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Système politique et constitution en Algérie
Communication du professeur Madjid Benchikh donnée lors des débats d'El Watan Jeudi dernier à l'hôtel Essafir
Publié dans El Watan le 28 - 02 - 2009

Comme de nombreux pays, l'Algérie s'est dotée d'une Constitution dès le lendemain de l'indépendance. Le recours à une Constitution pour définir l'architecture du régime politique, les principales institutions, leurs pouvoirs et leur fonctionnement et les règles et principes qui les inspirent ou les guident s'est imposé comme une sorte de voie moderne incontournable pour organiser la vie politique des Etats.
C'est, comme le note justement André Hauriou, « le triomphe du constitutionnalisme ». De plus en plus, la Constitution apparaît comme indispensable pour légitimer et stabiliser l'exercice du pouvoir. Le problème est que l'objectif est souvent loin d'être atteint. De fait, on peut volontiers souscrire à l'idée qu'une Constitution est nécessaire pour organiser la vie politique d'un pays parce que, quelle que soit sa forme écrite ou coutumière, elle est, comme l'affirment les auteurs, la loi fondamentale à partir de laquelle s'ordonne la vie politique du pays. Mais cette définition, pourtant incontestée, fait naître un questionnement troublant, en ce qui concerne son application en Algérie et dans bien d'autres pays : quelques mois seulement après son adoption, la Constitution algérienne de septembre 1963 a été mise entre parenthèses par la mise en œuvre de son article 59 qui permet au président Ben Bella d'exercer les pleins pouvoirs. La destitution de Ben Bella par l'armée, par le coup d'Etat de juin 1965, achève d'écarter complètement la Constitution dont les règles font pourtant une place de choix aux pouvoirs de l'Exécutif. Il a fallu attendre plus de 10 ans pour que soit adoptée la Constitution de 1976. De nouveau, l'Algérie adopte une loi fondamentale de « gouvernement par le parti unique », pour reprendre une formule discutable de Leca et Vatin, qui semble oublier la place de l'armée dans le parti. Mais si l'absence de Constitution n'augure pas d'un exercice du pouvoir légitime, l'existence d'une Constitution n'assure pas, comme on le sait bien en Algérie, que le système politique est conforme aux règles et principes que cette Constitution définit. Certes, la Constitution est nécessaire, mais comme le montrent tous les auteurs, « elle n'est pas seulement un ensemble de techniques, c'est aussi une idéologie liée à une conception de la société politique (Leca et Vatin) ». On comprend dès lors les difficultés et les conflits que son élaboration et plus encore sa mise en œuvre peuvent susciter, compte tenu des enjeux.Plus concrètement, les dispositions juridiques d'une Constitution doivent exprimer un accord politique entre au moins les principaux acteurs représentatifs des principales forces sociales. De ce point de vue, la Constitution apparaît aussi comme un Contrat qui permet de donner, non seulement une base légale, mais aussi une légitimité aux gouvernants pour exercer le pouvoir dans le cadre ainsi défini. Lorsque, dans l'élaboration ou dans l'exécution du Contrat, des aspects essentiels sont violés, c'est le système politique qui se développe comme un monde à part, loin de la société ou même contre elle.
Comme l'écrit justement Burhan Ghalioun, en analysant l'Etat dans le monde arabe, c'est « L'Etat contre la Nation ». En Algérie comme partout, on ne viole pas un contrat social fondamental, sans conséquences graves et durables sur la vie des populations.En Algérie, on pourrait multiplier les exemples qui montrent que, dans l'élaboration comme dans l'exécution, les violations de la Loi fondamentale ou du « Contrat social fondamental » portent préjudice à la crédibilité du système politique et aux politiques des dirigeants. En Algérie, la Constitution de 1989 et celle de 1996 qui l'a modifiée ont transformé les règles constitutionnelles ainsi que le système politique. C'est vrai. Mais les transformations apparentes ne doivent pas empêcher d'examiner les réalités qu'elles recouvrent, pour mieux comprendre leur nature et leur portée. A la lecture de leurs dispositions, les Constitutions de 1989 et de 1996 définissent un système politique démocratique. On ne reprendra pas ici toutes les règles adoptées par ces Constitutions et qui sont autant d'éléments qui permettent de définir un système politique démocratique. Sans minimiser l'importance de tout ce que nous ne mentionnons pas ici, faute de place et pour des besoins de clarté dans l'exposé, la construction du pouvoir est basée aux termes de la Constitution de 1996 sur le pluralisme et la représentativité, essentiels pour s'engager dans un processus de transition démocratique. Pour en apprécier la portée, il convient d'examiner les réalités, c'est-à-dire le pluralisme et la représentativité en mouvement sur la scène et dans la vie politique. Il restera ensuite à voir, si et comment chacun des principaux pouvoirs exercent les prérogatives que lui confie la Constitution pour nous permettre de vérifier la réalité du principe de séparation des pouvoirs, lui aussi indispensable à l'existence d'un système politique démocratique.
