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Avocat du diable, avocat de Dieu
Publié dans El Watan le 24 - 11 - 2005

D'ailleurs, ceux-ci avaient prévenu au départ : «Si par hasard Jacques Vergès était amené à travailler avec nous, il faudrait qu'il respecte l'orientation et les règles du comité.»
Cette mise en garde avait mis le célèbre avocat dans tous ses états.
«Et puis m… encore, me dicter ma conduite à moi, il ne manquait plus que ça.»
Ses détracteurs affirment que Vergès n'a jamais été sollicité par la famille Saddam pour prendre la défense du dictateur déchu et qu'il s'est proposé de lui-même, pour ne pas rater un procès aussi retentissant. Il n'a jamais voulu jeter l'éponge, ni se priver de la lumière des caméras.
Car lui soutient mordicus qu'il a été contacté par le neveu de Saddam, un certain Ali Barzane Al Takriti qui «m'a chargé de défendre les intérêts de son oncle».
L'homme est ainsi fait. Iconoclaste, imprévisible, déroutant, se fichant superbement des bonnes manières et des convenances.
Dans la série d'entretiens accordés à Philippe Felissi, Vergès ne renie ni ses coups de gueule ni son insolence.
Fils du consul de France en Thaïlande, de mère vietnamienne qu'il perdra alors qu'il n'avait que 3 ans, Jacques découvre dès son adolescence les affres de l'injustice de l'oppression coloniale, le racisme et l'exil.
Vite, il est sensibilisé à la chose politique. Il quitte la Réunion, pays d'adoption, à 17 ans pour s'engager dans les forces françaises libres. A Paris, il adhère en 1945 à 20 ans au PCF.
Lorsque la guerre d'Algérie a éclaté, il était secrétaire de l'Union internationale des étudiants, dont le siège se trouvait à Prague.
«Au cours des vacances de Pâques 1957, j'ai proposé aux avocats de gauche qui formaient un collectif pour défendre les Algériens emprisonnés d'aller plaider pour eux en Algérie et comme les gens ne se précipitaient pas, ma proposition a été acceptée.»
C'est ainsi que Jacques arrive à Alger en 1957, le destin a voulu qu'il soit désigné quelques semaines plus tard pour défendre une jeune algérienne condamnée à mort pour avoir posé des bombes dans une cafétéria d'Alger, fréquentée par les Européens.
«Cette jeune femme, que j'ai défendue avec passion et que j'ai épousée dès sa sortie de prison alors que j'étais inscrit au barreau d'Alger, s'appelle Djamila Bouhired. A ce moment-là, ce fut pour moi, un coup de cœur, un coup de foudre, une passion qui s'explique aussi par mon enfance. Je connais et j'aime l'Algérie depuis ce mois d'avril 1957 à Alger. J'ai eu pour mission de défendre des nationalistes algériens.»
En réalité, sa connaissance de l'Algérie remonte à quelques années plus tôt. Vergès est passé par l'Académie militaire de Cherchell, a transité par la caserne de Mouzaïa-ville dans les années 1940 lorsqu'il était dans l'armée française libre, dont il se souvient de la victoire. De même qu'il garde le souvenir des émeutes de Sétif du 8 Mai 1945, date qui signifiait pourtant la fin des hostilités. «Le général Duval, défenseur de l'Algérie française après la répression et les dizaines de milliers de morts dans la population civile algérienne, prédisait : ‘‘Nous avons la paix pour dix ans.” Il ne se trompait pas 1945-1954…»
Vergès s'en est souvenu lorsqu'il était au cœur de la guerre en 1957. «L'Algérie a été pour moi un coup de foudre. J'approuvais entièrement cette lutte mais je dois reconnaître qu'en face les Algériens m'acceptaient aussi. Ils m'ont accepté pour plusieurs raisons, peut-être à cause de mon physique et de mes origines.»
Avocat ou militant ?
