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Rachid Mokhtari : Tahar Djaout… un orfèvre des mots
Publié dans El Watan le 03 - 06 - 2011

– La première chose que vous relevez dans votre livre est que Tahar Djaout a cessé de produire de la poésie en entamant son œuvre romanesque. Pourquoi cette cassure ?
Ce n'est pas tout à fait une cassure puisque son œuvre romanesque est soutenue par un souffle poétique, même si elle s'inspire de la réalité sociale, politique et culturelle. Dans un entretien qu'il avait accordé à Marc Gotarque, spécialiste de la littérature maghrébine, il avait dit avoir cessé d'écrire de la poésie au sens genre du terme par respect envers la poésie, car il la considérait non pas comme le commencement, mais le couronnement d'une œuvre. Il avait bien commencé par la poésie, mais c'était une poésie qui comportait déjà en elle-même une sorte d'irrédentisme qui dépassait le surréalisme dans la forme.
– On ressent une espèce de récurrence dans l'œuvre djaoutienne, une certaine frustration, que ce soit celle de l'enfant qui part à la recherche des os de son frère sans comprendre le sens de cette quête, le dernier libraire ou le chercheur qui améliore un métier à tisser sans pouvoir l'exploiter. Qu'en pensez-vous ?
L'enfance chez Tahar Djaout est un mouvement de liberté. Tous ses romans se terminent avec l'enfance, c'est beaucoup plus dénoté dans L'invention du désert dans lequel il met en scène une icône du Maghreb central du XIIe siècle, Ibn Toumert, qui veut rétablir l'Islam à la lettre, on a l'impression qu'à sa chute s'enclenche un autre roman : celui d'une enfance iconoclaste, païenne. Une enfance qui permet à l'auteur des clivages historiques. Contrairement aux fondateurs de la littérature algérienne comme Mammeri, Dib, Feraoune, l'enfance pour Tahar Djaout n'est pas du tout nostalgie du passé.
– Justement, les références historiques sont multiples dans l'œuvre de Tahar Djaout, mais ce sont des histoires personnelles qui sont mises en avant…
Il y a un télescopage entre l'histoire collective et l'histoire individuelle, mais on se rend compte que Tahar Djaout n'a pas écrit de romans historiques, il se sert de références historiques pour tourner en dérision les données historiques. Il se permet des libertés dans son intrusion, dans sa lecture de l'histoire. Cette enfance qui cherche toujours à défraîchir des espaces vierges vient comme pour signifier qu'il faut démystifier les espaces de l'histoire. Par exemple, pour Ibn Toumert, l'intention de Tahar Djaout n'était pas de raconter les Almohades ou de narrer l'histoire de ce personnage, mais d'introduire de l'ironie dans la mission rédemptrice d'Ibn Toumert. C'est-à-dire que ce qui importe pour l'auteur est d'introduire des ruptures esthétiques dans les espèces de l'histoire qui est en filigrane.
– Les personnages créés par Tahar Djaout sont souvent rebelles, en désaccord avec l'ordre établi…
Les personnages sont toujours porteurs d'un ordre nouveau. Par exemple, Mahfoudh Lamdjad, jeune chercheur qui a rénové le métier à tisser – symbole qui peut être lu soit comme se référant à l'identité berbère, l'ancestralité, la femme, la liberté féminine…- se retrouve très vite confronté à des pressions, à un nouvel ordre, celui des veilleurs nationaux, les vigiles du pouvoir qui vont le soupçonner de fomenter un coup d'Etat.
– On a l'impression que c'est souvent des gens en mouvement qui sont confrontés à quelque chose de statique…
Il y a toujours, dans tous les romans de Tahar Djaout, cette confrontation, cette contiguïté entre le statique représenté par les forces du mal : le pouvoir, les FV (Frères Vigiles), Ibn Toumert, le train prison dans L'exproprié. Mais il y a toujours un mouvement qui libère les personnages…
– Et ces personnages-là aboutissent-ils à leur libération ?
Ça aboutit à la libération du lecteur, voire de l'auteur. Ce qu'il faut relever dans l'œuvre de Tahar Djaout, c'est justement cela ! Ce n'est pas par hasard que chaque roman de Tahar Djaout est une libération vers d'autres horizons, un hymne au mouvement. Après avoir transporté le lecteur dans des lieux microcosmiques, serrés, angoissants, tout d'un coup, il vous transporte vers la mer, la compagne, l'enfance. Une sorte de mouvement irrépressible.
– Vous avez également soulevé le caractère évolutif de son écriture…
Les romans de Tahar Djaout sont brefs. D'abord parce qu'il a commencé par la poésie, ensuite c'est quelqu'un qui travaille la langue, qui recherche les mots. Notamment L'exproprié qui est considéré comme le texte le plus hermétique, vous avez l'impression que Tahar Djaout écrit avec un dictionnaire, mais le roman c'est aussi ciseler le mot, comme un bijoutier. Tahar Djaout est un orfèvre de l'écriture. C'est quelqu'un qui sert la thématique également. Dans Chercheurs d'os, par exemple, il y a une économie des personnages qui évoluent dans le même thème. Le texte est hermétique, car proche de la poésie. Mais dans la succession des romans qui sont parus, on a l'impression que l'auteur passe du texte le plus photographique, tel qu'il l'a qualifié lui-même, avec Les Vigiles. Cependant, ça reste toujours une écriture recherchée et ce n'est pas parce que Les Vigiles est beaucoup plus proche de la réalité qu'il n'est pas porté par un souffle poétique. Par contre, le passage du texte le plus hermétique au texte le plus dépouillé n'est pas un passage du complexe au simplifié, mais peut-être une autre manière de transmettre. Tahar Djaout était un conteur moderne ; pas celui qui fait endormir les enfants, mais le conte qui les tient éveillés.
– Lorsqu'on prend l'œuvre djaoutienne dans sa globalité, s'agit-il d'un cheminement d'un seul message ?
Oui, on peut lire les romans de Tahar Djaout comme une volonté de suivre l'évolution ou l'involution de la société. En tout cas, on peut lire L'Exproprié, les Chercheurs d'Os et Les Vigiles comme une trilogie.
– En définitive, quelles sont les spécificités de l'écriture romanesque de Tahar Djaout ?
Premièrement, une contiguïté entre l'espace statique de l'histoire et le mouvement dans l'histoire individuelle. Deuxièmement, il y a toujours une rencontre, une interaction entre le journaliste et le romancier. Aujourd'hui, on voit cela de manière dichotomique, alors que les fondateurs du roman maghrébin moderne on été des journalistes. On retrouve toujours le regard du journaliste et l'esthétique du romancier. La troisième spécificité c'est l'ironie. Notamment l'ironie dans les mythes imposés, inventés de l'histoire que l'on dit officielle. Il revendique des identités sclérosées pour faire de l'écriture une sorte de fouille archéologique dans le passé le plus profond du Maghreb.
– On retrouve bien l'homme dans ses écrits…
Absolument. Dans toute son œuvre romanesque, ces trois dimensions ne sauraient être analysées séparément : le journaliste, le romancier et le citoyen. Par exemple, le journaliste par ces deux familles qui existent dans ses romans : celle qui avance et celle qui recule, mais il ne donne pas son avis. Il produit un discours pro-djaoutien comme il produit un discours anti-djaoutien et un lecteur averti reconnaîtra Djaout.


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