1-Pluralisme et représentativité des acteurs dans la Constitution et dans le système politique.
La Constitution de 1989 apporte des changements considérables à l'architecture constitutionnelle en Algérie. On n'examinera ici que deux points qui nous paraissent fondamentaux pour caractériser le passage d'un système autoritaire à un système démocratique. La transition démocratique exige de remplir plusieurs conditions dont deux nous paraissent absolument fondamentales. Il s'agit des principes de pluralisme et de représentativité des différents acteurs sur les scènes politique et sociale. La Constitution de 1996, après celle de 1989, reconnaît et garantit le droit de créer des partis politiques (art.42) et des associations (art.4), y compris syndicales (art.56). Le chemin est ainsi désormais ouvert vers le pluralisme sans lequel il n'y a pas de système politique démocratique. Mais l'ouverture du chemin nécessite d'accomplir le trajet pour arriver à construire l'édifice démocratique et la seule lecture de la Constitution ne renseigne pas sur la consistance du pluralisme reconnu. Il convient donc d'interroger la scène politique pour découvrir la nature du pluralisme pratiqué. Comme on peut l'observer, il existe plusieurs partis politiques dont certains ont des activités politiques plus ou moins consistantes en direction des populations et des gouvernants. Plusieurs dizaines de partis politiques ont été créés, ainsi que plusieurs milliers d'associations et quelques syndicats. Mais la multiplicité des partis et des associations ne définit pas à elle seule le pluralisme, indispensable pour considérer qu'il s'agit d'un système démocratique. De nombreux partis n'interviennent que par des communiqués, à des moments plus ou moins choisis par leurs dirigeants, le plus souvent pour soutenir une politique ou une candidature impulsée par tel ou tel cercle du pouvoir. En fait, plusieurs dizaines de partis regroupent à peine plus que la quinzaine de personnes nécessaires à leur création. Lorsqu'un parti n'a pas la capacité ni de constituer des listes électorales, ni d'obtenir des élus, ni de mener des activités en direction des populations, sa représentativité est naturellement mise en cause. Dans certains cas, son existence semble inutile, voire nuisible au processus de démocratisation. Un parti politique ne s'inscrit dans le paysage politique démocratique que s'il est représentatif des intérêts et des populations au nom desquelles et pour lesquelles il travaille. Pire, lorsque les prises de positions d'un parti ne répondent qu'à des manœuvres ou des manipulations, on peut penser qu'il s'inscrit dans la stratégie des forces qui souhaitent empêcher ou limiter la réussite du processus de démocratisation. C'est dire que si le multipartisme est absolument nécessaire pour mettre en route une ouverture démocratique, il ne peut d'emblée ou à lui seul définir un système politique démocratique.Certes, les partis peuvent réaliser des alliances ou des rapprochements, mais pour s'inscrire dans un processus démocratique, ces actions doivent être réalisées dans la transparence et pour défendre les intérêts sociaux et politiques des populations qu'ils prétendent représenter. Ils doivent donc être autonomes par rapport aux autres forces.
