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Avril 1980, université de Tizi Ouzou : Qui a donné l'ordre de déclencher la répression ?
Publié dans El Watan le 30 - 04 - 2010

Hamimi Naït Abdelaziz. Chef de la sûreté de la wilaya de Tizi Ouzou
(1977- 1984) : «Khediri ne voulait pas se compromettre»
– Dans le livre-témoignages qui vient de sortir, Avril 80, l'ancien directeur général de la sûreté nationale, El Hadi Khediri, affirme vous avoir «donné l'ordre de suspendre l'évacuation du centre universitaire de Tizi Ouzou, mais quelques heures plus tard, l'ordre d'évacuer vous a été donné par un autre canal». De quel «canal» s'agit-il exactement ?
Je tiens à préciser que je réfute catégoriquement les allégations de l'ancien DGSN, El Hadi Khediri, mon supérieur en 1980. Khediri a décidé de me muter à Tizi Ouzou en 1977, sous de faux prétextes, dans le but d'«assainir la Kabylie, car elle était le berceau des problèmes politiques», comme il se disait à l'époque dans les sphères sécuritaires. Mais connaissant cette région où je suis né, je savais pertinemment qu'il n'y avait aucun problème politique, excepté quelques tentatives d'expression berbère considérées, à l'époque, comme taboues. Le jour de la conférence que devait donner le professeur Mouloud Mammeri au centre universitaire de Tizi Ouzou, (le 10 mars 1980), j'ai appelé mon supérieur, El Hadi Khediri, afin de l'informer, car s'agissant de la culture berbère, interdite d'expression l'époque, j'ai pensé qu'il fallait signaler cet événement, car on risquait de l'interdire. Et c'est ce qui s'est passé.
– Mais qui a donné l'ordre d'interdire la conférence de Mouloud Mammeri ?
Lorsque j'ai contacté Khediri, je lui ai dit : «Vous qui êtes proche du président de la République (Chadli Benjedid), faites en sorte que Mammeri donne sa conférence, sinon la situation sera incontrôlable.» J'ai tenu les mêmes propos au wali de Tizi Ouzou, Hamid Sidi Saïd. A ce moment-là, Khediri m'a demandé d'intercepter Mammeri à Draâ Benkhedda pour, soi-disant, le conduire au wali dans le but de lui demander d'essayer de calmer les esprits. Par la suite, j'ai appris que la conférence a été interdite sur ordre du wali. C'était trop tard. Mais cette décision n'était pas uniquement l'œuvre du wali, car ce dernier était manipulé par le mouhafedh Bourezem, du FLN, également président du bureau de coordination de la wilaya de Tizi Ouzou. Le wali avait des pouvoirs discrétionnaires dont il n'a pas usé, préférant obéir aux instructions du FLN. J'ai essayé à plusieurs reprises de contacter le DGSN Khediri. En vain. Il ne répondait pas à mes appels parce qu'il ne voulait pas se compromettre. Il avait sous-estimé la situation.
– Qui a décidé de l'évacuation du centre universitaire ?
Jusqu'au soir du 19 avril, j'ignorais que l'université allait être évacuée. Mais tard dans la nuit, Khediri m'a téléphoné pour me demander d'intercepter les membres du bureau de coordination de Tizi Ouzou qui venaient de quitter Alger, porteurs d'instructions concernant l'évacuation de l'université. Il fallait que je dise au wali de ne rien entreprendre avant de lui communiquer de nouvelles instructions émanant du président Chadli. J'ai transmis ce message au wali, en présence du mouhafedh. Ce dernier s'est aussitôt saisi du téléphone pour rendre compte à sa hiérarchie – la direction du parti – puis a passé le combiné au wali pour parler avec les responsables du FLN.
Après avoir raccroché, le wali a téléphoné à Khediri pour l'informer que l'ordre d'évacuation de l'université venait d'être confirmé par «l'autre canal», en l'occurrence le FLN. J'ai voulu défendre la thèse du report de l'évacuation en expliquant que, matériellement, je n'étais pas prêt pour l'opération. Sans succès. Devant ma prise de position pour reporter l'évacuation, le bureau de coordination a eu l'idée de remplacer la police par la Gendarmerie nationale. J'ai à mon tour contacté ma hiérarchie afin de l'informer que «l'autre canal» a pris la décision d'évacuer le campus universitaire. Je n'ai eu aucun commentaire de Khediri.
