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L'homme aux deux résistances
Publié dans El Watan le 12 - 06 - 2006

Il se définissait lui-même comme un «chrétien qui agit». C'était un homme de profonde conviction, un intellectuel intransigeant, rebelle à toutes les compromissions, un acteur et un témoin indépendant de son siècle. «Je me suis trouvé aussi bien sous l'occupation nazie que sous le colonialisme en Algérie à ne pas pouvoir faire autrement que de dire non et refuser le mensonge. Les choses se sont embriguées comme cela», nous disait-il, lors d'un entretien (El Watan du 21 octobre 2004). Il avait alors 86 ans, et l'esprit et le verbe aussi vifs et incisifs qu'il avait dû les avoir à 25 ans. Son parcours, ses combats et ses convictions, André Mandouze les a expliqués dans Mémoires d'outre-siècle : D'une résistance à l'autre (1er volume, éditions Viviane Lamy, 1998) et 1962-1981. A gauche toute, bon Dieu ! (2e volume, éditions Cerf, 2003). «Lorsque le premier volume de Mes Mémoires a été publié, un homme qui était marié avec une de mes anciennes étudiantes en Algérie m'a dit : dans la première partie (D'une résistance à l'autre, ndlr), vous êtes un héros ; dans la deuxième partie, vous êtes un traître.» «C'est inouï ! Il n'avait rien compris, pas plus que n'avaient compris des éditeurs algériens qui, ayant lu mon livre, étaient venus me voir pour me demander de les autoriser à publier la deuxième partie. Je leur ai répondu : vous n'avez pas compris que, s'il n'y avait pas eu la première partie, il n'y aurait pas eu la seconde. Pour moi, c'est une évidence. Je suis commandeur de la Légion d'honneur après avoir été en prison !», nous avait-il encore dit. André Mandouze est affecté en qualité de maître de conférences à la Faculté des lettres d'Alger en 1946. «Quand je suis parti en Algérie, je ne savais pas ce que j'allais trouver, sauf que je me rendais dans le pays d'un Algérien, un Algérien que j'avais commencé à étudier, que j'étudierai pendant 60 ans et que je rendrai à son pays : saint Augustin.»
Condamné à mort par les nazis, puis par l'OAS
Et d'ajouter pour dire sa «grande fierté, qu'au bout de soixante ans de travail, on a fait en 2001 ce colloque en Algérie sur Saint Augustin.» André Mandouze avait été condamné à mort par les nazis, ensuite par l'OAS. «Et si j'avais été en Algérie au moment où le FIS allait prendre le pouvoir, j'aurais été tout pareil, condamné à mort», souligne-t-il. Il a été le premier à écrire dans Esprit deux articles où il dénonçait ce qui se passait en Algérie. C'était en 1947 et 1948. Le titre général était Prévenons la guerre d'Afrique du Nord. En 1948, il écrivait : «Si d'ici à la fin de l'année en cours, notre hypocrisie séculaire n'est pas percée à jour et reniée par une action positive et authentiquement révolutionnaire, nous pouvons être sûrs : 1 – que l'Algérie – et à bref délai toute l'Afrique du Nord – sera perdue pour l'Union française ; 2 – que les Européens d'Algérie – et les colons en particulier – perdront certainement leurs biens quand ce ne sera pas leur vie ; 3 – que les musulmans d'Algérie, après une période confuse, perdront toute possibilité de libération véritable et de progrès réels.» Et de nous rappeler : «J'ai commencé à agir par Témoignage chrétien, par Le Nouvel Observateur et un peu par L'Express.» «J'ai eu du mal à convaincre aussi bien Jean Daniel que Beuve Mery. J'étais pour eux un type qui allait trop loin. Il fallait aller trop loin.» Au Congrès mondial des partisans de la paix qui se tient à Paris en avril 1949, André Mandouze prend la parole au nom d'une «Algérie de gauche rassemblée, c'est-à-dire une Algérie qui, jusqu'alors, dans une manifestation de cet ordre, n'a jamais eu, en tant que telle, pareille possibilité.» (Mémoires d'outre-siècle, 1er tome : D'une résistance à l'autre, ndlr.) Il présentait un texte au nom de l'ensemble des organisations algériennes présentes, avec leur accord, dont voici un extrait : «Dans quelque pays que ce soit, on ne se révolte pas contre ses concitoyens ou contre ses frères. On ne se révolte que contre ses exploiteurs ou des occupants. Il y avait en France et en Europe un mot qui disait bien ce qu'il voulait dire. C'est le mot résistance. L'Algérie est en état de résistance.» André Mandouze n'avait guère été surpris par le déclenchement du 1er novembre 1954. «J'étais lié aux responsables du FLN, ils ne m'avaient pas dit les choses qu'ils n'avaient pas à me dire, il m'avait dit : cela va être terrible.» En 1961, il écrivait La Révolution algérienne par les textes à partir de documents fournis par le FLN. Et de nous dire que «les nationalistes algériens en feront leur référence lors des négociations qui déboucheront sur les Accords d'Evian.» Selon André Mandouze, seule une partie de l'Eglise en Algérie et en France a soutenu l'indépendance de l'Algérie. «ll y a eu Duval, Scotto, Claverie, Teissier. Quatre hommes formidables, mais la plupart des membres du clergé étaient lamentables. Le père Scotto, qui était algérien dans les tripes, avait expliqué ce qu'était l'Algérie à Monseigneur Duval qui, lui, était savoyard. Au contraire, l'archevêque de Paris était le vicaire aux armées et il bénissait les parachutistes.»
