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le géant qui cassa le tabou
Sider
Publié dans El Watan le 29 - 12 - 2004

L'Etat n'exerce pas sa fonction d'actionnaire de façon satisfaisante : confusion des genres d'un Etat à la fois stratège, régulateur, propriétaire et client, absence d'orientations claires données aux dirigeants, conseils d'administration ravalés au rang de chambres d'enregistrement. »
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce constat a été dressé en mars 2003 par le ministre français de l'Economie, Francis Mer, sur la situation de leurs entreprises publiques. Et cerise sur le gâteau, une décision « spectaculaire », qualificatif employé par le ministre lui-même, fut prise. C'est la création d'une agence des participations de l'Etat, équivalente à notre Conseil des participations de l'Etat (CPE). Malheureusement, le parallèle avec nos entreprises s'arrête ici. L'objet de mon opinion est de décrire succinctement le long et chaotique cheminement de l'entreprise algérienne depuis le début des années 1980. De décrire également les multiples et difficiles tentatives de l'ancien système de sortir de l'économie planifiée, qui, à l'image d'un séisme dont les répliques se font encore ressentir plus de trente ans après, ne finit pas d'agoniser. Ainsi pourra-t-on situer les difficultés d'un management ballotté au gré des événements subis et des conjonctures imposées. C'est dans un triple environnement corrélé - politique, économique et social - que l'entreprise algérienne devait se mouvoir. Le manager entre le marteau et l'enclume : le marteau des injonctions venues d'en haut et l'enclume sociale du syndicat venue d'en bas. Trois dates peuvent être retenues et qui, d'une certaine manière, peuvent être considérées comme jalons d'étapes délimitant des périodes distinctes de la vie de nos entreprises.
1983 : décision éminemment politique : première tentative ou, pour employer un terme militaire, une première incursion pour changer le système de l'intérieur. C'était la fameuse restructuration des entreprises.
1987 : décision économique : la chute brutale des prix du pétrole a mis à nu les déséquilibres structurels de l'économie (endettement, déficit chronique des entreprises...). Ce fut la création des fonds de participation, la mise en place de la TVA, l'apparition des commissariats aux comptes.
1990 : juste après les événements d'Octobre 1988, l'entreprise est touchée de plein fouet par ce qui sera connu par les réformes. Elle se retrouve aux confluents de toutes les revendications, démocratiques, politiques, sociales, syndicales, car seul lieu où pouvaient s'extérioriser toutes les rancœurs et tous les espoirs.
1983 : lancement de l'opération restructuration des entreprises. Le raisonnement était simple : l'entreprise était mal gérée car trop grosse. Approche superficielle : il faut donc découper. Il est vrai que les prémices étaient déjà perceptibles vers la fin des années 1970 avec l'éclatement du ministère de l'Industrie en deux ministères : ministère de l'Industrie lourde et ministère des Industries légères. De ces appellations, on peut cerner toute la psychologie et toutes les attentes de nos décideurs d'alors. On remarquera l'utilisation du singulier pour la lourde et le pluriel pour la légère. En 1983, les grosses sociétés nationales SNS, Sonacome, Snic, Sonarem... éclatèrent en une multitude d'entreprises. A titre d'exemple, la Société nationale de sidérurgie (SNS) donna naissance à 17 entreprises, qui chacune évidemment, reprit la même organisation de l'entreprise mère. La tête donna naissance à 17 têtes avec évidemment des corps plus petits. La bureaucratie intégra et s'enracina dans les rouages de l'entreprise. Slim, dessinateur de presse, illustra cette période de manière humoristique dans l'hebdomadaire d'alors Algérie Actualités. L'entreprise Sonacostume donna naissance à la Sonaveste et à la Sonapantalon. Superficialité de l'approche, le système de l'économie administrée était toujours debout. L'entreprise n'avait aucune autonomie : l'objet était toujours social et accessoirement économique.
1987 : c'est avec la création des fonds de participation que commença véritablement le dur apprentissage des lois de l'économie de marché. Création des premières EPE SPA, timide percée de la fonction finance et comptabilité dans les entreprises. Début d'encouragement de l'investissement privé et de levée des tabous économiques. Il est vrai aussi que l'impulsion vint de l'extérieur. C'était le premier choc pétrolier pour les pays producteurs. Les rentrées de devises fondirent comme neige au soleil, alors que les intérêts de la dette atteignaient des sommets.