Ce même responsable, aujourd'hui, parle de torture. A ce propos, je tiens à préciser que la police n'a jamais pratiqué ce genre d'acte, du moins du temps de mon service. D'ailleurs, après avoir reçu les trois unités des compagnies nationales de sécurité (CNS) envoyées d'Alger par le DGSN, j'ai pris la décision de les désarmer à son insu afin d'éviter le pire. La catastrophe a été, heureusement, épargnée grâce aux négociations que nous avons entreprises avec les étudiants, sans l'intervention de Khediri, qui était à Alger, ni du wali, ni du mouhafedh réfugié dans une caserne militaire.
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– El Hadi Khediri. Directeur général de la sûreté nationale (1977-1987), ancien ministre de l'Intérieur : «J'ai reçu une instruction du Premier ministre pour évacuer l'université»
– Dans votre témoignage dans l'ouvrage Avril 80, vous avez évoqué un «autre canal» qui aurait donné l'ordre d'évacuer le centre universitaire de Tizi Ouzou en avril 1980. De qui s'agit-il exactement ?
Une chose est sûre : la conférence que prévoyait de tenir Mouloud Mammeri a été annulée par les autorités locales. Le wali Hamid Sidi Saïd n'a donné aucune explication suite à cette décision qui n'avait pas lieu d'être. Ceux qui ont censuré l'écrivain ne connaissaient certainement pas ses écrits, car cet intellectuel n'avait d'autres intentions que de présenter la poésie kabyle ancienne au sein du centre universitaire. Quant au «canal» que vous venez de citer, je ne voulais viser personne, même aucune institution quelconque, hormis les autorités locales qui sont à l'origine de cette interdiction et du déclenchement de la protestation par les étudiants rejoints, par la suite, par les lycéens et la population.
– Comment s'est passée l'évacuation du centre universitaire de Tizi Ouzou ?
Après l'interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri et la réaction des étudiants qui devenait de plus en plus ingérable, j'ai reçu une instruction de la part du Premier ministre (ndlr Mohamed Benahmed Abdelghani), avalisée par le président de la République, d'évacuer le centre universitaire de Tizi Ouzou. Conformément à la règle, j'ai pris attache avec le commissaire Naït Abdelaziz afin de lui recommander de passer à l'évacuation. Il faut dire que le commissaire n'était pas d'accord avec cette alternative, mais il devait exécuter quand même les ordres de sa hiérarchie. De mon côté, j'ai jugé judicieux d'envoyer des unités de la Compagnie nationale de sécurité (CNS), désarmées, afin d'éviter ce qu'on appréhendait, à savoir les morts. Pour superviser l'opération d'évacuation, j'ai tenu à être en communication permanente avec Naït Abdelaziz, car il y a eu des moments très délicats, notamment lorsque la population s'est solidarisée avec les étudiants à Draâ Ben Khedda. C'était une population complètement acquise à la rumeur. On parlait de morts et de viols, alors que rien n'a été prouvé, car les policiers ont su garder leur sang-froid en dépit de la manipulation dont faisaient l'objet les étudiants.
– «Parmi les points noirs de toute ma carrière, la question de la pratique de la torture continue d'interpeller ma conscience. Elle a été pratiquée de tout temps, et singulièrement durant le Printemps berbère et Octobre 88. Après les tortures d'avril 1980, dont j'ai été informé bien plus tard, j'ai veillé à en limiter les dégâts». Dans ce passage que vous avez cité dans le livre en question, vous reconnaissez quand même la pratique de la torture en avril 1980…
Lorsque j'ai employé ce terme, en l'occurrence «torture», je n'insinuais pas le système de la torture connue de la période coloniale, pratiquée avec la méthode de l'eau savonneuse et l'électricité. Ce que j'ai qualifié de torture, ce sont quelques dépassements de certains policiers contraints d'user de la violence afin de faire face à la colère des étudiants. La torture n'a jamais été pratiquée dans les locaux de la police. En revanche, ce que je regrette aujourd'hui, c'est l'interdiction de la conférence de Mammeri. On aurait pu discuter avec ce grand chercheur et lui exprimer nos craintes face aux idées subversives. Un second regret me ronge également, c'est le fait d'avoir fait part de mon témoignage dans l'ouvrage Avril 80, car la réaction des gens a été plus violente que je m'attendais.


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