La demeure de Frantz Fanon, située au sein de l'hôpital portant son nom, sera transformée en musée afin de préserver la mémoire d'un psychiatre qui a été le précurseur de l'humanisation de la pratique de la psychiatrie en Algérie et un farouche combattant contre le colonialisme et l'humiliation de l'homme. La nouvelle a été annoncée officiellement, samedi, par Dahmane Khaled, président de l'association des Amis du Musée Fanon (AMF), lors d'une rencontre consacrée à ce psychiatre engagé, au jardin de la demeure, à l'occasion du 57e anniversaire de son décès. «La demeure de Frantz Fanon connaîtra des aménagements pour la transformer en musée à la mémoire d'un psychiatre qui a beaucoup donné à la Révolution algérienne et à la cause des colonisés», a-t-il déclaré. Et de poursuivre : «Pour cela, nous avons besoin d'aide pour concrétiser un projet tant espéré. La demeure de Frantz Fanon est tout un symbole. Et pour cela, nous devons préserver son cachet et son âme. Un musée ça raconte l'histoire, et il est de notre devoir de rester fidèle à l'histoire.» Dahmane Khaled, ancien infirmier, n'a pas connu Frantz Fanon, mais il a exercé ses fonctions au moment où l'esprit Fanon était toujours présent, où ses disciples étaient encore en exercice. «Malheureusement, la nouvelle génération ne connaît presque rien de Frantz Fanon, regrette notre interlocuteur. Le musée dédié à ce psychiatre, qui s'est fortement impliqué dans la Révolution nationale est une affaire de tous. Toute personne ou institution ayant un ouvrage, objets, manuscrits, photos se rapportant à Fanon est appelée à faire don au musée pour honorer et mieux faire connaître un psychiatre combattant ayant farouchement défendu la cause des plus faibles. Fanon, ou le psychiatre humaniste Lors de la rencontre, la parole a été donnée à deux infirmiers ayant travaillé directement avec Frantz Fanon. Dahmane Mokhtar a commencé à travailler au sein de l'hôpital psychiatrique avant même la venue de Frantz Fanon. Il se rappelle de ces malades qui étaient ligotés, maltraités et mal vus, leur maladie était synonyme de danger et de honte. «Mais tout a changé avec l'arrivée de Fanon. Ce qu'on appelait les malades mentaux étaient traités humainement et insérés dans la société. Il a introduit l'ergothérapie et les activités sportives pour dire que ces personnes, qui étaient considérés comme des incapables, puissent s'imposer comme les autres considérées comme… normales !», se rappelle-t-il. Etant un joueur de foot, il a été chargé par Fanon d'organiser des compétitions pour les malades de l'hôpital psychiatrique. «Les malades étaient alors considérés comme des humains à part entière. Ils jouaient, ils sortaient faire un tour à l'extérieur, ils accomplissaient plusieurs tâches dans le cadre de l'ergothérapie. Bref, Frantz Fanon a révolutionné la psychiatrie et mérite aujourd'hui tous nos hommages.» L'historien Mohamed Cherif Sidi Moussa, chef de département de l'histoire à l'université Blida 2, annonce qu'un programme spécial Fanon est en cours de préparation pour l'enseigner aux étudiants de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Dans ce sens, un intervenant regrette le fait que l'éducation nationale n'ait pas prévu de faire connaître l'auteur des Damnés de la terre aux élèves. Une enseignante de français réplique : «Nous utilisons souvent ses textes dans les examens. Une manière de promouvoir ses pensées auprès des élèves.» Dr Françoise Jay-rayon, médecin de profession, rappelle que Frantz Fanon est enseigné un peu partout en Europe pour ses pensées humanitaires et universelles. Djillali Selimi, ayant côtoyé Fanon à l'hôpital, insiste sur son côté révolutionnaire. «Il faisait en quelque sorte un lavage de cerveau aux jeunes afin qu'ils rejoignent leurs frères de combat au maquis et défendre une cause plus que juste.»