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"L'officialisation de tamazight est un acquis historique"
REVISION DE LA CONSTITUTION : MOHAND AKLI HADDADOU, ECRIVAIN ET PROFESSEUR DE LINGUISTIQUE AMAZIGHE, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 10 - 01 - 2016

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Professeur en langue et culture berbères, Mohand Akli est également écrivain, auteur de pas moins de 18 livres, dont la majorité a trait à la langue et culture amazighes. Il est de ce fait, l'auteur le plus prolifique dans le domaine amazigh en Algérie. Parmi ses ouvrages en rapport avec tamazight, on peut citer: Le guide de la culture et de la langue berbères, Défense et illustration de la langue berbère, Amawal, lexique du corps humain... Son tout nouveau livre et le plus important sans doute est: Le dictionnaire de tamazight, parlers de Kabylie, kabyle-français, avec un index français kabyle, édition illustrée. Il s'agit d'un dictionnaire de 1050 pages. Avec un tel parcours et une telle production, Mohand Akli Hadadou est donc bien placé pour parler de l'officialisation de tamazight et de la création de l'académie de langue amazighe. Il en parle dans cette interview.
L'Expression: Avec le statut de langue officielle pour tamazight, qu'est-ce qui va changer concrètement sur le terrain?
Mohand Akli Haddadou: Tamazight, langue officielle, a été le leitmotiv du combat identitaire en Algérie. Quand le statut de langue nationale a été accordé à cette langue, on a tiqué: qui avait tant besoin de la déclarer «langue nationale», puisqu'elle l'était déjà de facto dans la mesure où des millions d'Algériens la parlent et la pratiquent quotidiennement! Il est vrai qu'il y a eu tout de même des avancées importantes, depuis une vingtaine d'années: création du H.C.A, introduction de l'enseignement dans quelques universités et à l'école, lancement d'une chaîne de télévision d'expression amazighe. C'est à la fois important, mais insuffisant, au vu des sacrifices consentis pour faire émerger tamazight. Aussi, a-t-on continué à revendiquer un statut officiel pour cette langue. On avait compris que c'était le seul moyen de la faire participer à la gestion de la cité, d'imposer son usage dans les différents secteurs de la vie quotidienne, à assurer son adaptation à la vie moderne. Aujourd'hui, l'avant-projet de la Constitution propose d'officialiser tamazight. On ne peut que saluer cette initiative!
Quelle interprétation donnez-vous à l'article 3 bis tel que rédigé, notamment avec la présence des mentions «tamazight est également langue nationale et officielle» et aussi, au fait que les rédacteurs aient employé l'expression «plus tard» s'agissant de la concrétisation de ce statut?
Il aurait été plus simple de faire un seul article: «Les langues officielles de l'Algérie sont l'arabe et le tamazight.» Cela mettrait au même niveau les deux langues, à la fois nationales et officielles, sans donner de prééminence à aucune d'entre elles. Cela froisserait moins les sensibilités. Quant à l'expression «plus tard», elle est ambiguë, puisqu'elle suppose effectivement que le statut de l'officialité est reporté sine die. Il est préférable de ne pas en tenir compte. Même si l'officialisation doit s'appliquer graduellement, il faut éviter les expressions qui prêtent à confusion. Par contre, il est préférable de préciser que le caractère officiel de tamazight ne peut être remis en cause par les révisions constitutionnelles, au même titre que le caractère républicain de l'Etat, la langue arabe et la religion musulmane.
Au lieu d'applaudir avec l'intensité qui sied à un tel acquis, on a remarqué que des partis politiques qui ont longuement fait de tamazight une revendication cardinale, voire un cheval de bataille, ont gardé un mutisme. Quelle interprétation donnez-vous à cette réaction tiède et timide?
Il y a la formulation de la proposition d'officialisation de tamazight, mais il y a surtout les autres points qui abordent la vie politique. A mon avis, même si ces partis ne sont pas d'accord avec ces points, ils ne peuvent ignorer l'officialisation de tamazight, une revendication fondamentale, l'espoir de toute une génération. En ces moments historiques, ma pensée va à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui ont lutté pour tamazight.
Paradoxalement, c'est le FLN qui a le plus applaudi la prise d'une telle décision historique, dont les responsables ont même déclaré qu'il s'agit de la revendication exprimée par ce parti, lors des consultations visant à la conception de la Constitution. L'histoire peut-elle ainsi réserver autant de surprises?
Comme quoi, il ne faut pas avoir de préjugés! Tout change, tout évolue. Les adversaires de l'officialisation sont partout, de même que ses partisans. Et le FLN aussi compte des partisans dans ses rangs. Tamazight est le bien commun des Algériens, berbérophones et arabophones et il est du devoir de chacun de défendre ce bien.
Avec le statut de tamazight langue nationale et officielle, peut-on dire que désormais le combat identitaire est terminé en Algérie, suite à la conquête de la plus grande des victoires en la satisfaction de la revendication la plus importante et la plus complète à même de garantir un avenir certain pour cette langue?
La reconnaissance de l'officialité n'est qu'un prélude à la réhabilitation. Il y a encore les réticences à vaincre, il y a encore des domaines que la langue doit investir: l'école, les universités, les médias, l'administration... Quand on pourra lire les notes administratives et les bulletins, quand on verra les enseignes rédigées dans les deux langues officielles, l'arabe et tamazight, quand toutes les écoles et toutes les universités enseigneront tamazight et qu'on pourra feuilleter des journaux dans cette langue, alors ce sera, comme vous le dites, la victoire! Nous attendons ce jour avec optimisme.
