C'est un monde à part, une autre dimension. A Haï El Filahi, dans le secteur urbain de Ziadia cohabitent des dizaines de familles, entassées dans des baraques, où sous d'autres cieux on ne mettrait pas des chiens. Ils sont dans les 500 gourbis, voire un peu plus, d'après Aïssa Beskri, le président du comité du bidonville. Celui-ci a adressé de nombreux courriers et autres requêtes mentionnant leurs problèmes-les plus récents remontent au 2/11/2008- aux autorités locales, à savoir le wali, le chef de daïra et le P/APC, en vain. Ces familles sont constituées, dans leur majorité, de jeunes couples issus de familles nombreuses. Ces derniers sont venus s'installer dans ces labyrinthes embourbés, et y ont fondé un ersatz de foyer, y créant également un immense dépotoir, dans lequel abondent les rongeurs et les chiens errants. Leurs habitations suintent de partout, laissant filtrer les eaux de pluie, malgré les plastiques épais placés entre le toit en tôle galvanisée, ou en fibrociment, et les planches qui le maintiennent. Celles implantées à proximité de l'oued courent un risque certain, surtout en cas de crue, eu égard aux fortes chutes de pluies enregistrées, sans compter que le bidonville lui-même est traversé par une ligne électrique de haute tension. Zahia, une mère de famille, est tombée de l'échelle en voulant couvrir son toit de plastique, et de ce fait, elle s'en tirera avec une sérieuse fracture de la jambe. A bout, elle tentera de mettre fin à ses jours par pendaison. C'est la plus déprimée de toutes. « Je ne voterai plus pour qui que ce soit, ils ne tiennent jamais leurs promesses ; tout ce qu'ils veulent, c'est le koursi. Les gens comme nous ne comptent pas », s'écrie-t-elle avec amertume. Ce sont les enfants, et parfois les hommes qui vont chercher l'eau à la fontaine publique, et là encore, il faut se lever tôt, si l'on veut éviter les longues chaînes. Beaucoup d'entre eux souffrent de maladies chroniques comme l'asthme, la bronchite, les rhumatismes, la dépression nerveuse (parfois avec séjours en psychiatrie), en plus d'affections endémiques, telles la gale, ou encore la conjonctivite. Il a été également signalé des morsures de rongeurs et piqûres d'araignées. Des personnes sans adresse officielle En 2006-2007, le comité de quartier fera pourtant un constat dramatique. Pas de réaction. On obtempère et on tergiverse, advienne que pourra ! Amar Bouhali, un jeune père de famille, déclare d'une voix émue : « J'ai juste demandé qu'on m'accorde un certificat de résidence pour que je puisse inscrire ma fille à l'école. Déjà que j'ai dû donner mon aîné à ses grands-parents pour être scolarisé, vais-je donner tous mes enfants ? Je ne peux rien faire sans adresse officielle, c'est comme si je n'étais pas de ce monde ! » Tous, ou presque, vivent dans des conditions insupportables. D'autres ne dorment pas, comme Samir Mouhoub, qui a peur que les averses emportent ses enfants. La déperdition scolaire, et son contrecoup, la délinquance, font rage. Les enfants renoncent à emprunter des sentiers envasés, où il faut souffrir mille maux pour accéder à l'école. Tous racontent leurs misères, dénonçant dans la foulée d'indus demandeurs de logement, ayant érigé des baraques qui demeurent inoccupées, et où pullulent des rats, empoisonnant l'existence des vrais pauvres. Que les autorités procèdent à des investigations sérieuses et séparent le bon grain de l'ivraie !