Dans le cadre qui est le leur, les associations doivent également être créées et agir dans l'intérêt des populations et des catégories et des idéaux qu'elles déclarent représenter. Une Ligue des droits de l'homme, par exemple, ne peut pas à la fois se présenter comme un promoteur de l'universalité et de l'indivisibilité des droits humains et dénoncer la torture et les arrestations de manière sélective, en fonction de la couleur politique des victimes. Lorsque, comme en Algérie, de telles situations se vérifient, l'essor du mouvement associatif est perturbé. La manipulation des associations exprime alors la volonté de continuer à soumettre des pans entiers de la société alors que la création et le renforcement des associations sont essentiels pour représenter la diversité des intérêts et des cultures présents dans la société, pour leur permettre de s'exprimer, servant ainsi de vecteurs d'intermédiation. Il ne faut pas, comme sont tentés de le croire certains gouvernants, considérer que les associations sont des auxiliaires du pouvoir pour dénoncer des manifestants. Les associations veillent à la protection des intérêts et des idéaux qu'elles défendent, et il appartient aux services de police, dans le cadre de leur mission et dans le respect des lois, de veiller à la sécurité des biens et des personnes. Dans une transition démocratique, il est essentiel que les partis et les associations sauvegardent un maximum d'autonomie à l'égard du pouvoir politique, pour représenter et défendre devant ce dernier les intérêts de leurs membres et de leurs sympathisants. Alain Touraine analyse, de manière remarquable, l'autonomie des acteurs politiques et sociaux comme élément essentiel pour concrétiser un processus démocratique (voir notamment : Qu'est-ce que la démocratie (Fayard 1994 Paris.). Mais ces défaillances relatives à la création et à l'activité de nombre d'associations sont malheureusement aggravées par le comportement des autorités gouvernementales. Chacun sait que depuis une dizaine d'années plusieurs demandes d'agrément de partis politiques sont rejetées ou restées sans réponses. Le parti Wafa de Taleb Ibrahimi et le Front démocratique de Sid Ahmed Ghozali ne sont pas agréés sans que les motifs de rejet soient démontrés dans le premier cas ou connus dans le second : ce qui indique que le pouvoir politique continue des pratiques qui caractérisent les systèmes autoritaires. Le pluralisme algérien ne peut pas non plus servir le processus de démocratisation tant que l'Etat d'urgence est prolongé sans limite et sans débats, les manifestations publiques interdites dans la capitale et les colloques des associations interdits lorsque les thèmes abordés ou les personnalités étrangères invitées n'agréent pas les services de sécurité. Tout ceci indique des limites, certes graves, de la « la transition démocratique » en Algérie mais n'est pas suffisant pour conclure sur la qualification du système politique algérien. Nous venons de voir que plusieurs partis politiques et associations ne sont pas représentatifs et ne concourent pas à l'expression démocratique des intérêts. Mais ce n'est pas le cas de tous les partis, de toutes les associations ni de tous les syndicats.
La question est alors de savoir si l'existence de quelques partis, associations et syndicats représentatifs est suffisante pour qualifier de démocratique le système politique algérien. Pour y répondre, il convient d'examiner d'autres éléments et notamment les élections. Personne ne conteste l'importance des élections dans un système politique démocratique. Elles en sont même un élément fondateur qui permet de mettre en place le pluralisme et de construire la légitimité des institutions politiques. Pour apprécier la légitimité des institutions, il faut donc examiner si les élections sont libres et honnêtes, comme le proclament les résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies. La Constitution de 1996 dispose que « le peuple choisit librement ses représentants » (art.10). Combiné avec d'autres articles sur les libertés et les droits, et aussi les articles 6, 7, 11, 71 et 101, la Constitution algérienne opte clairement pour un système politique démocratique. Or, il n'y a pas de transition démocratique sans élections libres et honnêtes. Nous ne reprendrons pas ici l'analyse détaillée des élections que nous avons effectuée dans notre livre consacré au Système politique algérien (Editions l'Harmattan Paris 2003). Pour que les élections s'inscrivent dans un processus démocratique, les acteurs, leurs projets et les débats doivent être au service du pluralisme et de la représentativité des institutions élues. Les limites que nous venons de noter en ce qui concerne le pluralisme en Algérie présage des limites du caractère démocratique des élections dans notre pays. Si l'honnêteté des élections peut être résumée par des préparatifs transparents, organisés dans le dialogue avec les forces politiques et les candidats, dans le cadre d'une répartition équitable des moyens financiers, médiatiques et autres et par un contrôle impartial des différents aspects du scrutin et de la proclamation de résultats sans manipulations, chacun peut voir les obstacles qui demeurent. La non-distribution de cartes d'électeurs, jadis révélée par l'ancien premier ministre, Sid Ahmed Ghozali, l'opacité entourant la répartition des moyens financiers et des espaces médiatiques ajoutés à l'absence ou l'insuffisance des contrôles des scrutins et des dépouillements sont souvent dénoncés. La liberté des élections est évidemment essentielle pour assurer la représentation des populations dont parle la Constitution et pour permettre le pluralisme démocratique que nous venons d'évoquer. La liberté des élections exige une pluralité de participants, porteurs des projets politiques les plus importants, soutenus par les forces sociales. Il faut donc vérifier non seulement la présence de plusieurs partis mais aussi la diversité, la qualité et la représentativité de ces projets. Autrement dit, la liberté des élections passe par une organisation libre des débats entre des projets politiques divers et contradictoires.
