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Pour une conférence nationale sur la question linguistique (2e partie)
Publié dans El Watan le 02 - 11 - 2004

Les événements d'avril 1980 sont arrivés pour marquer la rupture avec une période de l'histoire imprégnée par un volontarisme aveugle, une vision surréaliste de la nation, l'autoritarisme absolu et la résignation d'une société épuisée par des années de guerre, de misères et souffrances. Le 20 avril, moment de reprise de l'initiative historique par un peuple mal considéré, exclu par une caste révolutionnaire piégée dans des luttes de leadership, est l'expression d'un besoin de liberté, de justice et de citoyenneté qui traverse la société en profondeur. Portée par un mouvement social et politique arrivé enfin à sa maturité, tamazight est devenue le contenant des revendications et des colères de la population. Par tamazight, devenue par la force des choses un outil de résistance, de libération et d'émancipation, l'ensemble des douleurs et des espoirs de la population est exprimé. Conduit par l'élite intellectuelle d'une région politiquement en alerte, le mouvement amazigh constitue de ce point de vue une rupture intéressante avec la culture du fonctionnement politique du mouvement nationaliste qui a marginalisé les lettrés et a fait d'eux de simples faire-valoir. A cet effet, le 20 avril 1980 est par excellence l'acte fondateur de l'Algérie démocratique et citoyenne.
De ce moment historique capital, le combat pour tamazight a réalisé des avancées qualitatives importantes :
– D'un combat clandestin, il est devenu un combat public.
– D'une lutte groupusculaire, il s'est transformé en une lutte populaire.
– D'un combat sans ligne stratégique, il s'est doté d'une ligne fondamentalement démocratique et non violente.
– D'une formulation débridée de la revendication, il s'est donné une formulation politique claire et structurée.
Ce mouvement détonateur qui a encouragé l'émergence de la revendication de la liberté d'expression, des droits de l'homme, des droits des femmes et des syndicats, a permis le passage du pays, huit années après, du système fermé du parti unique, vers un système pluraliste, ouvert sur des possibilités d'une véritable démocratisation de l'Etat et de la société.
Le rassemblement du 25 janvier 1990, en replaçant le combat amazigh dans la période du pluralisme naissant, en contrecarrant la mainmise totale de l'islamisme sur la rue algérienne, a réalisé le premier acquis institutionnel en arrachant la création du département de langue et de culture amazighs à l'université de Tizi Ouzou.
C'est le début d'un processus de réhabilitation politique, institutionnel et constitutionnel qui, de l'intégration de tamazight à la télévision avec le flash d'information en 1990, à la création du HCA en 1995, à l'entrée de l'enseignement de tamazight à l'école, à son inscription comme composante de l'identité nationale dans le préambule de la Constitution de février 1996, a abouti à son introduction dans la Constitution comme langue nationale sous la pression des dizaines de martyrs du Printemps citoyen.
Conséquence de la volonté du peuple à reprendre le contrôle de son destin, résultat d'une lutte continue et sans relâche, aboutissement du redéploiement de l'élite et de son emprise sur le cours de l'histoire, la reconnaissance constitutionnelle de tamazight retentit comme une rupture qualitative avec le jacobinisme qui a étouffé les richesses inestimables de la société et de l'âme algériennes.
Ce statut constitutionnel qui rectifie par sa double valeur politique et juridique une injustice historique subie par tamazight, sécurise cette langue et lui permet enfin de bénéficier des moyens juridiques, matériels, financiers et moraux de l'Etat. L'enseignement obligatoire, la création d'un centre d'aménagement et de normalisation linguistique, l'aide à l'édition et à la création, une place complète dans les médias sont, en vertu de l'article 03 bis de la loi fondamentale, des obligations de l'Etat envers tamazight. De ce fait, il faut préciser que toute négligence dans l'élaboration des textes d'application et dans l'allocation des moyens est une violation manifeste de la Constitution. Egalement, ce statut qui a provoqué par sa promulgation une fissure dans l'unanimisme arabo-islamique, qui a asphyxié la spécificité nationale, impose une redéfinition de la nation algérienne et son acceptation comme résultat de son processus historique de formation. Cependant, malgré ces acquis et ses droits recouverts, il est impérieux de dire que cette reconnaissance reste insuffisante pour garantir un développement complet et achevé de tamazight. Loin de moi l'idée de banaliser cette avancée extraordinaire qui est la reconnaissance de son caractère de langue nationale, je ne cesserai pas d'affirmer que le statut de langue officielle est le seul à même d'assurer son épanouissement irréversible.
Il est temps, plus que jamais, que cette langue soit liée définitivement au sort et à l'avenir de l'Etat. Il s'agit d'une nécessité historique avérée.
