La Maison des écrivains de Montréal a accueilli vendredi dernier la journée Assia Djebar, lancée il y a trois années pour célébrer l'entrée de l'écrivaine et historienne algérienne à l'Académie française, un certain 16 juin 2005. L'hommage s'est fait à travers Femmes d'Alger, le film de Kamal Dehane, dont le titre renvoie autant au roman de Assia Djebar qu'à la série de toiles de Delacroix. Le film a été tourné entre novembre 1991 et janvier 1992, à un moment où l'expérience démocratique algérienne allait basculer dans l'horreur qui a donné la décennie noire. Le documentaire a déjà connu une consécration montréalaise en 1993, où il a remporté le Prix du meilleur court métrage au Festival de cinéma Vues d'Afrique. La projection a été suivie d'un débat en présence de la réalisatrice Nadia Zouaoui, qui a, elle aussi, réalisé un documentaire sur la situation des femmes dans sa Kabylie natale, Le voyage de Nadia. L'événement a été organisé par SN Production, Racines et Confluences, ainsi que par l'Union des écrivaines et des écrivains du Québec(UNEQ). Les organisateurs se sont donné le mandat de parler de la femme algérienne en 2018. Mais avant d'y arriver, une rétrospective s'impose. «En 1992, le cinéaste Kamel Dehane donnait la parole aux femmes d'Alger. Assia Djebar et d'autres ouvraient leur cœur sur la vie des femmes dans une Algérie conservatrice en pleine transformation : d'un côté, l'espoir d'une émancipation, et de l'autre, la menace d'un nouveau conservatisme, l'islamisme. En 2006, la documentariste Nadia Zouaoui, installée à Montréal, revient en Algérie. Son voyage est l'occasion de voir que peu de choses ont changé et que rien n'est Acquis. Son film, Le voyage de Nadia, donne la parole aux femmes de son village natal en Kabylie, où plusieurs générations se confient dans un huis clos touchant». Kamal Dehane, qui enseigne le documentaire et l'analyse cinématographique à l'Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion (INSAS) de Bruxelles, en Belgique, explique que le film a été réalisé en une sorte de deux en un, puisque il l'a tourné en même temps que Assia Djebar, entre ombre et soleil. Il est l'un des rares, en dehors des spécialistes de l'auteur de Loin de Médine, à s'être rapproché de si près de Assia Djebar. Il a fallu qu'il passe à travers toute son œuvre et la suive pendant trois années. En plus de Assia Djebar, il a documenté une autre icône de la culture algérienne, Kateb Yacine, avec son film Kateb Yacine, l'amour et la Révolution.