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Les obsessions d'une gestion post-révolutionnaire
Publié dans El Watan le 24 - 10 - 2010

Mais pose-t-on toujours le bon problème, les bonnes questions ? Et si notre pays ne pouvait se comprendre qu'à travers l'héritage contrasté de sa révolution, la question peut paraître étonnante, pourtant nous pensons qu'elle détient des clefs de compréhension surprenantes. L'ordre et la concorde, voilà deux maîtres mots qui pourraient nous en dire un peu plus sur les flots d'incompréhension au travers desquels nous naviguons chaque jour dans une Algérie confrontée à ses soubresauts nationaux et, à la surprise générale, au plan international. La raison a parfois ses mystères que la raison même ne peut résoudre.
Les observateurs algériens, opérateurs économiques ou intellectuels se désespèrent souvent de ne plus rien comprendre à la logique que sous-tend le système dans lequel ils évoluent bon gré, mal gré. Là où ils souhaiteraient de la dérégulation, ils obtiennent en retour des lois de finances et des lois de finances rectificatives ou complémentaires des plus contraignantes, et là où ils revendiquent d'autres formes de régulation plus en adéquation avec les attentes des milieux d'entrepreneurs (ce que l'on appelle de la «soft law» constituée essentiellement de normes professionnelles), ils décrochent à l'inverse un durcissement de la «hard law».
La frustration, pour ne pas dire plus, des acteurs économiques et du citoyen décuple lorsque ces derniers ont le malheur de comparer la situation algérienne à celle d'autres pays, d'autres systèmes, d'autres modèles… de désenchantements en désenchantements chacun aura le loisir de constater que «comparaison n'est pas raison». Dans le champ économique et politique, la régulation peut se définir comme étant l'ensemble des règles que l'Etat met en place pour conduire ou orienter le fonctionnement de l'économie.
En Algérie, cependant, la question, en substance, est toujours la même : pourquoi n'adopte-t-on pas des formes de régulation en usage ailleurs et propre à maintenir une certaine forme de stabilité et d'efficacité économique, conforme à ce que le pays et ses citoyens sont en droit d'attendre dans le fonctionnement du système au sens large ? Les raisons d'une telle incompréhension sont multiples. Nous pensons cependant qu'elles ont un socle commun qu'il est utile de mettre à jour avant toute réflexion transformatrice : en Algérie, la régulation est d'abord à la recherche de l'ordre avec une conception «napoléonienne» de la stabilité propre aux périodes post-révolutionnaires.
L'ordre et la stabilité avant tout
Au lendemain de son indépendance, acquise au prix d'une lutte armée, les Algériens participent à l'avènement d'une République avec un esprit révolutionnaire qui préside à toutes les actions constituantes. En effet, du congrès de la Soummam aux schémas régulatoire puis socialiste, les choix algériens sont d'abord et toujours des choix d'essence révolutionnaire et post-révolutionnaire. L'œuvre constitutionnelle et juridique algérienne, même si elle provient en partie d'inspirations diverses (française, socialiste, nord-américaine), comme c'est le cas partout depuis le XVIIe siècle, relève dès ses origines d'une effervescence et d'un enthousiasme propres aux grandes périodes révolutionnaires qu'ont connues de nombreux pays.
Qu'il s'agisse de la Révolution française de 1789, de la déclaration d'indépendance américaine, de la révolution soviétique ou chinoise, des guérillas cubaines ou des luttes armées indochinoise, vietnamienne et sino-vietnamienne… toutes ces conquêtes — et les défaites coloniales ou de classe qui y sont associées — ont vu émerger des migrations de régimes vers des systèmes pro-révolutionnaires plus ou moins modérés.
Toutes ces périodes ont vu également s'installer des luttes de chefs et de leaderships annonciatrices d'un pouvoir prospère pour les uns et d'une mise en quarantaine pour les autres. Les clans, les clubs, les jacqueries, les lobbies, les nomenklaturas… s'organisent et structurent progressivement un corps de règles à la mesure de leur projet de société, de leur projet politique, de leur projet économique et social. Les plus déterminés l'emportent souvent sur les plus conciliants, laissant aux jacqueries modérées la portion congrue du pouvoir (de faire et de dire).
