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Le terrorisme a-t-il un fondement culturel ? (2e partie et fin)
Publié dans El Watan le 30 - 04 - 2007

Un certain nombre de constats nous empêchent d'aboutir à une telle conclusion. Tout d'abord, sur le plan scripturaire, le texte fondateur quelles que soient ses sources ou ses branches, comprend autant d'appels à l'exhortation, à la paix, à la conciliation et à la condamnation de toutes les formes de violence sans droit. Ensuite, il faut encore rappeler que le texte n'a aucune souveraineté sur le déroulement de l'histoire. L'autonomie de cette dernière est absolue. Elle évolue selon des mécanismes, des causalités et des nécessités qui lui sont propres. Enfin, les historiens peuvent démontrer que l'histoire de l'Islam connut de longues et nombreuses périodes au cours de laquelle la civilisation islamique se manifesta avec éclat, par la paix, le dialogue avec les autres civilisations, l'esprit d'ouverture et de tolérance. Ce sont donc, en définitive, les conditions historiques et les circonstances particulières de chaque époque qui constituent le seul critère explicatif valable. Ce sont ces circonstances qui peuvent expliquer qu'une culture devienne agressive. Ce sont ces conditions qui favorisent l'éclosion d'une pensée politique d'incitation à la violence aveugle.
En ce qui concerne l'Islam, toutes les conditions historiques actuelles se conjuguent pour faire d'une large partie de sa culture, en particulier de sa culture politique, une culture de violence et d'agression.
Parmi les éléments importants constitutifs de cette situation mentale particulière, nous pouvons tout d'abord évoquer l'immense difficulté devant laquelle se trouve la civilisation islamique d'avoir à assumer le phénomène de sa stagnation pour ne pas dire sa régression depuis le XVIe siècle, ensuite, la hantise du complot occidental contre l'Islam, enfin, les changements brutaux d'ordre sociologique et urbain, qui font des grandes villes du monde islamique actuel des centres de formation pour le développement d'un culturalisme conservateur délibérément antimoderniste et des nouvelles terres d'Islam des espaces de diffusion de cette culture. Comme l'écrit Abdelwahab Meddeb, «le monde islamique n'a cessé d'être l'inconsolé de sa destitution».(4) Pour tout observateur, il est aisé aujourd'hui de constater dans la pensée et la parole des musulmans, spécifiquement ceux de la région arabe, la présence d'une profonde nostalgie, parfois même d'un romantisme certain, tournant autour du thème des gloires du passé et de la contribution du monde musulman au développement de la civilisation mondiale, en particulier celle de l'Europe. Le contraste entre une Europe moyenâgeuse noyée dans l'obscurantisme et la stagnation culturelle face à une civilisation islamique humaniste, brillante sur le plan du commerce, de la puissance militaire, de la science et des technologies, de la littérature et de la philosophie, constitue un sujet favori des débats sociaux et historiques. Ce contraste se révèle à travers des figures emblématiques : l'abbasside Haroun Errachid, révélant la puissance de son empire à Charlemagne, Saladin, l'Ayyubide, enseignant aux croisés l'esprit chevaleresque, le sultan Al Kamil ou l'émir Fakhreddine convainquant l'empereur Frédéric Il de la supériorité de la civilisation orientale, lui révélant même l'esprit laïc, l'Andalousie arabe, ses poètes, ses hommes de science, ses philosophes, creuset et origine, de la future renaissance européenne selon l'aveu même de Pic de la Mirandole, consigné au début de son œuvre sur la «dignité de l'homme». Quant au dossier sur le complot occidental contre l'Islam, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est bien fourni. Il est construit à partir de faits objectifs, dans le cycle d'une permanente hostilité entre l'Islam, responsable de la division de l'unité gréco-latine du monde méditerranéen, et l'Occident chrétien. Entre l'idée d'un cycle objectif d'hostilité et celle du complot, s'interpose évidemment la subjectivité de l'interprète, mais les faits sont là. La Sainte Ligue, le démembrement de l'Empire ottoman, que certains font remonter à la bataille de Lépante, le colonialisme républicain et laïciste faisant alliance avec l'Eglise contre l'Islam, comme en témoigne le congrès eucharistique de Carthage en 1925, les mandats britannique et français au Moyen-Orient, divisant artificiellement l'unité arabe au