Acteur, réalisateur et producteur, le cinéaste et moudjahid Mohamed Lakhdar Hamina, décédé vendredi à l'âge de 95 ans, aura marqué le cinéma algérien durant plus de 50 ans, laissant derrière lui une œuvre prolifique à la grandeur de l'Histoire de l'Algérie et de la richesse de sa culture. Né à M'sila, Mohamed Lakhdar Hamina avait manifesté, dès son enfance, un penchant prononcé pour la photo et l'image, faisant ses premières classes d'enseignement général en Algérie qu'il avait poursuivi en France, pour rejoindre en 1958 Tunis, où il a suivi une formation avant de retrouver ses camarades de combat et tourner ses premiers films au maquis. Une année plus tard, il est envoyé par le FLN en Tchécoslovaquie pour suivre des études en cinéma à Prague où il s'était spécialisé dans la prise de vue, tout en regagnant régulièrement Tunis pour tourner notamment avec Djamel Chanderli (1920-1990), "Yasmina", "La Voix du peuple" et "Les Fusils de la liberté". Après l'Indépendance, il rassemble ses anciens collaborateurs de Tunis pour jeter les bases de ce qui va devenir l'"Office des actualités algériennes", dont il deviendra le directeur de 1963 à 1974. En 1965, il tourne son premier long-métrage "Le vent des Aurès" avec la grande Keltoum (Aicha Adjouri 1916-2010), époustouflante dans le rôle d'une mère désemparée errant entre les prisons et camps de concentration de l'armée coloniale française, à la recherche de son fils embarqué dans une rafle par la police coloniale. "Le vent des Aurès" sera alors couronné du Prix de la première œuvre au Festival de Cannes en 1967, marquant ainsi la présence du cinéma algérien sur la scène internationale. En 1968, il tourne "Hassen Terro" interprété par le regretté "Rouiched" (Ahmed Ayad, 1921-1999), un deuxième long métrage qui lui ouvrira la porte de la popularité en Algérie, pour récidiver en 1972 avec le film "Décembre", qui dénoncera l'abjection et la barbarie de la torture, adoptée par l'armée coloniale française en mode de fonctionnement. lire aussi : Décès du grand cinéaste Mohamed Lakhdar Hamina à l'âge de 95 ans En 1974, Mohamed Lakhdar Hamina réalise "Chronique des années de braise", une grande fresque historique, partagée en six tableaux: depuis les premiers mouvements de résistance jusqu'à la glorieuse Révolution de Novembre 1954, une épopée d'une grande force visuelle qui remportera la Palme d'or au Festival de Cannes en 1975. Directeur de l'Office national du cinéma et de l'industrie cinématographique (ONCIC) de 1981 à 1984, le défunt signera durant cette période, deux films: "Vent de sable" (1982) et "La Dernière Image" (1985) avant de finir en 2014 par son dernier long métrage, "Crépuscule des ombres". Mohamed Lakhdar Hamina a également produit plusieurs films à succès, à l'exemple de "Z" (1969) de Costa Gavras et "Le bal" (1983) d'Ettore Scola, tandis que certains de ses films sont marqués par son passage en caméo. Ainsi, le défunt a fait des apparitions dans "Chroniques des années de braise" en incarnant le personnage de "Miloud", un conteur à la parole vraie et juste, souffrant de l'indifférence des autres car atteint de folie, "La dernière image" et en 2019 dans "J'accuse" de Roman Polanski. L'expression de l'amour indéfectible que le défunt vouait à sa patrie, s'était toujours appuyée sur sa passion pour l'image et le cinéma, mettant ingénieusement sa caméra à la disposition de la cause nationale, alors qu'il était encore en période de formation, puis au service de sa cité et de la glorieuse Histoire de l'Algérie et sa pluri-culturalité. Mohamed Lakhdar Hamina sera inhumé cet après-midi au cimetière de Sidi Yahia à Alger.