L'engagement anti-colonialiste de Vergès est connu. D'avocat, il est devenu un militant des causes justes. Son passage au PCF l'a sans doute forgé pour les luttes. Sa mission à Alger n'a pas été une sinécure, loin s'en faut.
«Pour justifier la répression à l'encontre du collectif FLN, on nous a reproché notre attitude qui outre-passait les droits de la défense. Tout cela n'était que calomnies pour nous abattre. Certes, nous étions très impliqués avec nos clients et leurs amis, mais nous n'étions pas pour autant des mercenaires ou des légionnaires obéissants. Nous disposions de notre libre arbitre.»
Vergès quitte le PCF en 1957. De 1970 à 1978, il disparaît entretenant le mystère sur cette période. Depuis, au confluent de la politique et du judiciaire, il a associé son nom à de nombreux procès sulfureux et très médiatisés, notamment ceux des personnalités controversées comme Garaudy, Robet Boulin, Omar Raddad, le terroriste Carlos, Slobodan Milosevic, Barbie et Saddam. Les trois derniers accusés de crimes contre l'humanité.
Provocateur, «imprécateur» cynique avocat du diable, les mots durs ont rarement manqué pour qualifier Jacques Vergès, ce «salaud lumineux» présenté comme le défenseur des indéfendables.
Il faut dire que dans l'attitude de l'homme transparaît une certaine insolence que beaucoup ont vite fait d'assimiler à du cynisme. Qu'en pense le concerné ?
«L'insolence peut aussi devenir une arme. Lorsque nous plaidions pendant la guerre d'Algérie, nous devions faire avec les médias. Or la presse n'était pas toujours avec nous, sans même parler de la radio et de la télévision qui étaient à cette époque sous le contrôle absolu du gouvernement. Quand je voulais que le procès ait un retentissement, il m'est arrivé de prendre mon téléphone le matin et d'appeler un journaliste Algérie française très excité pour lui dire de venir dans l'après-midi, parce que j'allais lui donner des motifs sérieux de s'indigner. Le journaliste assistait à l'audience et effectivement le lendemain, il exhalait toute sa colère et toute son indignation dans son journal. Mais c'est précisément ce que nous voulions. A cette époque, j'ai compris l'intérêt d'une bonne utilisation des médias, car ils pouvaient nous servir, même s'ils nous étaient, en principe, hostiles.»
L'homme qui aime les caméras
Sans état d'âme, celui qui se dit mercenaire du droit se moque de ceux qui le qualifient d'avocat du diable. «Je ne fais pas d'enquête de police sur mes clients, sur leur vie antérieure, sur ce qu'ils ont dit ou non», tranche-t-il.
De son métier, il en fait presque un sacerdoce, l'argent n'étant pas la seule source de motivation.
L'homme aime les feux de la rampe et les caméras. Il sait séduire avec un langage qui plaît.
«Les juges, dit-il, sont comme les cuisiniers, ils n'aiment pas qu'on les regarde quand ils font la cuisine.»
Marqué par les injustices, Vergès a toujours été aux côtés des hommes à terre, même s'ils sont des salauds.
«Rien ne me choque autant que l'acharnement sur un vaincu, surtout quand les lyncheurs prennent la pose. Entre les chiens et le loup, je serai toujours du côté du loup surtout quand il est blessé.»
Rétif à tout ordre moral, Vergès a depuis toujours poussé à son paroxysme la mission de l'avocat. Ce fumeur de cigares aux allures de dandy sait attirer sur sa personne une curiosité pas vraiment faite pour lui déplaire. Lorsqu'on lui demande sa définition du monde des prétoires, il n'hésite pas à utiliser les mots crus pour dénoncer un ordre qui, selon lui, n'obéit qu'aux puissants. «Le monde de la justice, avoue-t-il, est un monde clos et cruel à un tel point qu'on ne peut l'imaginer de l'extérieur. Ses portes capitonnées sont là pour étouffer les cris, ses vitres cathédrales pour brouiller la vue.» Le journaliste Bernard Violet, auteur d'une biographie non autorisée de l'avocat, ne se montre guère étonné de ce parcours à géométrie variable. «Tant qu'il sera en vie, dit-il, Vergès continuera cette fuite en avant. Sans limite aucune. Le voir défendre Saddam n'est pas une surprise. Mais je pense qu'il va s'entourer d'avocats techniciens comme souvent, afin de pouvoir multiplier les effets d'annonce devant les caméras.»