Moyen-Orient, débouchant finalement sur la création d'un foyer national juif, puis de l'Etat d'Israël, en contradiction totale avec les principes mêmes du mandat international confié aux puissances mandataires par la SDN, aujourd'hui, la politique américaine inconditionnellement rangée sur les positions de l'Etat hébreu, provoquant en Irak le chaos, la destruction, la guerre civile et des massacres incomparablement plus graves que ceux provoqués pendant tout le régime baâthiste de Saddam Hussein, les politiques de marginalisation, sinon d'exclusion des musulmans en Europe, le problème de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, tous ces événements, dont la liste pourrait être considérablement allongée, sont interprétés, parfois à tort, parfois avec raison, comme autant de signes irrécusables d'un immense complot de l'Occident visant à anéantir l'Islam, en tant que civilisation mondiale concurrente. Cet état d'esprit contribue fortement à la constitution d'un sentiment généralisé de victimisation tout à fait propice à l'émergence d'une psychologie politique de revanche, restitutive et réparatrice, radicalement militante. La politique occidentale ne fait rien ou fait peu de chose pour atténuer ou combattre cette thèse du complot occidental contre l'Islam. François Burgat a pu justement noter : «(…) Toute la contradiction vient précisément de ce que l'Occident contribue d'une main à renforcer, directement ou indirectement, ce radicalisme qu'il prétend combattre de l'autre.» (5) Se prononçant ensuite sur le rapport de causalité entre la culture et la radicalisation du monde islamique, l'auteur ajoute : "La ‘'maladie'' (culturelle) apparente ‘'de l'islam'' est le produit et non la cause de ce cercle vicieux très politique où est enfermé le monde musulman et dont l'Occident se préoccupe si peu de l'aider véritablement à sortir.» (6) Les phénomènes migratoires constituent une autre cause de développement de cette psychologie victimaire, tendancieusement portée sur la violence. A l'intérieur des pays musulmans, l'exode rural perturbe gravement les fonctions civiques de la cité. La population issue de l'exode rural ne participe nullement au développement de l'esprit municipal. Elle provoque, au contraire, l'apparition d'une citoyenneté de rupture, revendicatrice et revancharde, aussi bien par rapport à l'establishment de la cité, que par rapport à l'Etat central. La surpopulation périphérique des grandes cités comme Casablanca, Alger, Tunis, Le Caire, Islamabad ou Djakarta alimente et aggrave toutes les crises : celle du logement, en premier lieu, celle du transport, celle de la santé ou du service public scolaire ou universitaire, celle du désœuvrement et du chômage. Sur son propre territoire, le citoyen devient souvent un déraciné, en divorce avec son milieu. La quête d'un refuge et la recherche du sens, par delà l'Etat, deviennent, en conséquence, des questions centrales de sa vie, en particulier de sa vie politique. Le culturalisme conservateur, par sa négation de l'ensemble «Occident-Etat national-élite occidentalisée», offre à ce citoyen une réponse à première vue satisfaisante à ses problèmes vitaux. Les politiques ostensiblement culturalistes des gouvernements ne modifient que très peu les données du problème : elles sont comprises comme de simples techniques d'agrippement au pouvoir.
La culture identitaire
Les migrations transnationales aboutissent approximativement au même résultat. Sur les nouvelles terres d'Islam, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, se constituent également des minorités périphériques ethnico-religieuses caractérisées par le déracinement, l'exclusion et l'absence d'intégration réelle, la crispation autour d'une identité inventée. La quête du refuge s'exprime ici alors par le démarquage et l'hostilité latente à l'égard du milieu. Le culturalisme radical, celui d'un Sayed Kotb, d'un Mawdûdi, ou d'un Hassan Al Bannah, là encore, va pouvoir offrir à la psychologie victimaire, en particulier par l'intermédiaire d'Internet, des raisons de croire ou d'espérer, de nier ou de haïr, des motifs pour agir, des utopies virtuelles, l'ouma, la khilafa, pour se reconnaître et se rassembler, une technique de violence, le jihad, à leurs yeux, salutaire pour s'affirmer. Une culture du sacrifice, du don de soi et du martyr, impliqué par le concept de jihad lui-même va nourrir le terrorisme des «Armées de Mohamed», d'Al Qaîda, et des partis jihadistes.