Bientôt, toute forme d'opposition est en passe de figurer au rôle d'agitateur du peuple et de la chose publique : la guillotine pour les uns, la chasse aux sorcières pour les autres, les goulags encore, sans oublier les arrestations arbitraires et les procès sommaires dont seront friandes les périodes post-révolutionnaires qui ont avant tout peur d'un retour à l'ancien régime (le retour au pouvoir d'une classe sociale ou l'avènement d'une forme préjudiciable de néo-colonialisme). Ce qui caractérise avant tout les périodes post-révolutionnaires, c'est cette idée insidieuse que la «patrie est en danger», qu'elle est une «proie facile» à l'échelle internationale et qu'en son sein s'agitent des forces naissantes et velléitaires susceptibles de l'ébranler.
En Algérie, ce sentiment de porosité des frontières, de fragilité du socle de l'indépendance et d'asthénie des institutions et du destin même de la nation est congénital ; autrement dit, il est lié à la naissance même de notre indépendance. Contrairement à la déclaration d'indépendance américaine du 4 juillet 1776, par laquelle 13 colonies britanniques situées en Amérique du Nord font sécession du Royaume-Uni, mentionnant notamment : «L'histoire du roi actuel de Grande-Bretagne est l'histoire d'une série d'injustices et d'usurpations répétées, qui toutes avaient pour but direct l'établissement d'une tyrannie absolue sur ces Etats» (…) et que «tout lien politique entre elles et l'Etat de la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous», l'indépendance de l'Algérie est portée dès l'origine par un texte (les accords d'Evian) co-signés entre parties belligérantes qui fragilise en sa base notre propre «déclaration d'indépendance ».
Ainsi, ces accords mentionnent bien que «L'Etat algérien exercera sa souveraineté pleine et entière à l'intérieur et à l'extérieur», mais indiquent également que «l'Algérie garantit les intérêts de la France et les droits acquis des personnes physiques et morales», que «les intérêts français seront assurés notamment par (…) La préférence, à égalité d'offre, aux sociétés françaises dans l'octroi de nouveaux permis miniers», que «l'Algérie concède à bail à la France l'utilisation de la base de Mers El Kébir pour une période de quinze ans, renouvelable par accord entre les deux pays», ou encore que «l'Algérie concède également à la France l'utilisation de certains aérodromes, terrains, sites et installations militaires qui lui sont nécessaires».
Le processus révolutionnaire algérien ne connut donc son terme que bien après le 18 mars ou le 5 juillet 1962. Une des conséquences frappantes, moindres s'il en est, est celle du plan stratégique de participation (PSP) algérien inspiré du modèle canadien et momentanément gelé. Ce plan visait à atteindre 100% de numérotation foncière (les communes cadastrées ne dépassent pas actuellement les 10%).
Or, les antennes du cadastre ne possèdent pas encore de bases de données permettant d'achever les livrets fonciers reléguant jusqu'à ce jour les fonctionnaires algériens aux seuls plans obsolètes du senatus consulte en date du 22 avril 1863 (révisé par la loi foncière du 26 avril 1887) dont l'objectif était surtout de substituer aux tribus berbères de nouvelles circonscriptions administratives, les douars divisés en melk, arch, terres communales et terres domaniales héritées du beylik turc. Sans oublier l'impossibilité de comptabiliser effectivement les amortissements dans la comptabilité publique (dans le cadre du plan comptable de l'Etat) pour la bonne et simple raison que l'opération relative à l'inventaire des biens de l'Etat confiée à la direction centrale des Domaines n'est pas encore achevée.
Cela résume en partie le flou de la situation du foncier en Algérie rendant accessoirement le PSP impossible à réaliser… mais surtout rendant la maîtrise des espaces et des territoires peu conforme à l'idée que l'on se fait habituellement de la souveraineté dans la gestion foncière. Les Algériens ont vécu et vivent encore toutes ces failles dans leur processus historique, intervenues dans la genèse même de leur République. Assez vite cependant, ou moins vite dans d'autres cas, les assises «constituantes» et «législatives» des nouvelles Républiques mettent un peu d'ordre dans tout cela : on institutionnalise nos modes de fonctionnement, on crée des assemblées, on structure le pays, on le régionalise, on se dote d'infrastructures, d'une défense militaire, d'une sécurité civile, d'un corps diplomatique, d'une administration à compétence liée ou discrétionnaire, d'un système financier accompli et efficace, on harmonise le droit et ses applications, on organise les libertés individuelles et collectives, on pose une égalité de droit, la propriété est garantie, la participation à la vie publique et civique est protégée, on progresse dans la mise en place d'une justice éliminée de ses scories, on rédige des codes dignes de ce nom, on contrôle la stricte application des lois, on construit un contrat social… et cela sans cesse au fur et à mesure que la révolution ne se sent plus menacée, ni en son sein ni dans ses frontières.