Comme on le sait, la langue amazighe se décline aujourd'hui sous la forme de nombreuses variantes (kabyle, chaouie, mozabite, targuie, tachelhit, tachenwit...), comment donc appréhender cette officialisation en l'absence d'une langue unifiée?
Les adversaires de l'officialisation de tamazight soutiennent que cette langue, fractionnée en une multitude de dialectes, ne peut assumer les fonctions d'une langue officielle. Il y a, disent-ils, le kabyle, le chaoui, le mozabite, le touareg, le chenoui... Et d'opposer l'instabilité et la diversité de tamazight à la stabilité et à l'unité de l'arabe. En réalité, la diversité fait partie de toutes les langues vivantes et si l'arabe classique paraît si homogène, c'est parce qu'il a été fossilisé. D'ailleurs, ce même arabe n'est la langue maternelle d'aucun pays arabe et on sait que l'une des causes du retard culturel et scientifique du Monde arabe est cette rupture, voire cette fracture, entre le linguistique et le social. Diverses expériences dans le monde montrent que la variété linguistique ne constitue pas un handicap: la Norvège a longtemps fonctionné avec deux variétés distinctes de la langue commune, le chinois commun alterne avec plusieurs dialectes et en Grèce, certains dialectes ont acquis un caractère quasi officiel, à côté de la langue officielle. Dans d'autres pays, plusieurs langues sont promues langues officielles sans que la stabilité de ces pays ne soit remise en question. La proclamation de tamazight langue nationale et officielle n'interdit pas l'utilisation, sur le terrain, de plusieurs variétés. La tâche est d'autant plus aisée que les dialectes constituent des blocs assez homogènes, territorialement délimités: kabyle en Kabylie, chaoui dans les Aurès, mozabite au M'zab, touareg au Hoggar...
Le rôle de l'académie de langue amazighe, également annoncée dans la même Constitution, s'avère des plus ardus. Des questions pratiques cruciales seront posées comme l'unification ou la standardisation mais aussi les caractères de transcription, n'est-ce pas?
Une académie de langue réunit des spécialistes, des linguistes, des gens de lettres, chargés de travailler sur la langue. Pour ce qui est du tamazight, il s'agit de collecter les données, en procédant à des enquêtes sur le territoire national, de procéder à la création de terminologies, de publier des glossaires, des dictionnaires pour répondre aux besoins de la société.
Prenons le problème épineux de l'écriture. Il n'y a pas de doute que des considérations idéologiques président fortement le choix d'un système d'écriture. Dans le cas du tamazight, les arguments ne manquent pas pour justifier la préférence d'un système sur un autre. Ainsi, le tifinagh est présenté, par ses partisans, comme le système le plus authentique. C'est aussi la preuve de l'existence d'un alphabet autochtone, véhicule d'une civilisation millénaire. Les partisans de l'écriture arabe voient dans celle-ci le moyen d'intégrer le tamazight dans l'aire arabo-musulmane. On fait remarquer aussi que la graphie arabe a déjà servi, dans le passé, à transcrire le tamazight et bien qu'elle ne soit pas universelle, elle est très largement répandue dans le monde musulman où elle sert à noter des langues non arabes. L'alphabet latin, lui, a la faveur de tous ceux qui pensent qu'il faut faire accéder le tamazight à la modernité, en le dotant de caractères présentés comme universels. Le choix d'un système d'écriture est avant tout un fait de société: c'est aux utilisateurs, à ceux qui parlent et écrivent la langue, à ceux aussi qui luttent pour son devenir, de faire un tel choix.. Le spécialiste, auquel on se remet parfois, ne se préoccupe, lui, que de la fonctionnalité du système proposé. Autrement dit, il se demande si celui-ci est en mesure de rendre compte de la structure phonologique du tamazight et comment il doit l'adapter pour en faire un support usuel, cohérent et pratique, à la langue
Quant à la standardisation, elle se fera naturellement avec l'école, la production écrite, les médias; on parviendra à une homogénéisation des dialectes appartenant à des aires proches, ne serait-ce qu'au niveau de l'écrit. Déjà, à la radio et à la télévision, les néologismes employés par les différentes variétés sont identiques. Ce sera aussi le rôle de l'école d'unifier la langue.
Ce genre de questions relèvent-elles du volet scientifique ou bien sont-elles des aspects politiques que l'Etat devrait trancher? Dans le cas de la Turquie, c'est Atatürk qui a décidé de mettre fin aux caractères arabes et d'opter pour le latin, alors qu'au Maroc c'est également le roi qui a décidé que tamazight allait être transcrite en caractères tifinaghs, qu'en sera-t-il dans notre cas?
Si c'est la seule solution pour éviter une guerre de l'écriture... Mais je pense que les utilisateurs ont déjà choisi un type d'écriture et il faut respecter ce choix puisque c'est un choix de société...
Changeons un peu de registre si vous permettez: avant le lancement de l'enseignement de tamazight en 1995 et même après, la quasi-majorité des militants de la cause amazighe voyaient que la revendication de tamazight langue nationale et officielle paraissait tellement utopique que l'on pouvait souvent s'estimer heureux quand de petits acquis étaient arrachés. Maintenant que la revendication majeure est satisfaite, on constate qu'une telle décision, historique et monumentale, est presque en train de passer inaperçue. On remarque que certains médias, notamment ceux qui étaient des alliés de ce combat, voient en cette décision une sorte de cadeau empoisonné, pourquoi d'après vous, toute cette réticence à capitaliser une victoire incontestable?
Tamazight, langue nationale et officielle, est un acquis historique. Les gens ne se rendent pas compte que c'est un tabou qui est cassé... Le tabou du monolinguisme et du monolithisme étouffant qui tombe... C'est un pas en avant vers la démocratie!


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