La véritable question, par conséquent, n'est pas de savoir si telle ou telle culture est de nature à encourager ou produire le terrorisme, mais, quel type de culture, dans un contexte particulier, pourrait le favoriser ? Placée dans certaines circonstances, une culture donnée peut exacerber la haine de l'autre, à un point tel que l'acte terroriste pourrait y trouver une justification, une juste cause, du moins aux yeux de celui qui l'accomplit. Dans de telles circonstances, la politique devient une passion pure et non plus le champ du calcul rationnel pour défendre ou sauvegarder le plus grand ou le meilleur intérêt possible, à la fois pour la gloire des gouvernants et pour la satisfaction des gouvernés. On ne raisonne plus alors en termes d'intérêts bien compris, de résultats escomptés et possibles, mais on agit pour assouvir une passion. Cette dernière est loin d'être aveugle. C'est le résultat qui le devient. Ce type de culture est, en général, le produit d'un enfermement à la fois sur l'identité et sur le dialogue ou la reconnaissance purement intérieurs, c'est-à-dire la culture endophasique.
La culture identitaire se forme lorsqu'une nation, un peuple ou un groupe social donné fixe ses horizons de pensée sur le culte exclusif de son identité. Il s'agit d'une surévaluation d'un certain nombre de facteurs composant normalement et nécessairement l'identité, tels que la langue, la religion ou l'histoire. Vue par ses propres locuteurs, la langue devient alors le signe de l'inimitable, de l'incomparable. Cette situation est particulièrement forte dans le cas où la langue est associée à un texte sacré. Elle devient alors la langue miracle, comme pour les Arabes, rehaussant leur langue, la langue du dhâd au niveau du sacré. Les autres langues ne sont pas de la même veine. Comme la langue, la religion est également fondatrice d'identité. Dans des circonstances normales, de paix et d'échange, la religion peut faire signe vers l'ouverture d'esprit, la tolérance et l'acceptation de l'autre. Dans des circonstances de tension, de frustration, d'injustice, la religion peut être réinventée au service de l'agression et de la violence restitutive ou réparatrice. Quant à l'histoire, elle consiste en une science entre les mains des interprètes. Ces derniers, souvent avec la plus flagrante mauvaise foi, peuvent la travestir, accentuer dans tous les sens les grands événements du destin historique, mettre l'histoire au service d'une identité agressive ou d'un nationalisme défensif. Tous ces éléments sont indispensables à la formation et au développement de la personnalité d'une nation. Mais il suffit que les circonstances historiques, qui entourent les relations avec l'autre, soient gravement détériorées, pour que ce culte de soi, par la langue, la religion ou l'histoire aille jusqu'à produire les figures extrêmes de la violence, en particulier l'acte terroriste. La culture identitaire peut se voir suractivée par le sentiment de la victimisation que nous avons précédemment évoquée. Cette dernière provient à la fois de faits historiques objectifs, mais également d'une dose certaine de jugements subjectifs qui poussent le groupe à se poser comme la cible d'une injustice, d'un complot, d'une entreprise de domination, d'exploitation ou de destruction. Telle est, aujourd'hui, la situation du monde islamique. Ce dernier est encore sous l'emprise de nombreux complexes, celui du colonisé, celui de l'exclu, du minoritaire, de l'exploité, du vaincu et du dépossédé. De même, les circonstances historiques peuvent faire qu'un peuple ne parle plus qu'en langage intérieur, enfermé sur soi-même. La culture endophasique est tout le contraire de la culture moderne. Si, comme l'affirme Abdallah Laroui, «l'homme moderne est celui qui n'a pas de fonds», l'homme endophasique est celui qui ne regarde que son propre miroir, pour ne voir que sa seule image, avec son propre fonds.
La culture endophasique repose sur un certain nombre d'éléments à combinaisons variables dans le temps et l'espace. Tout d'abord, la certitude d'être dans le droit chemin, celui de la vérité, de détenir cette dernière à titre exclusif. Ensuite, l'exaltation, c'est-à-dire la soumission de la pensée à des modes passionnels de réflexion. Le mode passionnel de réflexion, par l'effet de son aveuglement, donne des motifs très forts pour l'action. Le don de soi devient le sacrifice suprême. Enfin, la sacralisation et la transcendantalisation qui placent toute action, en particulier l'action politique, dans une perspective mythique, en dehors du temps terrestre. Dans cette perspective, le débat politique n'est plus un débat, mais une consécration, puisque la vie est ailleurs, que l'ici-bas n'est rien et que le paradis constitue la récompense pour les seuls justes, c'est-à-dire, en fait, ceux qui tiennent le discours.