Les élections libres doivent traduire et renforcer le pluralisme démocratique. C'est ainsi que les élections pourront contribuer à régler les problèmes qui se posent dans le pays et rapprocher les citoyens des institutions qui deviennent représentatives et répondent aux aspirations des populations. Malheureusement, les élections algériennes ne répondent pas à ces critères. Plusieurs exemples montrent bien que si certaines conditions sont parfois réunies pour avoir une élection libre ou honnête, d'autres caractères essentiels manquent à chaque élection pour progresser vers un processus démocratique.Les violations de la liberté et de l'honnêteté des élections législatives et présidentielles sont multiples et souvent rapportées par la presse écrite privée. Il est inutile aujourd'hui d'insister sur l'absence de liberté des élections dans le cadre du parti unique. L'objectif des gouvernants est de faire croire que le peuple soutient, massivement, les choix qu'ils ont effectués. Depuis l'adoption d'une Constitution qui reconnaît le pluralisme, la multiplicité des acteurs rend la maîtrise des débats et des résultats plus difficile. Le premier objectif est de s'assurer que les élections ne modifient pas le fonctionnement du système politique et donc n'ouvrent pas la porte à l'alternance. Mais se maintenir au pouvoir est, après tout, l'objectif de tous les gouvernants. Le problème est que les principales élections législatives et présidentielles qui ont eu lieu depuis la reconnaissance du pluralisme ont été contestées, ce qui empêche la Loi fondamentale de produire les effets que l'on attend d'une transition démocratique et oblige d'ouvrir un dialogue avec des forces représentatives pour dépasser la crise. Si l'on observe les référendums, on constate que le débat n'est ouvert que pour ceux qui approuvent le projet soumis au peuple par le chef de l'Etat. Au cours de celui organisé pour approuver la Charte pour la réconciliation nationale et la paix, un pas négatif a été franchi, puisque la police a interdit les manifestations hostiles à certaines dispositions de cette Charte. D'une manière générale, le référendum reste conçu comme au temps du parti unique : son objectif est de permettre d'afficher l'adhésion massive du peuple aux grandes stratégies avancées par les détenteurs du pouvoir. Les élections présidentielles de 1995, de 1999 et de 2004 peuvent difficilement être créditées des caractères de liberté et d'honnêteté qu'exigent la Constitution et les résolutions des organisations internationales. En effet, soit la surveillance de nombreux bureaux de vote n'a pas respecté le pluralisme des contrôles dans les opérations de scrutin et de dépouillement, soit la multiplicité des candidatures cache mal le rejet réel du pluralisme des projets politiques en présence. Ainsi, en 1995, le général Zeroual n'a en face de lui que des personnalités qui appuient les grandes lignes des politiques prônées par le commandement militaire. En 1999, la situation est pire puisque seul un candidat est resté en lice, à la suite d'accusations de fraudes portées par tous les autres candidats. Au- delà du fait que l'unanimité du refus de participer de tous ces candidats donne nécessairement un crédit à leur accusation, l'essentiel est de voir qu'un système démocratique ne peut pas vivre sans le pluralisme des candidats et des projets. On peut seulement alors faire l'hypothèse que si le système était démocratique, il ne se serait pas mis dans cette situation intenable.