Le statut de langue officielle pour tamazight est une revendication stratégique qui rassemble les militants de l'amazighité, mais aussi, l'ensemble de la classe politique algérienne. En effet, et même lorsqu'ils s'abritent derrière «des conditions» pour sauver leurs âmes, les partis conservateurs et islamistes, qui ont fini par se rendre à l'évidence que rien ne sert de tenter de bloquer la marche de l'histoire, ont admis le principe de l'officialisation de tamazight.
Aussi, et afin de permettre un aboutissement avantageux, la concrétisation de cette officialisation est actuellement de sujet d'un débat bénéfique qui traverse les milieux militants et les élites. En effet, ce statut qui implique des conséquences sur la langue elle-même, sur la langue dans sa relation avec l'Etat et sur l'Etat comme lieu et moyen de manifestation de la nation est différemment perçu.
Semer les revers
A ce niveau, il est intéressant d'observer que le statut formulé et réclamé pour tamazight est indissociable du contexte politique et historique qui caractérise son émanation. En effet, si la demande de la «reconnaissance des langues populaires» a émergé durant la période forte de la revendication du vrai socialisme par la frange gauchiste qui avait un ascendant sur le mouvement, celle de la «langue nationale et officielle» s'est articulée copieusement avec la demande de la vraie démocratie des années 1990. Si de son côté, l'énoncé de la «langue propre de la Kabylie» expose le sentiment de désenchantement, de déboire et de solitude politique des élites de cette région rebelle et l'urgence d'une prise en charge efficace et rapide de sa langue, la formulation de la langue officielle dans les régions amazighophones annonce, elle, l'exigence de la refondation de l'Etat algérien, centralisé et jacobin, pour le mettre au diapason des besoins réels de la société, en rapprochant les centres de décision politique du contrôle citoyen.
Le débat sur l'officialité de tamazight, engagé d'une manière subtile, examine les meilleurs voies et moyens qui peuvent garantir l'avenir de tamazight. Il aspire à éclairer l'opinion publique sur la qualité des propositions des uns et des autres des défenseurs de tamazight pour rendre rationnel, conscient et intelligent son engagement qui bute chaque fois sur des blocages menaçants. Il illustre aussi, et d'une manière remarquable, l'avancée inestimable de la revendication et son arrivée à l'étape de l'aboutissement. Donc, il est important d'éviter de se tromper d'époque et d'étape. Aujourd'hui que la Constitution reconnaît tamazight comme une dimension essentielle de l'identité nationale, que son article 03 bis stipule que tamazight est la langue nationale, il est naïf, déraisonnable et incorrect de se ranger dans les années de l'interdit et de la négation pour éviter d'affronter les questions les plus concrètes et les plus urgentes. Réaliser l'état d'avancement du combat identitaire et mettre en évidence ses acquis et ses avancées ne comportent nullement des risques d'essoufflement et de démobilisation des masses ; bien au contraire, cet effort permettra de dégager les raisons et les possibilités de nouveaux élans. Accomplir cet effort de maîtrise de son action permet essentiellement de localiser ses lacunes et ses faiblesses. Cet effort est évité, et ces lacunes magistralement négligées ! Sinon, comment accepter que les assemblées de wilaya, dont le personnel est issu de la mouvance amazighe, n'allouent aucun budget pour la promotion de tamazight et n'engage aucune action d'envergure pour participer à dégager une stratégie de sa promotion digne de ce nom, sans dire un mot ? L'adversaire de tamazight n'est pas seulement celui qui la combat, mais c'est surtout celui qui l'exploite à ses propres fins, sans rien faire pour son développement !
En outre, il est temps de semer les rêves et de mobiliser par l'espoir, au lieu d'enrôler les populations par la simple exploitation de leurs douleurs et de leurs dégoûts.
Vision rigide
En passant de la négation à la reconnaissance, la situation politico-juridique de tamazight a fondamentalement changé. Il faut changer avec, pour rendre cette transition palpable, les mentalités, les attitudes et les pratiques ancrées dans notre culture sociale et institutionnelle. Cette situation nous invite à explorer les avantages, les défauts et les limites que présente chaque proposition de son officialisation, loin des blocages doctrinaux et des entraves politiciennes. Les forces hostiles à sa promotion sont en butte à l'engagement constitutionnel de l'Etat. C'est dans cette contradiction que vit le bloc idéologique du pouvoir qu'il faut tirer le maximum de bénéfices. Reprendre l'action concrète dans la société, faire preuve de pragmatisme et d'opportunisme quant à la recherche des meilleures voies possibilités de faire de tamazight un outil de développement et d'émancipation sont un devoir citoyen.
Je ne prétends pas aborder ce débat dans toutes ses facettes, mais je vais m'étaler à mettre en évidence quelques idées et quelques remarques qui me semblent essentielles.
