L'accord de paix en Colombie visant à mettre fin à 52 ans de conflit armé avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a été, contre toute attente, rejeté par référendum, mais le président Juan Manuel Santos s'est dit "déterminé" à poursuivre le dialogue avec toutes les forces politiques dans un pays profondément divisé sur la question. A l'issue de ce scrutin crucial pour l'avenir du pays tenu dimanche, le "Non" a surpris avec 50,21% devant le "Oui" à 49,78%, cinq heures après la clôture des bureaux de vote. Près de 34,9 millions d'électeurs étaient appelés à répondre par "Oui" ou par "Non" à la question: "Soutenez-vous l'accord final d'achèvement du conflit et de construction d'une paix stable et durable?". Après le résultat, le président a annoncé qu'il convoquerait lundi "toutes les forces politiques - et en particulier celles qui se sont manifestées pour le Non - afin de les écouter, d'ouvrir des espaces de dialogue et décider du chemin à suivre". Ce rejet était inattendu, la plupart des sondages donnant le "Oui" en tête, pour que les Farc, nés en 1964 d'une insurrection paysanne, se convertissent en parti politique après avoir remis leurs armes à l'ONU, qui a déjà vérifié la destruction samedi de 620 kg d'explosifs. Mais les opposants ont fait campagne pour le "Non" en dénonçant notamment un "laxisme" des sanctions prévues contre les auteurs des crimes les plus graves et la participation des guérilleros démobilisés à la vie politique. Le référendum, non obligatoire, avait été voulu par M. Santos afin de donner la "plus large légitimité" possible à l'accord qu'il a signé le 26 septembre avec le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes), Rodrigo Londoo, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jiménez ou Timochenko. Poursuivre le chemin de la paix En septembre, M. Santos avait déclaré que si le "Non" l'emportait, les guérilleros retourneraient "dans la jungle". Après le référendum, il a toutefois annoncé qu'il convoquerait lundi "toutes les forces politiques (...) afin de les écouter, d'ouvrir des espaces de dialogue et décider du chemin à suivre". "Je ne me rendrai pas et continuerai à rechercher la paix", a déclaré Juan Manuel Santos, affirmant que le cessez-le-feu bilatéral et définitif, observé depuis le 29 août, "reste valide et restera en vigueur". Le chef des FARC, Timoleon Jiménez ou Timochenko a de son côté, déploré "que le pouvoir destructeur de ceux qui sèment la haine et la rancœur ait influé sur l'opinion de la population colombienne". Il a réitéré la disposition des guérilleros "à ne faire usage que de la parole comme arme de construction de l'avenir". Peu après l'annonce de chiffres, la seconde guérilla de Colombie l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste) a écrit sur Twitter qu'"en dépit des résultats", il faut "continuer à lutter pour la paix". "Nous appelons la société colombienne à continuer à chercher une issue négociée au conflit armé", a ajouté l'ELN, qui devrait entamer des pourparlers de paix, dont l'ouverture prochaine avait été annoncée en mars. Déception et soutien à l'international L'accord, qui avait reçu un large soutien de la communauté internationale, mais dont le devenir est désormais incertain, entendait mettre fin à la plus ancienne confrontation armée de l'hémisphère nord. Pays garant de l'accord de paix en Colombie, la Norvège s'est dite lundi "très déçue" et a appelé à "sauver la paix". "Il ne fait aucun doute que nous sommes très déçus", a déclaré le chef de la diplomatie norvégienne, Barge Brende, à la radio NRK. Le président de l'Equateur, Rafael Correa, a, pour sa part, espéré que la paix "gagnera" au final, tandis que son homologue français, François Hollande, apportait son "plein soutien" au président colombien et saluait "son courage politique". Le rejet de l'accord de paix est une occasion manquée pour le pays de tourner la page d'un conflit colombien qui dure plus d'un demi-siècle et qui a plus de 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.