40 ans de vie d'une nation et 3000 ans de vie d'un pays
Sur l'utilisation de la religion, le chrétien André Mandouze, à la foi bien trempée, était très critique : «La perversion de ce qui est grand est la pire des choses. Je ne peux pas admettre les islamistes, les intégristes juifs d'Israël ou les intégristes chrétiens. C'est la même chose. Le ‘'tu ne tueras point” devient le ‘'tu tueras tout le monde”.» Dans les échanges que nous avons eus avec lui, qu'il s'agisse du passé ou du présent, André Mandouze passait invariablement de l'Algérie à la France et vice-versa. «Parce que c'est ma vie, parce que ça ne se sépare pas.» «Ce sont pourtant deux pays différents ?» «Deux pays différents, mais je voudrais qu'ils progressent dans la vérité, l'un et l'autre. On n'arrange pas la vérité, on se soumet à la vérité.» Sur l'interruption du processus électoral de 1991, «l'acte vrai, démocratique, c'était celui-là. Ce n'est pas uniquement le vote qui est démocratique. On a dit que l'Algérie avait fait un coup d'Etat, mais l'Algérie s'était sauvée ! » André Mandouze nous rappelait qu'en 2002, il avait fait une communication dans le cadre d'un colloque à Alger sur saint Augustin qu'il avait intitulée «40 ans de vie d'une nation et 3000 ans de vie d'un pays». Et de faire ce commentaire : «Qu'est-ce que c'est que les 40 ans que vient de vivre l'Algérie indépendante ? Dans l'histoire du monde, ce n'est rien. Quelle victoire pour votre pays que celle de reconnaître, enfin, qu'il y avait une Algérie avant l'arrivée des Arabes, qu'Alger existait en même temps qu'existait Carthage. Autrement dit, il y a une véritable antiquité de l'Algérie. Le progrès fantastique de votre pays est là.» Et pour finir : «On ne trouvera pas de moi une chose qu'on pourrait utiliser contre l'Algérie. Cela n'empêche pas que lorsque je rencontre des dirigeants algériens, on serait étonné de ce que je peux leur dire.»
Parcours
Latiniste, André Mandouze était le spécialiste de Saint Augustin et de la pensée augustinienne. Il avait consacré à ce père de l'Eglise chrétienne soixante ans de sa vie. Journaliste, il dirigeait dans la clandestinité les cahiers de Témoignage chrétien pendant l'occupation nazie et avait fondé, à la Libération, l'hebdomadaire Témoignage chrétien dont il avait été, à 28 ans, le premier rédacteur en chef. André Mandouze était nommé en 1946 à l'Université d'Alger. Il avait collaboré à l'Association de la jeunesse algérienne pour l'action sociale, fondé le Comité d'action des intellectuels algériens qu'il présidait. Il avait lancé la revue Consciences algériennes (1950-1951), puis Consciences maghrébines (1953-1956). Au comité de rédaction de Consciences maghrébines figuraient Françoise Becht, Réda Bestandji, Pierre Chaulet, Mahfoud Kaddache, Mohamed-Salah Louanchi, Jean Rime, Pierre Roche… Il était membre du comité directeur d'Alger républicain. En 1956, il était obligé de quitter l'Algérie. En 1961, il écrivait La Révolution algérienne par les textes, qui servira de socle aux Accords d'Evian. A l'indépendance, il est rappelé pour réorganiser l'enseignement supérieur.
– Dans cet article, nous reprenons des passages d'entretiens qu'André Mandouze nous avaient accordés, notamment celui du 21 octobre 2004


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