La crainte immodérée des complots, des soubresauts sociaux et des crises endémiques laisse progressivement place à la réflexion, la planification et la régulation. L'effervescence aveugle au matin des révolutions prend un cours plus constructif au soir des post-révolutions.
L'histoire de nos institutions n'échappe pas à la règle. Le défunt président Boumedienne prend rapidement la mesure de l'urgence institutionnelle et construit les premières étapes de notre développement oscillant tour à tour entre tiers-mondisme et socialisme, entre stabilité, ordre et régulation. A dire vrai, Boumedienne est d'abord séduit par les théories de la régulation que développe le professeur François Perroux sous l'influence de l'économiste John Maynard Keynes, de certains sociologues tels Alain Touraine, Anthony Giddens et Pierre Bourdieu, ou des historiens de l'Ecole des annales (Georges Duby, Fernand Braudel), théories qui sont propres à remettre les rapports sociaux au centre de l'analyse économique et à renouveler ainsi l'économie politique dont l'Algérie avait cruellement besoin.
Boumedienne perçoit alors fort justement que ces modèles sont susceptibles d'apporter à l'Algérie un mode de gouvernance qui lui serait propre compte tenu de son histoire, de ses valeurs, de ses ambitions. François Perroux est à cette époque moins disponible que son disciple Gérard De Bernis, ce dernier devenant finalement celui qui sera source inépuisable de conseils auprès du défunt Boumedienne.
Ce que l'histoire omet parfois de mentionner, c'est que Gérard De Bernis, père de l'«industrie industrialisante» au point de rencontre d'une théorie du développement et d'une analyse originale du capitalisme en termes de régulation, quittera progressivement l'Ecole de la régulation pour s'enfouir corps et âme dans une posture marxiste radicale, brisant du même coup son lien d'amitié avec son directeur de thèse François Perroux… et son influence sur l'Algérie. Il serait incorrect dès lors de penser que De Bernis fut le maître d'œuvre d'un modèle marxiste en Algérie. Notre pays n'ayant jamais complètement opté pour l'un ou l'autre modèle en son entier (capitalisme ou socialisme).
L'essentiel était de retrouver dans les faits une identité, une économie autonome, un modèle sociopolitique propre au pays… bref une indépendance effective. Ces tentatives de régulation demeurent donc des sursauts de conscience post-révolutionnaires jusqu'à ce que soit gravés dans le marbre, en 1976, les principes fondateurs et constituants selon lesquels l'Algérie est une République démocratique et populaire, une et indivisible, l'Etat algérien est socialiste, l'Islam est la religion de l'Etat et l'arabe est la langue nationale et officielle, et l'Etat tire son autorité de la volonté populaire. Une forme de catharsis s'inscrit alors dans l'histoire du pays et laissait espérer toute l'émancipation indispensable à un nouvel envol du pays, tournant définitivement la page de son joug passé. Ce ne fut malheureusement pas complètement le cas. Plus récemment encore, le schéma post-révolutionnaire se confirma à nouveau et toujours.
Après avoir pourtant basculé dans l'économie de marché (qui reste cependant encore un tabou), le pays connut à doses comptées les avantages d'un capitalisme sans complexe. Toutefois, l'ordre et la stabilité resurgirent dans ce basculement partiel pour couvrir des réformes jugées utiles ou urgentes : la lutte contre la contrefaçon, la lutte contre l'essor de l'informel qui gangrène notre économie, la lutte contre la corruption, la lutte contre les infractions à la réglementation des changes et la mise à nu de la traçabilité des opérations financières, la lutte contre l'inflation, l'anticipation des crises liées aux réserves gazières et pétrolières et la lutte contre la bulle de gaz naturel qui tire les cours vers le bas sur le marché spot, le respect des codes de marché public, etc.
Pareillement, au lendemain de la décennie noire, l'Algérie se retrouve dans une situation assez proche de celle que connut Napoléon au lendemain du 18 brumaire 1799, jour du renversement du Directoire dans la période post-révolutionnaire française. La France est alors déchirée de toute part, et Bonaparte semble vouloir concentrer tous les pouvoirs. Voulant à tout prix préserver les acquis de la révolution française, il va écarter le peuple de la vie publique, peuple dont il ne voit que désordre. Il n'aura plus qu'un seul mot à la bouche : l'ordre. L'obsession de Bonaparte sera de faire régner l'ordre partout. Après avoir destitué la quasi-totalité des membres du Directoire et instauré une nouvelle Constitution, il nommera personnellement et directement tous les préfets, les conseillers généraux, les maires, les conseillers d'arrondissement, les conseillers municipaux, les juges, les consuls, les conseillers d'Etat,… Il veut tout inspecter, contrôler, surveiller, policer.