On peut d'ailleurs noter que ce genre d'imbroglio n'est pas le premier depuis l'adoption du multipartisme. En effet, à la suite de l'annulation par le gouvernement, inspiré par le commandement militaire, des élections législatives de 1991, largement dominées par le FIS, la dissolution de l'Assemblée nationale, quasi concomitante avec cette annulation, ne permet pas d'organiser un intérim conforme à la Constitution, dès lors que le président du Conseil constitutionnel refuse de jouer le jeu et fournit une interprétation spécieuse qui aggrave l'inconstitutionnalité des mesures prises après le limogeage du président Chadli Bendjedid. Donner les pouvoirs de chef d'Etat à un organe consultatif, en l'occurrence le Conseil de sécurité, qui les transmet à un Haut comité d'Etat (HCE) et soutenir en même temps que le tout se fait dans le respect de la Constitution pour sauvegarder la démocratie, cache mal la violence et le coup d'Etat. Comment empêcher alors qu'un tel système soit qualifié de « démocratie de façade. » (Sur la notion de démocratie de façade, voir notre analyse dans les ‘‘Mélanges offerts au professeur M. Miaille''. Université de Montpellier 1. Faculté de droit. 2008) Dans un système démocratique, les élections sont un moment décisif dans la vie politique du pays. Elles permettent un contact intense des partis et même des associations pour recueillir les aspirations et connaître les problèmes des populations. Elles sont un moment privilégié pour expliquer les projets politiques et favoriser le renforcement des partis qui y participent. C'est pourquoi les partis sont naturellement désireux d'y participer. A moins que les conditions que nous venons de noter ne leur paraissent pas réunies. Or, si les conditions ne sont pas réunies pour assurer la représentation du peuple par la plus large consultation, il convient de dialoguer pour créer ces conditions et non pas accuser ceux qui refusent de participer dans des conditions inéquitables. Ainsi doit être envisagé le passage à une transition démocratique parce que le processus démocratique exige l'abandon de l'autoritarisme. Les élections législatives ne sont pas mieux loties au regard des principes d'honnêteté et de liberté. Certaines ont été boycottées par des régions ou des partis, d'autres, comme en 1997, ont été contestées par plusieurs partis, y compris, pendant peu de temps il est vrai, parmi les partisans du système en place. De surcroît, les résultats et le nombre de sièges attribués aux partis donnent plus l'impression de savants calculs d'appareils que la traduction d'un rapport de forces sur le terrain. Comment dès lors admettre que les élections remplissent leur rôle qui est d'assurer la représentation des forces et des aspirations des populations, indispensable dans un système démocratique. En fait, dans les conditions que nous venons de résumer, on comprend que les nombreuses élections qui se sont déroulées en Algérie n'ont jamais contribué à régler les problèmes qui se posent aux populations. L'examen de l'exercice des pouvoirs et les places respectives des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire permettra de mieux comprendre cette observation et de donner une qualification plus assurée au système politique algérien dans son ensemble.
2-L'exercice des pouvoirs : la question de la séparation des pouvoirs.
La question de la séparation des pouvoirs, à la suite des travaux de Montesquieu (De l'esprit des lois, Gallimard ) est souvent présentée comme une donnée nécessaire pour assurer un système démocratique. Chacun connaît sa célèbre formule : « le pouvoir arrête le pouvoir ». On ne discutera pas ici toutes les significations du principe de la séparation des pouvoirs ni les contresens qui peuvent découler de cette dernière formule. Nous dirons seulement qu'une concentration excessive des pouvoirs peut aboutir à un déséquilibre préjudiciable à la représentation équitable des intérêts socio-politiques. En fait, l'essentiel est d'assurer que les prérogatives attribuées aux institutions par la Constitution soient contrôlées conformément à cette dernière. On peut bien voir que chaque pays peut mettre en place son propre système de répartition des compétences. L'essentiel est que soit instauré un mécanisme qui permette d'engager la responsabilité de tout ou partie de l'Exécutif. Mais cette affirmation ne vaut que lorsque des élections périodiques, libres et honnêtes viennent sanctionner les politiques suivies par les organes les mieux dotés et que tous les pouvoirs s'exercent conformément à la Constitution. La formule de Montesquieu ne doit évidemment pas être interprétée sans nuances en assimilant contrôle et blocage. Elle signifie que les compétences doivent être réparties entre des pouvoirs différents et que chacun doit jouer son rôle conformément à la Constitution. La lecture des dispositions de la Constitution (art.74 à 78 et autres) indique que le président de la République dispose des plus larges prérogatives. Il nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions. Il peut légiférer, dans certains cas, par ordonnance. Il peut dissoudre l'Assemblée nationale sans que celle-ci puisse mettre en jeu sa responsabilité.On peut dans ce cadre discourir sur la nature du système politique algérien pour savoir s'il est présidentiel ou présidentialiste et comparer des incomparables. Il faut le dire clairement, ces analyses ne valent quelque chose que dans le cadre du pluralisme démocratique et des élections libres, avec des règles qui organisent la séparation des pouvoirs.