1990 : au désarroi économique du pays est venu se greffer le désarroi politique, l'un ayant entraîné l'autre. Les événements d'Octobre 1988 marquèrent la fin d'une période et le début de l'instabilité avec, en 1990, l'apparition du terrorisme. L'entreprise paya un lourd tribut par, d'abord, la destruction systématique de ses infrastructures et, ensuite, par l'assassinat de ses dirigeants et de ses syndicalistes. Paradoxe, c'est durant cette décennie noire que fut franchi le seuil psychologique par l'ensemble des acteurs de l'inéluctable privatisation de la sphère économique. Les réformes lancées par l'Etat, soutenues bien souvent par une injection de capitaux frais et de traitement de l'endettement dans des entreprises déstructurées, montrèrent leurs limites. Un système qui ne peut être réformé doit être remplacé. C'est ainsi que l'environnement économique changea radicalement par l'envergure et la multiplicité des investissements privés nationaux. Une forme de politique de contournement du secteur public, particulièrement dans les industries agroalimentaires et les industries de transformation, se mit en place. Et chacun de nous peut le constater chez l'épicier ou le quincaillier du coin par la variété de produits offerts. Il n'était pas, je pense, inutile de retracer brièvement dans quel environnement a baigné l'entreprise algérienne depuis le début des années 1980 afin de cerner véritablement la problématique de sa gestion ou plutôt de son management. Il est vrai qu'il est difficile d'accoler le mot management à l'ancien système, car gestion allait de soi et rimait alors avec comité de gestion, gestion socialiste des entreprises. Comité de management ou management socialiste des entreprises aussi contradictoire que le jour et la nuit. L'Etat gestionnaire dans ces années-là a formé par fournées entières des ingénieurs et des techniciens, dont le modeste auteur de ces lignes. Il n'existe aucune école de gestion digne de ce nom. Cette prédominance était de fait à telle enseigne que toute science utilisant une équation mathématique était appelée science exacte. Le reste devait être les sciences de l'à-peu-près. Autre symbole très fort : l'existence d'un seul institut de formation en finances et en comptabilité où même le mot science était remplacé par techniques. L'Etat gestionnaire omniprésent et l'Etat financier tenant les cordons de la bourse. Il serait égoïste intellectuellement de ne pas décrire l'expérience managériale récente vécue avec le partenaire indien, notamment en retraçant le cheminement de la sidérurgie algérienne à travers toutes les phases décrites précédemment, de la restructuration à l'autonomie, de la filialisation à la privatisation, pardon le partenariat. Cette sidérurgie que symbolise le complexe d'El Hadjar s'est retrouvée dans un double tourbillon :
D'abord la crise de la sidérurgie mondiale ;
ensuite nos limites managériales dans un environnement manquant de visibilité économique. En 1998, la logique ayant prévalu en 1983, où la SNS donne naissance à 17 entreprises, dont Sider, fut appliquée encore une nouvelle fois et Sider éclata en 20 filiales sous forme d'EPE SPA. Le terme galvaudé - alors à la mode - était le recentrage sur le métier de base. C'est ainsi qu'à côté du mastodonte Alfasid regroupant les grosses unités du complexe et à peu près 7000 travailleurs, on retrouve des petites filiales, dont les effectifs, pour certaines, ne dépassaient pas les 50 personnes. Il est vrai qu'au préalable une importante opération de compression des effectifs eut lieu par le biais des départs volontaires rémunérés et des retraites anticipées. C'est à la même période que l'idée et le principe du partenariat commencèrent à germer dans les esprits. D'importantes opérations de sensibilisation de l'ensemble des acteurs - cadres, travailleurs et syndicalistes - furent menées. Tout le monde comprit que la fin d'une époque était proche et que la situation devenait insoutenable aussi bien financièrement que psychologiquement. Les limites étaient atteintes car le système ne pouvait changer de l'intérieur. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est le syndicat qui le premier comprit l'inéluctable passage. C'est ainsi, comme de tradition, que la sidérurgie algérienne et l'emblématique complexe d'El Hadjar se retrouvèrent à la pointe comme cobayes grandeur nature des réformes lancées par l'Etat. C'est le groupe mondial LNM Ispat qui racheta 70% du capital des 10 plus grosses filiales. L'opération, menée tambour battant sur moins d'une année, aboutit le 18 octobre 2001 à la naissance d'Ispat Annaba. Et c'est ainsi que, dans un environnement baignant dans l'indiscipline, dans le désordre social, dans des pouvoirs dilués où chacun est chef de quelque chose, qui par l'ancienneté, qui par les relations, qui par les circonstances, que les Indiens débarquèrent. La difficulté de prime abord est insurmontable. Si dans les pays de l'Est la sortie du système unique s'est faite sur du velours, sur la destruction de murs ou sur l'éclatement ; en Algérie, c'est plutôt la sortie de plusieurs systèmes aussi antinomiques les uns des autres, allant du socialisme de la mamelle et de l'Etat-providence à l'islamisme des ténèbres et de la démocratie de l'anarchie. A cela s'ajoute l'occidentalisation des lois sociales basées sur deux principes fondamentaux :
