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Kazuo Ishiguro, l'identité enracinée
Publié dans El Watan le 01 - 06 - 2006

Il a également reçu le prestigieux Booker Prize de Londres pour son troisième roman Les vestiges du jour qui a été adapté au cinéma par James Ivory en 1993. Mais c'est de sa quatrième œuvre L'Inconsolé, que je souhaite vous entretenir, non pas pour la longueur de l'ouvrage qui peut rebuter le plus téméraire des lecteurs avec 606 pages et que j'ai dévorées d'un trait, mais pour la plume de Kazuo Ishiguro qui est prenante et envoûtante si on se laisse prendre par la main et surtout ne pas abandonner dès les premières pages cette histoire particulièrement envoûtante.
Kazuo Ishiguro est arrivé à Londres en 1960 du Japon, précisément de Nagazaki, à l'âge de six ans. Ses parents se sont installés alors en Grande-Bretagne et c'est ainsi qu'il est devenu sujet de la reine. Il a reçu une éducation britannique dans les règles de l'art. A l'université de East Anglia, il a étudié ce que l'on appelle dans les universités anglo-saxonnes «creative writing», des classes d'écriture et de composition littéraire, ce qui a révélé son goût pour la littérature et donc l'écriture qui sera souvent de l'ordre de l'énigmatique et du secret que l'on retrouve dans L'Inconsolé. Le décor de ce roman est campé dès les premières pages par le biais du personnage Ryder qui arrive dans une ville située quelque part en Europe. Ryder est un artiste pianiste qui doit donner un concert dans cette mystérieuse ville et dès son arrivée il suscite un intérêt particulier et une curiosité mêlée de respect dans l'hôtel où il descend. Les premières pages sont éloquentes, car elles révèlent déjà le style et l'atmosphère de l'ensemble du roman. En effet, le porteur Gustav va aider Ryder à monter les valises et l'accompagner jusqu'à sa chambre.
Basé sur les dialogues et les descriptions détaillées, le récit expose une pléthore de personnages dont ce Gustav qui va parler de son métier de porteur, métier qui se perd de nos jours comme il dit, car être porteur c'est une profession et n'est pas porteur qui
veut : «Beaucoup d'habitants de la ville ont tâté à un moment ou un autre du travail de porteur. Ici, beaucoup de gens semblent croire qu'il suffit de revêtir un uniforme et le tour est joué. Ils seront capables de remplir cet office. C'est une illusion particulièrement répandue dans cette ville. Appelez cela un mythe local.» Et quelques pages plus tard, c'est tout l'art de porter les valises et d'entretenir le client, savoir lui raconter l'histoire de cet hôtel particulier, qui fait la différence entre un porteur professionnel et celui qui ne l'est pas.
Capter l'attention du client est tout un art et c'est justement là que l'art de raconter les histoires de Kazuo Ishiguro se dévoile, car au milieu de ces commentaires concernant la profession de porteur que des insinuations sur de sujets personnels, des sujets intimes, sont introduites dans le discours. En effet, le romancier Kazuo Ishiguro développe dans ce roman l'art de la digression, des digressions portées à leur paroxysme. Sur cette question de la profession de porteur, on apprend qu'il y a des réunions des porteurs dans le café hongrois de la ville, tous les dimanches, où Gustav est écouté et respecté. L'écriture devient alors tortueuse avec des méandres et des passages sur des détails qui prennent une ampleur hallucinante, jugez-en : «Porter trois valises, j'y parvenais, or à dire la vérité, monsieur, il y a quatre ans j'ai eu une période de mauvaise santé et j'éprouvais quelques difficultés ; aussi en avons-nous discuté au café hongrois. Finalement, mes collègues ont tous convenu qu'il n'était pas nécessaire que je me montre aussi exigeant pour moi-même.» Et ainsi toute une page se déroule sur ce sujet de la santé d'un porteur vieillissant et tout un rhétorique s'installe entre le nombre de valises à porter et les muscles qui s'amenuisent et qu'il faut ménager. C'est vrai que l'on peut être rebuté par tant de détails mais au détour d'un mot, la conversation repart de nouveau sur un pan secret de la vie de Gustav.
L'art de la distorsion de la pensée et de la réflexion est à son comble dans ce roman à tiroirs où la psychologie de chaque personnage est à découvrir. Au fur et à mesure et au hasard des rencontres de Ryder, du porteur Gustav au maître d'hôtel M. Hoffman, en passant par Sophie, Boris, Stephan ou Brodsky, l'autre pianiste énigmatique de la ville.
Le roman se déroule comme une pelote où les idées s'enchaînent au hasard de la conversation et des mots qui sont prononcés et qui deviennent accrocheurs ou de l'objet qui attire l'attention et qui mérite alors toute une description qui s'inscrit et s'adapte au sujet en donnant dans le même temps une couleur, une atmosphère aux confidences qui sont faites à Ryder. En effet, Ryder possède l'art d'attirer les confessions, d'entretenir la conversation et ses journées paraissent très longues à la limite du réel. Le récit est disloqué, semble aller dans tous les sens, et pourtant l'unité du lieu devient heureusement le ciment de toute l'histoire qui finalement virevolte autour de Ryder dont on devine les secrets sans vraiment confirmer les choses et le passé énigmatique de cette ville. L'Inconsolé est un roman sur la mémoire, sur la recherche d'un passé perdu dans les méandres des souvenirs des uns et des autres, dans les rues obscures de cette ville où l'hôtel devient le lieu où les vies se font et se défont. Au mois de mars dernier, Kazuo Ishiguro avait affirmé qu'il était un «drogué de la mémoire» et que ce qui l'intéressait «c'est la manière dont les individus se rappellent ou oublient ce qui concerne leur histoire».
La parole et la communication prennent une grande importance dans les romans d'Ishiguro, car c'est à travers elles que l'homme et la femme arrivent à supporter leur existence souvent problématique, parfois dérisoire. Parler, pas nécessairement de sujets brûlants, mais de choses et d'autres, combler le silence pour ne pas se sentir seul, comme le démontre l'échange entre Ryder et l'électricien qui ne descendent pas du tram à la fin de L'Inconsolé et qui ratent leurs arrêts respectifs jusqu'au moment où ils épuisent cet échange verbal si vital, y compris parler du dernier match de foot.
Chez ce romancier d'un genre particulier, le silence fait partie aussi de la communication, mais le silence reste un échange où le non-dit prend une ampleur significative chez tous les inconsolés.


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