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Fille de chemora de Liliane Raspail
Publié dans El Watan le 05 - 12 - 2005

On voit à travers ses beaux yeux clairs comme à travers une source. Avec ses longs cheveux aux fils d'argent, sa silhouette svelte et ses rides creusées par les sourires, Liliane fait oublier ses 70 ans. Dans son appartement coquet du quartier Télemly, à Alger, elle partage sa théière chinoise et ses gâteaux traditionnels. Une légère odeur de Nivéa flotte autour d'elle. Il y a plusieurs pots bleus de cette crème dans la maison : sur son bureau, où elle s'est appliquée à fignoler les pages de son dernier livre, Fille de Chemora, ou dans la salle de bains, aux côtés de parfums qui lui sont chers, elle si sensible aux (bonnes) odeurs ! De sa voix un peu cassée et à l'accent chantant, Liliane entre dans le vif du sujet : «Le fil directeur de ma vie, c'est mon amour pour l'Algérie.» Liliane est née à Lutaud, Chemora de son nom arabe, un petit village des Aurès. Sa mère, Jeanne, a débarqué d'Auvergne en 1919, à 9 ans, sur la terre chaouie, et son père, Roger, fait déjà partie de la deuxième génération de pieds-noirs installés dans la région. Liliane raconte cette histoire dans son premier livre, La Chaouia d'Auvergne, paru aux éditions Casbah, à Alger, en 2000. «J'ai écrit ce livre à 20 ans», explique-t-elle. «C'est la vie de ma mère, dont j'étais très proche, l'histoire de ma famille. Ce n'est qu'en 1981 que j'ai pensé à le faire éditer. J'ai dit à ma mère que je voulais mêler un peu de fiction à sa vie et lui inventer une histoire d'amour avec un Algérien. Elle m'a dit : tu te souviens de Sahraoui qui travaillait avec moi ? Alors, n'invente rien… C'était le plus beau cadeau qu'elle pouvait me faire !» Dans La Chaouia d'Auvergne, Liliane raconte donc cette magnifique histoire d'amour impossible, sorte de parabole de l'histoire du pays dans laquelle Sahraoui symboliserait le peuple algérien… Malgré cette force épique digne d'un scénario, les maisons d'éditions françaises refusent toutes le manuscrit. Il faut attendre 1999 et la rencontre avec le directeur de Casbah éditions, pour que le livre soit édité et rencontre son public. «Il a reçu un accueil extraordinaire !», se souvient Liliane. «Jamais je n'aurais pensé que les Algériens tomberaient aussi amoureux de cette histoire. Lors des ventes-dédicaces, il y avait un tel courant d'amour entre les gens et moi ! Ce qui est important, c'est ce que le livre représente pour le pays, pour mon fils, pour les jeunes Algériens. C'est un morceau d'histoire.» Après la sortie du livre, les lecteurs restent sur leur faim. Ils veulent savoir ce que deviennent Jeanne et Sahraoui… Liliane s'attelle à la suite, Fille de Chemora, qui couvre les années 1947-1958. «J'ai écrit le deuxième tome pour y voir plus clair», dit-elle. Aujourd'hui, à 60 ans de distance, Liliane évoque encore l'une de ses premières blessures. «En 1945, mes parents ont divorcé. J'avais 10 ans. Ça a été un déchirement de quitter mon village.» Un lieu gravé dans sa mémoire qu'elle n'a pourtant pas eu l'occasion de revoir depuis bien longtemps. La dernière tentative, en 1963, s'est soldée par un accident de voiture. Et en 1972, elle y passe trop rapidement au point d'être frustrée et d'oublier le moment… Alors c'est par l'écrit qu'elle fait revivre ce «village étiré» et écrasé de chaleur. En 1947, Liliane quitte l'Algérie, car sa mère a décidé de retourner en France. Elle y revient en pleine guerre, en 1958, mariée à un lieutenant de l'armée française. «Il était muté à Sidi Aïssa. Comme je m'embêtais, j'ai été travailler à l'hôpital de la ville, et là j'ai pris conscience de la guerre, du problème des Arabes… J'ai opté pour l'Algérie. Ce n'était pas un choix politique, je me