La solidarité entre classes : sécurité sociale ;
la solidarité entre générations : politique de la retraite. C'est dans cette complexité multidimensionnelle que le partenaire devait se mouvoir. Les équipes managériales algériennes à la tête des filiales ressentirent un véritable choc dans un bouleversement radical de leurs repères d'alors. Le nouveau management se mit en place de manière progressive. La première étape fut la conquête de la sphère décisionnelle. Elle se passa en douceur et très rapidement. Arrivant dans un pays aux antipodes de l'Inde par l'histoire, par la religion, par la langue ou plutôt par les langues, l'arabe face à l'indien, l'anglais face au français, enfin par tout, l'équipe indienne n'eut aucune difficulté majeure à introduire son mode de management. Cette première étape fut facilitée, paradoxe des paradoxes, par la difficulté de la communication : la traduction ne laissant aucune chance ni place aux sentiments ou aux états d'âme. C'est ainsi que cette barrière linguistique fut un facteur essentiel de la prise du pouvoir managérial. Au mois de novembre 2001, leur organisation se précise par la diffusion d'une instruction d'une page où une case organigramme détermine et la fonction et le titulaire du poste. Nos anciennes décisions pouvaient paraître bien dérisoires intégrant plein de « considérant », de « vu »... montrant toute l'absurdité et la lourdeur administrative de notre gestion. Autre innovation de taille, la personne désignée dans la case entraîne implicitement toute son ancienne structure avec elle. Les entreprises SNS puis Sider ont toujours connu de grandes opérations d'organisation menées par des cabinets-conseils internationaux (Booz and Allen, Scandia-Consult, Ernst-Young, NSC). Différentes écoles, différents continents, différents schémas de pensée auxquels se rattachent ces cabinets. Ispat l'indienne innove en gardant toutes ces organisations hybrides qu'elle fait chapeauter par ses hommes à la tête de vice-présidences. D'octobre 2001 à mai 2003, avec les Indiens et leur indéfinissable et non théorisable management, le complexe d'El Hadjar connut le choc de l'impulsion de Dirac. Cette impulsion est une fonction mathématique bien connue des automaticiens pour avoir une existence virtuelle, impulsion à énergie infinie et à durée nulle. Utilisée pour modéliser les systèmes, elle identifie ainsi tous les paramètres du modèle. Ispat fut cette impulsion bien réelle. Elle réussit à opérer une véritable révolution des mentalités en mettant en évidence, en les cassant, en les contournant tous les anachronismes de notre gestion antérieure. Il fut démontré aussi, dans la pratique, l'absurdité de toutes les théories vaseuses, défendues jusque-là, du transfert technologique et des théories d'organisation. Le partenaire découvrit de véritables gisements à ciel ouvert de compétences dans la composante humaine aussi bien d'exécution que d'encadrement. Des situations figées, des méthodes sclérosées de travail, des absolus ancrés dans les esprits bien souvent inamovibles se réfugiant derrière la soi-disant force du système furent balayés par un management naturel.Le système de l'économie socialiste n'était solide qu'en apparence. Dix ans avant, le Premier ministre d'alors, parlant des réformes nécessaires, disait : « Ou ça passe ou ça casse. » Le complexe d'El Hadjar se cassa d'abord en devenant pour l'Etat, tout au long des années 1990, un fardeau politico-économico-social après avoir été un fardeau idéologique dans les années 1980. De l'injuste incarcération de ses cadres à la réduction des effectifs, à la filialisation, l'enfantement de la sidérurgie algérienne privatisée se passa dans la douleur, montrant ainsi, comme pour la restructuration des sidérurgies ailleurs dans le monde, que les consensus adoptés jusqu'à maintenant ont mené des pans entiers de l'industrie nationale à la quasi-ruine. Il fut démontré aussi que les ruptures brutales peuvent être fécondes et que les atermoiements dans les décisions vitales peuvent être mortels.
Par M. G.
Docteur d'Etat en sciences appliquées Université Lille 1, France


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