Plus de pain à Belouizdad ; plusieurs boulangeries de ce quartier populaire ont fermé boutique. Comme s'ils s'étaient donné le mot, les boulangers ont fermé tous, ou presque jeudi dernier. « C'est tout le quartier qui s'en trouve touché. Toutes les boulangeries de la rue Belouizdad, une bonne dizaine, ont baissé rideau. Les gérants ont tous décidé de s'offrir un congé le même jour, aucun d'entre eux n'a pris la peine d'en informer les clients ; pas d'affiches, rien. Ce client qui les fait vivre, ils lui doivent du respect », se plaint Mahmoud. Habitant à la rue Nacera Nounou, ce jeune est « obligé » de faire ses achats tôt le matin chez les boulangers de la place du 1er Mai. « C'est incroyable comme on peut régresser. Cette situation me rappelle les années de pénurie, il ne manquerait au décor que les chaînes devant les magasins. Cela ne va pas tarder à arriver, j'en suis convaincu », poursuit-il en affirmant que même la plus ancienne boulangerie, dont on taira le nom, a fermé. Son ami, Zinou, qui habite rue Rouchaï Boualem, est tout aussi « incommodé » par cette situation qui intervient durant la saison estivale. « Ces gens sont intraitables. Qu'ils décident de fermer et partir en congé c'est leur droit, personne ne leur en voudrait mais pas tous, en même temps », s'indigne-t-il en faisant remarquer que les autorités doivent mettre de l'ordre dans ce secteur d'activité. Un gérant d'une gargote de la rue Aïssat Idir qui s'approvisionne chez ces boulangers est plus cassant : « Ces boulangeries ferment parce que les contrôleurs de la DCP devaient passer. Je soupçonne, assure-t-il, une complicité entre eux. Ils leur disent de fermer pour ne pas être verbalisés. » Les employés de cette gargote sont souvent obligés de partir l'après-midi à Alger-Centre pour s'approvisionner. « Mais là aussi, les gens ne s'en sortent pas mieux », fait remarquer le gérant. A la direction du commerce, l'on nous affirme que les boulangeries, comme toutes les autres activités commerciales, sont contrôlées sur toute l'année et à toute heure de la journée. « L'argument de personnes qui seraient de mèche est fallacieux. La centaine d'agents de la direction sortent à tout moment et font leur sortie, sans en informer personne », nous indique une source à la DCP d'El Biar. Pour les horaires de fermeture, notre interlocuteur nous affirme qu'un planning des fermetures annuelles est fait de concert avec l'APC compétente. « Pour les boulangeries, c'est aux APC que revient la décision de faire un planning de fermeture annuelle », relève-t-il. Contacté le P/APC de Belouizdad, M. Agoun, tient à rassurer la population : « La situation est maîtrisable. Il y a suffisamment de boulangeries pour pouvoir subvenir aux besoins de la population. Nous ne tarderons pas à faire un planning avec les responsables de l'UGCAA. » Il n'en demeure pas moins que les boulangers ont pris,à contre pied, les responsables communaux et décident « d'eux-mêmes » de fermer sans que l'APC intervienne. Les gérants invoquent leur « bonne foi » et toutes les tracasseries qu'ils subissent. Tout en prenant le parti de ses collègues, M. Boulanine, ancien membre du comité national des boulangers, affilié à l'UGCAA, indique que les boulangeries ferment toute l'année, « pas seulement pour cause de congé, mais pour des raisons économiques. Ce n'est pas avec 7,50 DA la baguette qu'ils peuvent s'en sortir et continuer d'activer ». Boulanine met en avant la présence de boulangeries clandestines. « Ce sont eux qui écoulent leur marchandise sans qu'ils soient gênés. Tout ce qui se vend sur les trottoirs est produit dans des garages clandestins, mais aucun ne semble s'en soucier. » Le citoyen ne trouvant où acheter se rabat sur ces « clandos du pain ».
