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Lignes ambiguës
Publié dans El Watan le 04 - 10 - 2007

Ces dernières années, la critique littéraire alimente les débats et pose le problème de la subjectivité marquant la recension des textes. A moins d'un mois du Salon du livre, il serait peut-être bienvenu de défricher ce sentier. Il est très peu aisé de parler de critique journalistique en Algérie où il n'a presque pas existé de journaux littéraires et revues universitaires. Depuis l'indépendance, ces dernières sont trop peu fréquentes. Des revues culturelles généralistes ou certaines publications éphémères ont bien vu le jour et ont consacré des pages à la littérature, mais leur regard restait superficiel dans la mesure où elles fonctionnaient comme des espaces hétéroclites sans objectifs précis ni démarche éditoriale claire. Cette réalité ambiguë va se retrouver également dans les pages culturelles des journaux qui, souvent, ont dû suppléer à l'absence de revues universitaires et de périodiques thématiques. Mais peut-on parler d'une véritable critique journalistique dans un pays où la production littéraire se caractérise par une insuffisance chronique ?
Des remarques s'imposent d'elles-mêmes : souvent, nous avons affaire à des critiques de type universitaire ou spécialisée dans des quotidiens qui, en principe, fonctionnent comme des espaces instantanés et des lieux où l'immédiateté est de rigueur. Le contexte lacunaire et anomique d'une société et d'une université quelque peu en panne va pousser, au départ, certains journaux à créer des suppléments culturels et d'autres à ouvrir leurs pages culturelles aux contributions universitaires. Ainsi, critique journalistique et critique universitaire se côtoient étrangement dans un espace, en principe, peu ouvert à l'austérité du langage universitaire. N'ayant pas de supports spécialisés où publier, de nombreux universitaires interviennent dans les pages culturelles des journaux. Leurs «contributions» que souvent aucune indication ne distingue des autres articles, reproduisent des grilles et des termes techniques inaccessibles à la plupart des lecteurs. Cette situation va amener la presse à une série de confusions des prérogatives et fonctions des titres généralistes, tout à fait différentes de celles de la revue universitaire et aux logiques radicalement opposées, car elles ne ciblent pas le même public et ne poursuivent pas la même finalité ni la même démarche.
Il faut savoir cependant que plusieurs journaux à grand tirage n'ont pas de pages culturelles. Quand elles existent, l'espace littéraire occupe souvent une place trop peu importante.
Les organes de presse algériens, surtout depuis 1990, marginalisent généralement la rubrique culturelle. La programmation n'est pas rationnelle. Les comptes rendus de livres sont souvent faits à l'initiative du journaliste. Il est vrai que l'édition de romans, de poésies ou de travaux universitaires sur la littérature demeure limitée. L'OPU publie trop peu de textes, d'ailleurs souvent mal pris en charge. Il n'existe aucune politique de promotion du livre.
Cette situation ne favorise pas l'éclosion d'une critique sérieuse. Il faut ajouter à cela que souvent, les articles sur les livres sont écrits par des journalistes licenciés en lettres françaises ou en langue arabe qui reprennent parfois systématiquement les termes techniques de leurs anciens enseignants. Par ailleurs, la faible maîtrise des techniques d'écriture journalistique pose sérieusement problème. Un compte rendu d'agence, de quotidien, d'hebdomadaire, de mensuel ou d'une revue universitaire n'obéit nullement aux mêmes règles. La périodicité des publications détermine aussi les styles journalistiques. En Algérie, les livres, objet de la critique, peuvent être anciens, c'est-à-dire n'obéissant pas aux impératifs de l'actualité, comme d'ailleurs les entretiens ou études. La matière littéraire ne fait pratiquement jamais la «une» d'un quotidien ou d'un hebdomadaire. Elle se trouve souvent presque dissimulée dans les «profondeurs» des pages du journal. Les textes se caractérisent souvent par des jugements de valeur, des phrases toutes faites ou des formules tellement poétiques qu'on oublie l'essentiel : l'information. On a aussi affaire à des critiques-juges qui ne s'embarrassent pas de formules abruptes, telles que «livre bien écrit», «poème manquant de force» (notamment dans des rubriques où on juge les textes de lecteurs), et d'une multitude d'expressions adjectivales surinvestissant davantage le discours.
Le verbe «Devoir»
Avant 1988, quelques journaux avaient leurs suppléments culturels. On peut citer Echaâb et El Moudjahid. Ou de rares journaux et revues qui s'occupaient exclusivement de culture et de littérature : Ettabyin, El Kitab ou El Moudjahid Ettaqafi, Promesses, Novembre (quatre numéros publiés après l'indépendance sous la direction de Mohamed Boudia avec mise en page de Mohamed Khadda). Des signatures de renom avaient pignon sur colonnes. On ne peut oublier les expériences d'Algérie-Actualité et de Révolution Africaine qui avaient des critiques littéraires attitrés et donnaient la possibilité à deux ou trois journalistes de lire le même texte. Ainsi, avait-on affaire à une lecture plurielle. Algérie-Actualité a vraisemblablement fabriqué l'une des meilleures rubriques culturelles depuis l'indépendance avec des journalistes ouverts à la littérature algérienne d'expressions arabe et française. Cette critique bilingue, pour reprendre Khatibi, tentait d'interroger le texte dans sa complexité, c'est-à-dire comme un espace littéraire et esthétique sans éviter de cerner les conditions sociales et politiques de l'activité littéraire.
