk qui l'aidera à retrouver sa mère, à Beni Aziz. "Mabrouk se mit à sangloter lorsque j'achevai de lui raconter mon histoire", se souvient Amar pendant qu'une larme chemine sur son visage buriné.
Rencontrée il y a quelques jours à Béni Aziz, la mère de Amar, H'mama Layeb, 90 ans, raconte, la gorge nouée, que lorsqu'elle l'avait enfin retrouvé après avoir pleuré pendant des années, il lui dit : "je ne suis pas ton fils, ma mère s'appelle Kheira !".
H'mama Layeb, militante aux côtés de son mari depuis les années 1940, perdit de nombreux membres de sa familles le 8 mai 1945. Elle s'engagera naturellement dans la guerre de libération nationale, dès le 1er novembre 1954 et c'est à ce titre qu'elle comprend que son fils retrouvé, ait vécu avec le sentiment d'abandon et lui dise cela, après avoir parcouru un millier de kilomètres.
Mais elle avait retrouvé son fils, c'était bien-là le principal et elle en fut heureuse. Même si elle ne peut s'empêcher d'avoir une pensée émue pour toutes les autres mamans qui ne revirent jamais les morceaux de leur chair qu'on leur a arrachés des mains, dans le sillage des massacres du 8 mai 1945.


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