La Constitution donne des prérogatives importantes à l'Assemblée nationale. L'article 122 énumère une longue liste de domaines dans lesquels elle légifère. Il faut également prendre en compte d'autres dispositions de la Constitution, comme l'article 123, qui renforcent les attributions de l'Assemblée. Mais pour parler de la place et du rôle de l'Assemblée nationale, il est nécessaire de se reporter à la pratique politique. On peut d'abord observer que les propositions de lois (émanant des députés) sont pour ainsi dire inexistantes. Ce qui en dit long sur la contribution de la représentation nationale à l'élaboration des lois, mais qui renseigne aussi sur le niveau de circulation de l'information et des connaissances dans le système politique. On peut relever que, au cours de la période 1990-2002, au cours de laquelle le pays était ravagé par la violence, l'Assemblée n'a consacré qu'un débat aux problèmes de sécurité dont on sait pourtant les conséquences dévastatrices sur les droits des personnes et les garanties constitutionnelles. Même en restant dans le cadre d'un système autoritaire, on peut concevoir une Assemblée qui se saisit des problèmes sans attendre que le travail ou les impulsions viennent de l'Exécutif. Mais au-delà de l'importance d'un travail rationnel, il faut attirer l'attention sur la nécessité pour le système politique algérien d'accepter un minimum de tension entre la représentation nationale et l'Exécutif, pour que celle-ci apparaisse plus proche des problèmes des citoyens. La question du pouvoir judiciaire se pose différemment. Sans indépendance de la magistrature, il n'y a pas de transition démocratique. La Constitution reconnaît cet impératif. (art.138) Les articles 139 et 140 en expliquent les raisons : c'est une condition de la sauvegarde des droits et des libertés indispensable pour faire vivre une démocratie. Or, les relations entre la chancellerie et les magistrats, ce que l'on peut appeler les intrusions dans les procédures et les fragilités des droits de la défense sont loin d'être une traduction dans les faits des dispositions de la Constitution. De surcroît, il est nécessaire de revoir les bases du système de formation des magistrats dans l'optique de la garantie des droits désormais reconnus par la Constitution. On ne peut comprendre un système politique qu'en remontant aux conditions de son installation et de ses différentes transformations.
A la veille de l'indépendance, le FLN-ALN était malheureusement très divisé. Sans revenir sur les causes et les problèmes qui entourèrent ces divisions et qu'expliquent bien les travaux des professeurs Mohamed Harbi et Gilbert Meynier, on sait que l'état major-général de l'ALN (EMG), basé aux frontières du pays, avait rejeté la décision de sa dissolution par le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Le chef de l'EMG, le colonel Boumediène, décide de franchir les frontières, livre bataille aux forces qui s'opposent à lui et fait alliance avec Ben Bella, l'un des chefs historiques les plus populaires de la révolution. Le colonel Boumediène devient vice-président du Conseil et ministre de la Défense. Le président Ben Bella lui-même est destitué par un coup d'Etat le 19 juin 1965. Boumediène devient président du Conseil de la révolution, chef de l'Etat et chef des forces armées. Le commandement militaire est désormais au centre du système politique. C'est pourquoi l'idée que pendant la période du parti unique, il y a « un gouvernement par le parti » est une analyse qui reste au niveau des apparences. Après la Constitution de 1989, le commandement militaire décide de quitter le comité central du FLN, voulant signifier ainsi son retrait de la direction politique du pays. Ce retrait est en effet indispensable pour donner un crédit à l'ouverture politique réalisée par la Constitution de 1989. Les élections locales de 1990 et législatives de 1991 n'indiquent effectivement aucune intervention de l'armée. Mais les élections législatives de 1991 ont été, comme chacun sait, annulées et c'est le commandement militaire qui, comme l'analyse bien l'ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali dans la presse algérienne, appelle aux premières responsabilités. Lors des élections importantes, les principaux acteurs politiques s'adressent essentiellement aux responsables militaires pour garantir la liberté des élections. L'armée insiste sur sa neutralité mais de nombreux acteurs politiques de premier plan ne semblent viser rien d'autre qu'une transformation de son rôle lorsqu'ils demandent une transformation du système politique. Il ne faut pas s'y tromper. L'important n'est pas seulement d'apporter des preuves en faveur de telle ou telle thèse. Il est aussi que ce « débat », si l'on peut le qualifier ainsi, indique un désaccord sérieux sur le fonctionnement du système politique. Or, ce désaccord est de nature à empêcher la Constitution, comme nous l'avons évoqué plus haut, de jouer son rôle de « contrat social fondamental » autour des valeurs de démocratie qu'elle garantit. Le dialogue sur ces nombreuses questions permettrait d'ouvrir la voie à des transformations démocratiques décisives d'un système politique encore marqué par ses origines.


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