La formulation standard de tamazight langue officielle au même pied que la langue arabe présente, à mon avis, des inconvénients certains. En effet, si la conjoncture de 1989 qui exigeait une formulation totale, en mesure de faire reculer le totalitarisme du pouvoir et les tentations hégémoniques de l'islamisme politique, la justifie amplement, la reconnaissance du caractère national de la langue et l'ouverture de la voie vers son officialisation appellent une réadaptation qui se concentre sur la prédominance de son seul l'intérêt.
Cette formulation, si elle veille sur le principe de l'égalité de traitement entre les langues, installe, par son énoncé déjà, la question linguistique dans une dualité improductive et sans intérêt. En effet, elle ne propose pas un statut pour tamazight en tant que langue qui vit une réalité et qui connaît des contraintes propres, mais un statut tout simplement comparable à celui de l'autre langue officielle qui est l'arabe. En effet, c'est partant d'une fausse analyse qui dit que la langue arabe a été imposée par le pouvoir aux populations amazighophones, que la logique de l'imposition de tamazight à tous les niveaux de l'Etat et à tous les Algériens a été réfléchie. Conséquence plus que cause, cette analyse a été inspirée et conditionnée par les tactiques sournoises du pouvoir qui ont travaillé à opposer la revendication amazighe à la langue arabe, à l'Islam, à la révolution et à l'unité nationale, et présenter ses défenseurs comme des serviteurs des forces étrangères. Dans son effort de défense de ses intérêts, le pouvoir ne s'est pas défendu l'utilisation des moyens immoraux ; il s'est laissé aller à des dérives tristes et aux retombées dangereuses. En ce sens, la guerre idéologique et psychologique qui a ciblé la cause amazighe a laissé des blessurers difficilement guérissables. Par ailleurs, cette thèse qui se veut la plus radicale de toutes et considère tamazight non pas sous son aspect opérationnel, dynamique et vivant, mais comme un legs historique partagé par l'ensemble des Algériens. Un legs figé, momifié, placé comme patrimoine de tous et de chacun. Alors que la réalité de la langue amazighe veut que celle-ci soit considérée comme une langue vivante et dynamique, une langue que des régions du pays utilisent toujours et dont d'autres ont perdu l'usage et emploient une autre langue, elle-même résultat de la rencontre entre tamazight et l'arabe coranique.
«Langue de tous les Algériens», cette formule avancée par le pouvoir en 1995, si elle est exacte d'un point de vue historique, elle constitue une aberration, une absurdité énorme si nous examinons la pratique linguistique nationale.
Par ailleurs, cette tendance qui veut imposer tamazight à tous les niveaux de l'Etat et à tous les Algériens puise sa vision d'une approximative appréciation de l'unité du peuple algérien. Hantée par le doute, inconfiante et incertaine, elle réduit l'unité de la nation au seul aspect linguistique, sous-estimant l'histoire, les douleurs partagées, la culture et les coutumes communes, les intérêts matériaux, les liens subjectifs et la volonté de vivre et d'être ensemble. L'unité, confondue par certains avec l'unicité, continue malgré des années de pluralisme de façonner les regards et les perceptions de la nation. Au lieu d'accepter nos différences comme expression de notre richesse, comme des preuves manifestes de notre force, nous persistons à cultiver la méfiance et la fragilisation de notre personnalité de peuple.
La volonté d'imposer tamazight à tous les niveaux de l'Etat à des populations qui ne la maîtrisent pas, découle, à tout dire, de l'absurde. Cette vision rigide et autoritaire risque de provoquer un mouvement d'incompréhension préjudiciable pour la cohésion sociale, en plus du fait, qu'elle compliquera sérieusement l'entreprise de son aménagement et sa normalisation qui a besoin, non seulement de lois et de moyens mais aussi et surtout d'un environnement sociale favorable et enthousiaste.
L'incompréhension envisagée n'est pas un signe d'une hostilité innée, d'un refus de reconnaissance de l'autre, mais le produit d'une situation mal maîtrisée, d'une époque façonnée par les semeurs de haine et d'ignorance. Rien et personne n'empêchera les autres régions du pays, une fois qu'elles arriveront à maîtriser la langue amazighe à réclamer son utilisation comme langue officielle.
Revenons au vif du sujet, et poussons l'analyse plus loin. Nous allons nous rendre à l'évidence que la satisfaction de la revendication classique de la langue officielle au même titre que la langue arabe connaîtra dans les faits une application régionale. En matière de l'enseignement qui doit être obligatoire sur l'ensemble du territoire national, Boubekeur Ben Bouzid, ministre de l'Education nationale, a parlé dans un portrait qui lui était consacré dans le journal El Watan du 13 mai dernier de l'obligation de l'enseignement de tamazight dans quelques wilayas du pays à partir de septembre prochain ! Que dire alors, lorsqu'il sera question de l'utilisation de la langue amazighe dans l'administration, la justice et autres institutions économiques et financières ?!(A suivre)


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