disais simplement : ‘‘Ils ont raison, je suis de leur côté”. J'étais pour que l'Algérie soit indépendante, point final.» Elle quitte son lieutenant français et vit pendant 8 ans avec un Algérien impliqué dans la lutte nationale. En 1961, elle échappe à trois attentats et ses amis arrivent à la convaincre de repartir en France. Elle n'assistera pas à la fête de l'Indépendance, mais revient en septembre 1962 pour participer à la construction de la nouvelle nation. Elle, qui n'a pas de diplôme à part le bac, travaille au Commissariat à la formation professionnelle et à la promotion des cadres jusqu'en 1965. Puis elle est attachée de direction à la toute nouvelle société nationale de sidérurgie (SNS), met en route les secrétariats de SN-Métal (construction) et Sonarem (recherche minière), et s'implique dans la création de l'Ecole nationale d'art dramatique et d'art folklorique de Fort de l'eau, actuellement Bordj El Kiffan… «On travaillait comme des fous ! C'était l'euphorie, je devais toucher 500 francs par mois, mais quelle importance !» Plus tard, Liliane travaille au Centre culturel français d'Alger, jusqu'à sa fermeture en 1994, pendant les années du terrorisme. «On nous a demandé de partir. Je suis donc revenue en France. J'avais 59 ans, pas de diplôme…» Mais sa bonne étoile veille. Elle trouve un poste d'assistante de direction à la Bibliothèque nationale de France et prend sa retraite en 2000. Depuis cette date, elle partage son temps entre Alger et Paris, se consacrant à l'écriture. «Des livres j'en ai des cartons pleins !», assure-t-elle avec malice. Franche et directe, Liliane a le rire profond des gens qui n'ont pas toujours été gâtés par la vie. Mariée à 18 ans, elle a perdu ses deux premiers enfants, Véronique et Paul, à cause de malformations du cœur. «Je suis quelqu'un de très gai, je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort !», dit-elle. Sa vie amoureuse est tumultueuse avant qu'elle ne rencontre celui qui partage sa vie depuis maintenant 36 ans, Nasser Eddine Abbas, le neveu de Ferhat Abbas. Une figure algérienne qu'elle a bien connue. «J'ai travaillé avec lui à Nice sur le livre L'autopsie d'une guerre et c'est lui qui m'a mis sur la voie du titre La Chaouia d'Auvergne. Il était visionnaire. Ce qu'il aurait voulu c'est que les Algériens aient leur place dans leur pays sans mettre les autres à la mer. C'est ce après quoi courent les Algériens aujourd'hui. Quelqu'un comme mon père, né en Algérie, la France ne représentait rien pour lui. Dans mon premier livre, je parle même des ‘‘Arabo-pieds-noirs”, plus Arabe que Français.» Dans cette droite ligne, Liliane, qui se dit «Chaouia de sol et de cœur», explique : «On ne peut pas vivre en équilibre entre deux mondes, il faut les séparer carrément ou les fondre ensemble. Moi j'ai fondu les deux en moi, c'est très clair. Mon père est rentré en France en 1962. Moi, j'ai fait le choix de ce pays, j'ai eu un enfant algérien que j'ai appelé Ali et j'en suis très heureuse.»
Femme libre, parfois féministe (toujours dans le sens noble du terme), elle a quelque chose de ce peuple chaoui, indépendant et rebelle, qu'elle admire tant. A jamais, Liliane porte en elle le «ciel immense et lumineux» qui a émerveillé son enfance, ressent encore sur sa peau l'air qui «a cette limpidité soyeuse et chaude». Et garde au fond des yeux, «une immense plaine, étincelante de ses chaumes d'or, et sertie au loin de deux ou trois rangs d'émouvantes petites chaînes montagneuses ocres et bleues : les Aurès !»
– Fille de Chemora (roman) Casbah éditions, Alger, 2005
Librairie Chichab internationale 10, avenue Brahim Gharfa (ex-Durando)
– Mardi 6 décembre 2005 à 14h Rencontre-débat avec l'auteur Liliane Raspail


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