La quasi totalité de la Suisse cinéphile s'est retrouvée, hier soir, à Locarno, belle cité du lac Majeur, pour l'ouverture du 61e Festival international du film qui se déroule tous les ans au début du mois d'août. Locarno (Suisse) : De notre envoyé spécial Une idée louable de Frederic Maire, directeur du festival et qui, cette année, occupera le poste de directeur de la Cinémathèque suisse, de rendre un grand hommage à Youssef Chahine, à Locarno, avec la projection de son film phare Le Destin sur la Piazza Grande, spectaculaire cinéma en plein air avec son écran géant, qui peut accueillir 10 000 spectateurs. Parmi les autres bonnes idées du festival, il y a la rétrospective intégrale de Nanni Moretti. Le grand cinéaste romain sera présent à Locarno, pour répondre aux questions du public, donner des nouvelles de l'Italie, de ses projets... Nanni Moretti est l'acteur de tous ses films. On le verra donc sur les rives du Lac Majeur, in vivo, sur écran, à l'exposition photos qui lui est consacrée dans le livre édité, à cette occasion, par le festival de Locarno. Ce serait long et fastidieux de citer, ici, tous ses titres, fictions, documentaires, vidéo, longs et courts métrages. Voir tout ça dans Google. Cette grande rétrospective de Locarno, est un événement parce qu'elle montre un artiste phénoménal, un cinéaste original, inclassable qui a créé son propre style, qui interpelle la société italienne et ses concitoyens tout en ne parlant que de lui ! Nanni Moretti est aussi très célèbre pour son engagement politique, ses positions courageuses et impertinentes. Chez lui, le cinéma est indissociable de l'évolution de la société italienne. Son travail est un perpétuel questionnement. Nanni Moretti est celui qui empêche que ça « tourne rond », dans ses comédies loufoques autant que dans les drames qu'il a mis en scène. Le cinéaste a ses idées très personnelles sur son pays et plus d'une fois, on l'a retrouvé à la tête d'un front de refus. Quand ça va mal, comme avec le gouvernement actuel et ses alliés néofascistes, Nanni Moretti sort de ses gonds et rassemble beaucoup de monde autour de lui. C'est cela qui fait sa force et son originalité de cinéaste pas comme les autres. Ce serait le monde à l'envers si, un jour à Rome, Berlusconi tenterait un mauvais coup spectaculaire et qu'on n'entende pas aussitôt le timbre si inimitable de la voix de Nanni Moretti dire « Basta ! » Avant de le répéter ensuite avec les moyens du cinéma. Dans la salle du Rex de Locarno, l'intégrale de Nanni Moretti va attirer beaucoup de monde. Palombella Rossa sera projeté le soir sur la Piazza Grande. On imagine déjà les rires, la joie des spectateurs devant l'humour cruel de l'artiste. Aujourd'hui, Nanni Moretti opère une autre percée tout en jouant et en réalisant ses films. Il travaille aussi dans la production, la distribution et l'exploitation (il possède une salle de cinéma à Rome). Tout récemment, il a accepté le poste de directeur du Festival de Turin. Là, c'est sa finesse d'analyse critique, son engouement cinéphile qui vont marquer le programme. Sans doute aussi ses choix politiques militants. L'automne piémontais risque de vibrer aux choix savoureux d'un artiste iconoclaste.