Analysant le discours religieux contemporain, dans l'aire de civilisation islamique, Nasr Hamed Abou Zeïd, dans sa Critique du discours religieux (7), analyse avec beaucoup de finesse les mécanismes de ce discours. Il est construit à la fois sur l'amalgame entre la pensée et la religion, sur le rattachement des phénomènes à un principe unique, sur le recours au patrimoine et à l'autorité des anciens, sur l'intolérance et l'anathème, enfin sur le rejet de l'historicité de l'existence humaine. Ses postulats reposent sur la souveraineté absolue du divin et le référentiel exclusif au Texte. Le mode passionnel de raisonnement, que nous venons d'évoquer, repose uniquement sur des a priori. Il n'est pas, épistémologiquement parlant, capable d'admettre ce que Abu Zeïd appelle «historicité», c'est-à-dire le fait que le Coran constitue un texte linguistique, que la langue nous met au cœur de la culture et que le texte, par conséquent, n'est pas détachable de son contexte culturel particulier. Il écrit à ce propos : «Les textes religieux ne sont, en dernière analyse, que des textes linguistiques, en ce sens qu'ils appartiennent à une structure culturelle déterminée, qu'ils sont produits conformément aux lois régissant la culture qui les a vu naître et dont la langue est justement le principal système (8) sémiotique.»
Une entreprise intellectuelle
Aucune culture, en soi, n'est productrice de violence ou de terreur. Ce sont les circonstances particulières qui expliquent qu'une certaine culture peut devenir, à un certain moment de son histoire, un élément d'explication du terrorisme. Ce dernier, par la négativité même de son processus, par le mal et la peur qu'il engendre, participe, objectivement, au rééquilibrage des forces, et au changement de circonstances. Au minimum, il fait prendre conscience qu'une situation anormale et intolérable existe pour certains et que des remèdes de tous ordres doivent lui être trouvés. Au maximum, hypothèse possible, il peut venir à bout de ses adversaires et triompher politiquement. L'histoire lui donne alors raison. Il n'existe pas mille moyens de lutter contre le terrorisme. Le premier, c'est la contre-violence terroriste.
L'actualité de notre monde, en Afghanistan, en Irak, en Palestine, nous montre que cette contre-violence aussi massive soit-elle aboutit à l'impasse, qu'elle est incapable de mettre fin au terrorisme et que, en revanche, elle est susceptible de l'alimenter et de le renforcer.
Le deuxième consiste à aller vers sa source explicative, en vue d'établir plus de justice économique, sociale, politique, culturelle, au niveau des relations internationales. Il s'agit là d'un impératif qui consiste à la fois à agir sur les causes profondes du terrorisme et, parce que la paix procède toujours et nécessairement d'une négociation, à se soumettre aux conditions et revendications du terroriste, tout simplement parce que ces dernières ne constituent pas systématiquement des aberrations. Pour lutter contre le terrorisme avec efficacité, il est nécessaire de prendre conscience que ce dernier peut avoir de bonnes raisons d'agir comme il le fait.
Le troisième consiste à développer la contre-culture terroriste. Comme le recommande l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : «La culture sous tous ses aspects — art, patrimoine, religion, médias, science, enseignement, jeunesse et sport — peut jouer un grand rôle pour prévenir le développement d'une mentalité terroriste, pour dissuader les terroristes éventuels et pour les couper de tout soutien plus vaste. Son importance à cet égard est néanmoins fréquemment sous-estimée.»
(Recommandation 1687.2004. précitée). Cette contre-culture terroriste peut s'accomplir par la lutte contre les préjugés de toutes sortes, le combat contre la culture identitaire et endophasique, le développement de l'esprit critique et de la relativité, l'abolition des certitudes absolutistes et absolutoires, l'encouragement de l'esprit philosophique, l'ouverture sur l'autre et la tolérance. Seule une politique culturelle ouverte, scientifique, critique, rationnelle et relativiste peut réellement venir à bout de la culture terroriste. La lutte contre le terrorisme n'est pas une simple affaire de militaires et de policiers. C'est une très vaste entreprise intellectuelle.
– Notes de renvoi :
– 4) Abdelwahab Meddeb, La maladie de l'Islam, Seuil, 2002, 18.
– 5) François Burgat, L'islamisme à l'heure d'Al Qaïda. La Découverte, 2005, Pp.199 et 200.
– 6) Ibid.
– 7) Nasr Hamed Abu Zeïd, Critique du discours religieux, Sindbad-Actes-Sud, 1999. Essais traduits de l'arabe par Mohamed Chairet.
– 8) Op.cit, p. 63.
L'auteur est Professeur à l'université de Carthage,
membre de l'Institut de droit international


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