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Un génie en projection
Publié dans El Watan le 29 - 10 - 2011

Un genre cinématographique nouveau est apparu en Algérie depuis un quart de siècle, le film documentaire consacré (et consacrant, nous y reviendrons !) les écrivains algériens. A tout seigneur tout honneur : le plus célèbre de nos auteurs (et le moins lu, hélas, car préjugé difficile par la doxa), à savoir Kateb Yacine (1929-1989), a ouvert la voie. Par commodité, nous arrêtons provisoirement le bilan des documentaires le concernant en distinguant deux parties : les portraits, sortis du vivant de Kateb et où il intervient en tant qu'acteur, et le reste des films, essentiellement des témoignages.
Le premier documentaire est de Dominique Colonna. Diffusé en 1985 dans la série Racines par TF1, il illustre une œuvre-vie traversée comme un révolutionnaire (ou plutôt un révolté perpétuel), sur fond de contexte historique précis : le 8 Mai 1945, la guerre d'indépendance, le postcolonial. Il insiste sur le passage de Kateb à Sidi Bel Abbès, de l'homme et des femmes qu'il a tant défendus et aimés, sans compter la reprise des pièces en arabe dialectal jouées à l'époque aux travailleurs émigrés de Paris et de sa banlieue. S'en suit Kateb Yacine, l'amour et la révolution (1989, 60'), de Kamel Dehane, compatriote installé à Bruxelles. C'est une production algéro-belge (Entreprise nationale de production audiovisuelle et Centre belge de l'audiovisuel).
Renfermant, comme le précédent, un long entretien, ce film est le plus connu des documentaires sur l'écrivain, car le seul, à notre connaissance, à avoir été diffusé par la télévision algérienne, dans les salles commerciales de Paris – rareté pour un court métrage algérien – et dans d'autres pays. On voit Kateb converser simplement de sa vie, de son œuvre, de ses idées, de sa famille que l'on aperçoit dans un film de cinéma direct habité de belle poésie. Effacé, n'ayant presque pas de diction, on remarque vite le déphasage du parler de l'homme par rapport à son lyrisme écrit. Nous vient alors en mémoire cette parole du président Boumediene à l'un de ses ministres pour la rapporter à l'écrivain : «Dites à Kateb d'écrire mais de ne pas parler.» D'évidence, l'à-propos du raïs n'avait rien d'une appréciation mais découlait des déclarations intempestives de l'écrivain !
Kateb Yacine, le rebelle amoureux est un court métrage belge de Joseph Lecoq (RTBF, 1995, 43'). Il est constitué également d'un long entretien avec l'écrivain qui évoque sa figure littéraire, particulièrement l'articulation de son œuvre avec sa vie sur fond d'un pays se réalisant dans la douleur. Diffusé en Belgique et en France mais non en Algérie, le film révèle un écrivain qui se veut aussi un intellectuel, confusion sciemment entretenue sous nos cieux. Paroles contre l'oubli, de Hadj Mohamed Fitas (filmé en 1989, diffusé en 1999, 14') est un film vidéo constituant la dernière intervention publique de l'écrivain à la cinémathèque d'Oran en juillet 1989 (il mourra trois mois plus tard). Il y répond aux questions des spectateurs suite à la projection du film de Dehane.
Iconoclaste et provocateur comme à l'accoutumée, Kateb n'élude aucune interrogation et évoque son ami M'hamed Issiakhem, la «langue de plâtre» de la télévision algérienne et l'avenir de la femme auquel il croit ardemment. Il assène quelques vérités amères à ceux qui ne veulent pas entendre ses cris. Le poète en trois langues, du Français Stéphane Gatti (2001,55') est une coproduction parisienne (La Parole errante, CNC et Bibliothèque nationale de France). Non diffusé en Algérie mais sur FR 3 (France 3, auj.), dans la célèbre série du défunt Bernard Rapp, Un siècle d'écrivains, il donne à voir essentiellement un écrivain en politique. Se succèdent les déclarations les plus lucides comme les plus inexactes (l'étymologie des mots «berbère», «chaoui» et «kabyle», par exemple), sur les traces et substrats culturels de l'Algérie dont l'amazighité qui a obnubilé l'auteur, particulièrement dans son théâtre joué en arabe dialectal.
Les propos fusent, les phrases chantent, l'histoire est bousculée, l'homme est demeuré d'une belle obstination quant aux questions lancinantes de langues et d'identité. Le film présente une fin émouvante : la tombe de Kateb au cimetière d'El Alia (Alger) avec un Matoub Lounès venu se recueillir en béquilles, grièvement blessé après les évènements d'octobre 1988. Kateb retrace aussi son itinéraire autobiographique, lui qui l'a pratiqué en autofiction dans son œuvre romanesque. D'où l'intérêt additionnel de ses dits aux nombreuses résonances dans ses textes et déclarations médiatiques, et l'étude du passage ou du transfert de l'écrit à l'écran.