L'absence ou l'irrégularité des rubriques culturelles ne permet pas une approche sereine de la critique journalistique, souvent assurée par des journalistes qui écrivent en même temps sur des secteurs éloignés de la littérature et même de la culture en général. Ce manque de spécialisation, et donc d'expérience des rédacteurs à la critique, limite la portée des «papiers» souvent peu fouillés et manquant dramatiquement d'informations. Les journalistes insistent surtout sur le contenu politique et idéologique et occultent, par méconnaissance de l'espace littéraire, les contours des écritures. Sur 200 articles de la période 1972-1980 (El Moudjahid, Révolution Africaine, Echaâb), relus par nos soins pour les besoins d'une recherche, plus d'une centaine se limitent à une lecture schématique du discours idéologique (avec en prime de nombreux clichés et stéréotypes tirés du discours politique de l'époque). Le verbe «devoir» revient plus de 200 fois !
Nous avons souvent affaire à une critique à fleur de peau, émaillée de jugements de valeur, qui répond rarement aux questions et aux attentes précises du lecteur : récit, parcours des personnages, auteur, édition… Certes, des journalistes, trop peu nombreux, arrivent à produire des critiques où les informations élémentaires sont fournies. Notre regard sur la presse montre que le travail d'avant 1988, malgré le peu de journaux existant alors, était mieux construit. Les analyses et comptes rendus littéraires étaient plus fréquents. Chaque journal avait son «critique» attitré. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui où souvent les journaux reproduisent les schémas et les événements littéraires développés en France ou en Egypte. Ainsi, les livres d'Algériens édités à l'étranger sont mieux pris en charge que les ouvrages parus en Algérie. Yasmina Khadra, Sansal ou Mosteghanemi ont même pu occuper la «une» de quelques journaux parce qu'ils ont été édités à l'étranger et mieux couverts ailleurs. C'est une critique médiatisée, c'est-à-dire espace de reproduction du discours de l'Autre, s'inscrivant dans sa logique. D'ailleurs, on reprend même parfois les préoccupations du journal français ou proche-oriental. Ainsi, ce jeu du voile, reproducteur d'une parole, n'est pas propre à la critique journalistique, mais marque souvent l'universitaire, trop peu informé de l'actualité littéraire et prisonnier du directeur de recherche et de grilles et d'appareils critiques utilisés sans recul ni tentative d'adaptation. Lire un texte, c'est forcément investir sa propre subjectivité et y intégrer des éléments personnels, sa formation, son empreinte idéologique…
L'ORDRE DE L'EMOTION
Certes, tout cet appareillage apporte un éclairage nouveau à l'acte de lire, mais ne peut servir de lieu «scientifique», d'autant que l'œuvre littéraire est un objet trop complexe et trop multiforme.
La critique journalistique et universitaire, espace privilégié où se cristallise la subjectivité de l'individu, n'a pas d'appareil scientifique. Barthes a raison d'inviter le critique à assumer pleinement sa subjectivité. Certes, le critique journalistique et critique universitaire se rejoignent au niveau des jeux ludiques de l'écriture. La relation avec le texte littéraire est d'abord de l'ordre de l'émotionnel et de l'affectif. Sartre, qui a énormément marqué Barthes, se méfiait de ceux qui sanctifient l'œuvre littéraire en faisant appel à un outillage dit scientifique, rejoignant ainsi inconsciemment la critique positiviste du XIXe siècle, même s'ils déifient l'immanence du texte, d'ailleurs espace des textes sacrés. Il fustige ceux qui, à force de traiter «les productions de l'esprit avec un grand respect qui ne s'adressait autrefois qu'aux grands morts risquent de les tuer» (Situations II).
De nos jours, la critique devient l'alibi de l'écriture, d'autant plus qu'il n'est nullement possible de définir l'objet de la critique comme faisant partie du domaine de la connaissance, mais, dans les deux actes de lecture, se retrouve une pratique active de l'interprétation. Cette relation subjective a atteint son paroxysme avec Emile Zola qui animait dans le journal Bien Public une rubrique littéraire et dramatique intitulée «Livres à ne pas lire», dénomination adoucie, après de virulentes protestations, en«Livres que je n'ai pu lire». L'idée de plaisir est donc présente dans la relation avec l'œuvre littéraire.
Qu'est-ce donc la critique journalistique, si ce n'est une expérience subjective mettant en avant la dimension informative et privilégiant souvent une relation de bon voisinage avec le texte littéraire ? La relation avec le texte littéraire reste trop traversée par une série de médiations qui apportent un surplus de subjectivité à l'acte de lire. Barthes parlait de plaisir du texte. Est-il possible de rêver à une critique littéraire de qualité en Algérie qui ne se réduirait pas à la dimension politique ni à la reproduction de discours étrangers sur notre propre littérature, avec clichés, stéréotypes et regard exotique en prime ?


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