Il redoute par-dessus tout le chaos qui annihilerait les finances publiques et le crédit sur lequel reposent les transactions commerciales propres à faire prospérer l'économie. Mais la religion s'en mêle et voilà que bientôt le clergé sème la discorde parmi les citoyens, ce à quoi s'ajoutent le désaccord des émigrés que veut pourtant attirer Bonaparte, ainsi que les dissensions entre les différents peuples de France… bref, la division s'annonce comme un désordre inacceptable. Qu'à cela ne tienne, Bonaparte ajoutera à l'ordre un grand projet de réconciliation nationale à laquelle tous sont appelés à se rallier. On l'appellera «la concorde». S'ouvre alors l'ère du «concordat» qui est un compromis de paix en pleine période de trouble post-révolutionnaire.
Les évêques et les curés toucheront à partir de ce jour un salaire convenable et les prêtres qui restent dans le reniement feront l'objet d'une tolérance imposée à tous. De la même façon, disions-nous, dans une Algérie post-révolutionnaire furent prises des mesures de concorde, de paix civile, visant l'exonération des poursuites, la mise sous probation ou encore l'atténuation des peines d'individus ayant été la source d'un désordre tout autant inacceptable pour le peuple, pour le pouvoir, pour l'économie… et au regard des acquis de la révolution. Autant dire que tous les plans économiques des dernières décennies ont constamment hésité entre ouverture et préservation, liberté et contrainte, avec pour seul mot d'ordre l'intégrité du pays fondée sur une stabilité à garantir à tout prix. Une stabilité qui se soucie moins de l'équilibre que de l'ordre.
Alors, que nous disent ces hésitations dans les modèles de régulation en Algérie ? Elles nous disent d'abord la fragilité constituante dans la laquelle nous sommes ; elles nous disent à quel point notre schéma révolutionnaire ne constitue pas encore le socle solide et indéfectible sur lequel pourraient reposer nos actions et nos aspirations ; elles nous disent l'appréhension que l'on développe à l'égard des initiatives privées comme autant de sources de fracture d'un ordre établi ; elles nous disent nos craintes persistantes dans l'intégrité de nos frontières, faisant de toute intelligence économique, de toute coopération et de tout commerce internationaux… une potentielle intelligence avec l'étranger ; elles nous disent enfin que notre stade d'évolution est encore dans sa phase post-révolutionnaire où l'ordre coiffe tout autre forme d'objectifs dans nos dispositifs de régulation visant la stabilité politique, économique et sociale du pays.
De l'ordre, de l'ordre partout ! S'émanciper du schéma post-révolutionnaire
Dans une Algérie à la recherche perpétuelle de ses héros, les conflits, les clans, la «lutte des places» en substitution de la lutte des classes, la suspicion généralisée, la frustration des fonctionnaires, celle d'un peuple entier, source de ressentiment, d'envie, d'accusation et de diffamation, la fermeture et l'enclave économique et sociale, la forteresse juridique, le rejet de l'élitisme… sont les pendants consubstantiels d'une recherche d'ordre dans un environnement qui n'aspire pourtant et au contraire qu'à plus de liberté d'action et d'entreprise.
Si on admet que nous ne sommes plus vraiment dans un contexte de révolution pré-constitutionnel, pré-structurel où les coalitions politiques sont fragiles, où les instances de régulation et de contrôle sont inexistantes… alors il faut s'entendre sur de nouvelles formes de régulation et s'émanciper du schéma post-révolutionnaire qui pose par principe que toute action d'agir et d'entreprendre est vue comme une émergence de trouble à l'ordre public, économique, politique et social. A l'aube du cinquantième anniversaire de notre indépendance, il est temps d'imaginer les formes d'émancipation de nos rationalités fondées sur la peur de perdre les acquis de la révolution.
Il est temps de passer d'une rationalité purement juridique à une rationalité plus managériale. Il est temps de mesurer l'efficacité de notre politique budgétaire par référence à des objectifs clairs et stables dans le temps. Il est temps de passer d'une gouvernance verticale à des relations plus horizontales et transversales intégrant l'ensemble des parties prenantes de la société algérienne. Il est temps de favoriser le sens de la satisfaction des parties prenantes. Il est temps de ne plus cantonner l'administration publique aux seules fins d'exécution de la politique gouvernementale, fut-elle légitime, et améliorer la gouvernance dans la relation au peuple.


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