A la mort de l'écrivain, Jean-Pierre Lledo filme en vidéo son enterrement mais l'œuvre est diffusée uniquement en cercle privé. Ne vont plus suivre que des documentaires d'hommages et/ou des témoignages sur un passé à jamais révolu dont il ne sert plus d'attiser publiquement la nostalgie, «li fet met»…
Les cinéastes portent aussi leur caméra plus au profit de la célébration d'un monument que d'une thèse. La troisième vie de Kateb Yacine de Brahim Hadj Slimane (2009, 26', Keina Cinéma) passe au crible l'héritage de l'expérience de Kateb au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, depuis octobre 1978 à sa mort en octobre 1989. Il donne notamment la parole à des membres de la troupe. Si par sa courte durée le film offre une nette impression d'inachevé et laisse sur sa soif le spectateur, les deux poèmes de Kateb chantés avec un oûd, en liminaire et au final, sont d'exquis instants. Axé aussi sur le théâtre katébien, tout en n'étant pas concomitant au premier, notons le film La patrie dans le cœur, de l'écrivain arabophone et chroniqueur francophone, Djillali Khellas, et du jeune réalisateur Nazim Souissi (2010, 77', Elka Prod. et ministère de la Culture).
L'écrivain a eu déjà à réaliser avec Kamel Djermoune un premier court métrage, Nedjma (1998, 50', ENTV), portant sur la géographie littérature du roman, centrée malheureusement sur un seul lieu, Annaba d'hier et d'aujourd'hui. Le documentaire, rehaussé par la présence de Kateb, de comédiens et comédiennes ayant suivi son aventure théâtrale en Algérie ainsi que d'universitaires sans affinités électives, est tout à fait remarquable de pédagogie alerte et de témoignages crédibles sur une page méconnue de notre historiographie littéraire. On se doit d'espérer qu'il suscitera de nouveau un immense intérêt pour ce théâtre qui n'est, hélas, guère plus joué et on ne le déplorera jamais assez.
Deux derniers films sont à retenir (bien que nous ne les ayons pas encore vus) : Kateb, l'homme des certitudes et poète des opprimés, d'Ali Fateh Ayadi, et Kateb Yacine l'Homme Libre, d'Omar Mokhtar Challal. Enfin, il est à souligner que Kateb, dramaturge à Sidi Bel Abbès, aurait fait filmer dans les années 1970 et au début de la décennie 1980 – c'est-à-dire au moment où il donnait ses pièces dans toute l'Algérie – quelques-unes de ses pièces telles Palestine trahie, La Guerre de 2000 ans ou Mohamed prends ta valise et ce, sur demandes respectives de la BBC, de la télévision algérienne et de la télévision canadienne.
De même, il existerait une copie filmée du Cadavre encerclé, tournée en 1958 à Carthage, après sa première représentation mondiale, en juin 1958 à Bruxelles. A l'instar de la biographie de l'auteur qui renferme à ce jour des zones obscures, nous ne disposons pas assez d'informations sur cette production signalée dans la presse nationale mais non vue. N'oublions pas que, de son vivant, Kateb a amorcé sa légende puis s'est érigé en mythe sacralisé depuis. Ce théâtre filmé, s'il venait à être disponible, serait du plus haut intérêt littéraire et cinématographique, particulièrement sur le plan du son car l'œuvre de Kateb est paradoxalement très acoustique pour un homme peu bavard, tout en pratiquant le contact avec le public (à ses yeux le «peuple»).
En définitive, qu'ajouter à cette courte présentation, sinon que nous aurions tellement aimé que les cinéastes questionnent Kateb Yacine sur son regard sur le cinéma, en tant que simple spectateur ou auteur. Celui qui ne mâchait pas ses mots pratiquait un véritable montage du langage n'obéissant pas uniquement aux méandres du formalisme de sa vie ou de son œuvre. Nous aurions souhaité aussi, au-delà des portraits et des témoignages, que les réalisateurs expriment leur esthétique du cinéma et de ses rapports problématiques avec l'écriture du texte littéraire katébien. Regrets éternels pour le premier vœu, ardent souhait pour le second. Au demeurant, regrettons encore que toute cette filmographie ne contribue pas à faire connaitre davantage l'écrivain car certains documentaires, constituant de véritables sources référentielles, demeurent indisponibles quand ils devraient être en vente libre sous supports cassettes ou cédéroms ou consultables dans les bibliothèques, universités et lieux culturels.


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