En construisant quatre barrages dans la wilaya de Jijel, qui dispose d'un cinquième ouvrage hydrique mis en service au début des années 1960, l'Etat a énormément investi dans les ressources en eau, faisant de cette région un réservoir hydrique régional pour l'alimentation en eau potable et l'irrigation de la partie est et des Hauts-Plateaux du pays. Mais force est de constater qu'en dépit de cette prouesse, l'eau demeure une denrée qui se fait rare dans de nombreuses localités de la wilaya, poussant la population à ne compter que sur l'apport des citernes pour ses besoins en eau potable. Quant à l'irrigation, elle se fait encore à partir des oueds, avec tous les risques que cela comporte pour la santé du citoyen. Le même risque est encouru par le citoyen quand il consomme l'eau des citernes, sachant qu'elle est rarement contrôlée. Le risque d'apparition de maladies à transmission hydrique devient une éventualité à craindre et soulève des interrogations aussi légitimes que pertinentes. «Pourquoi les citernes pour alimenter la population en eau potable ? N'est-ce pas que le recours à ce moyen est exclusivement réservé aux situations extrêmes, comme en cas de catastrophes naturelles ou de guerre, et pourtant, ce n'est pas du tout le cas dans la wilaya de Jijel, qui vit en paix et n'a connu aucune épidémie ou catastrophe», s'interroge avec pertinence un spécialiste en hygiène et en assainissement. En cette période où le choléra a fait son apparition dans certaines wilayas du pays, le contrôle de l'eau consommée devient une nécessité absolue pour éviter l'irréparable. Notre interlocuteur revient encore sur la question et affirme que l'eau des puits est juste utilisée pour l'irrigation, même si elle est traitée. Selon lui, l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine au moyen des citernes est une exception. «Mais elle est devenue la règle», constate-t-il. «Pourquoi ne pas prendre soin des réseaux d'AEP pour éviter les risques de contamination et permettre ainsi à la population de consommer l'eau du robinet qui est traitée ?», s'interroge-t-il. Et de poursuivre: «J'ai soulevé la question à un responsable local lors d'une réunion et je lui ai proposé de prendre en charge l'élimination de tous les points noirs, au lieu de recourir aux citernes pour faire de cette pratique un commerce lucratif.» Si les services de l'ADE martèlent que l'eau qu'elle distribue est potable et ne comporte aucun risque pour sa consommation, le citoyen privilégie l'eau des citernes provenant des sources, faisant de cette pratique une règle quasi générale. Or, c'est justement dans une source d'eau qu'une épidémie d'hépatite A a été déclarée au mois de janvier dernier dans la wilaya. Il y a quelques jours, l'APC de Ziama Mansouriah a mis en garde contre la consommation de l'eau de source de la région pour non-conformité des analyses bactériologiques. Sur ce sujet, notre interlocuteur est catégorique en assénant : «Contrairement à ce qu'on laisse penser, on ne peut pas dire que l'eau de source est meilleure que celle des robinets pour la simple et bonne raison que toute source ou fontaine ne disposant pas d'un périmètre de captage, dont la qualité physico-chimique de son eau n'est pas connue ou qu'elle ne fait pas l'objet d'un contrôle régulier sur le plan bactériologique, est un point d'eau à éviter.» Les sources d'approvisionnement des colporteurs d'eau sont-elles connues et soumises à ces contrôles ? Telle est la grande question qui reste à soulever, selon notre interlocuteur. En tout état de cause, et en dépit des risques que l'eau de source peut présenter, elle demeure la plus consommée même dans les villes qui ne connaissent pas de pénurie d'eau.