Mieux encore, Vergès s'est toujours débrouillé pour que d'autres alimentent la légende à sa place. «Depuis son enfance de métis vietnamien, poursuit Violet, il manifeste un besoin constant de reconnaissance, jusqu'à en être devenu complètement mégalomane. Derrière une image d'avocat international de premier plan se cache un mercenaire du droit, qui se vend aux pires bourreaux.» Au cours de sa carrière truffée de faits aussi anecdotiques les uns que les autres, Vergès a été le défenseur des causes extrêmes. Pourquoi ? «Pendant la guerre d'Algérie, le FLN m'avait confié des causes très difficiles. Mais aucun de mes clients n'a été exécuté. Quand je lis les mémoires du fils du général de Gaulle aujourd'hui, je vois dans le livre que ce dernier approuvait mon action mais à l'époque j'étais traité de tous les noms. Aujourd'hui, pourquoi j'accepte de défendre Saddam ou Milosevic, c'est pour une raison simple, c'est que contrairement à ce qu'on dit, nous n'avons pas un nouvel ordre mondial. Nous avons un grand désordre mondial. Nous avons un pays qui dispose des armes les plus puissantes et elles sont entre les mains de gens parfaitement ignorants. Ils ignorent l'histoire, la culture et la vie des autres peuples, et quand ils interviennent au nom de la démocratie, alors qu'on sait que c'est pour des intérêts beaucoup plus réalistes, ils sèment la confusion, la discorde et la mort. Ensuite, ils veulent intenter un procès pour camoufler leurs responsabilités. Alors, je veux faire partie de ces procès pour dénoncer ce désordre mondial et défendre l'indépendance de différents pays qui ont été agressés. Je suis pour un procès où toutes les vérités doivent être dites parce que quand c'est une seule partie, ce n'est plus la vérité.» Illuminé, opportuniste, avocat du diable et d'autres qualificatifs moins agréables ne le dérangent guère. «Cela m'est égal, je me définis comme un avocat qui doit faire un effort pour comprendre l'autre. Je me méfie des accusations portées par les politiciens. Souvenez-vous du charnier de Timisoara en Roumanie. On s'est aperçu que ces images atroces n'étaient qu'un montage. Donc partout, on assiste à ces mises en scène, alors que moi, je veux des procès où la vérité vraie éclate.»
Parcours
Né en 1925, fils d'une institutrice vietnamienne et du docteur Raymond Vergès consul de France en Thaïlande, Jacques vit à la Réunion. Il obtient son bac à 16 ans et sa première année de droit l'année suivante. Il quitte la Réunion à 17 ans et demi pour s'engager dans les forces françaises libres. Il adhère au Parti communiste en 1945. En 1950, il est élu membre du bureau du congrès de l'Union internationale des étudiants. Dès le déclenchement de la guerre d'Algérie, et jeune avocat, il montre ses sympathies pour le FLN et pour le combat anti-colonialiste. Il est connu pour avoir défendu des hommes indéfendables, la plupart condamnés par leur peuple ou pour des crimes contre l'humanité comme Milosevic, Barbie ou Saddam. Il se définit comme un mercenaire du droit. Il dénonce les dérives d'une politique coloniale française fondée sur la supériorité raciale.
A son actif, plusieurs ouvrages, dont notamment La Justice est un jeu (1992), Omar m'a tuer (1995), De la stratégie judiciaire (1996), J'ai plus de souvenir que si j'avais mille ans (1999), Les erreurs judiciaires (2002), Dictionnaire amoureux de la justice (2002), Les Crimes d'Etat, la comédie judiciaire (2004) ou encore La Démocratie à visage obscène (2004).


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