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Darwich-Histoire d'une photographie : La terre du poème
Publié dans El Watan le 02 - 10 - 2009

Elias Sanbar* raconte un cliché et dévoile, du même coup, les dessous de l'exposition inaugurée hier au Mama d'Alger.Je me souviens parfaitement de cette photographie sans toutefois pouvoir me rappeler la date à laquelle elle fut prise. Défaillance de ma mémoire ? Sûrement aussi la brume sentimentale qui s'installe dès qu'un ami part, qui estompe les détails désormais superflus pour laisser place à la seule tendresse.
Tel est mon seul sentiment, ma grande tendresse face à cette photographie prise, à Paris, un jour -de printemps ou d'automne, je ne sais plus - chez Mahmoud Darwich, dans le salon de son petit appartement au troisième étage d'un immeuble donnant sur la Place des Etats-Unis d'une part, la Tour Eiffel de l'autre. Ce jour-là, Mahmoud m'avait appelé selon son habitude quotidienne aux alentours de midi : « Han, Shû 'âmil, Que fais-tu ? » et d'enchaîner sans attendre de réponse « Ta'âl. Viens donc. Rachid et Abdelkebir vont passer me voir ». Ce jour-là, Rachid nous montra son travail à partir de poèmes de Mahmoud, puis j'eus entre les mains cette feuille que l'on me voit en train de lire, surpris par l'objectif de l'appareil confié par Rachid, encore lui, à Khadija, une jeune dame algérienne qui préparait un très bon couscous et s'occupait de l'appartement de Mahmoud qu'elle appelait à tout venant Si Darwich, Si Darwich, titre qui devint rapidement source de rires complices et interpellation taquine dont nous usions Farouk Mardam Bey et moi à l'égard de notre ami : « Walaww ? Mais voyons Si Darwîch, mais voyons… » Je me demande, aujourd'hui, ce qui a poussé Rachid à fixer le moment de douce amitié qui émane de cette photo, Mahmoud souriant en grande forme, Rachid riant, Abdelkébir rêvant et moi, lisant et posant. Avait-il senti qu'un instant de belle simplicité était là, qu'il fallait saisir avant qu'il ne s'estompe, pensa-t-il qu'un jour, cette photographie ne serait qu'un beau souvenir ?
C'est aujourd'hui mon impression la plus forte, tant je crois que les moments de bonheur sont par définition fugaces qui nous laissent, dès qu'ils adviennent, le sentiment qu'ils sont déjà passés et advenus. Rachid a beaucoup travaillé à partir des poèmes de Mahmoud et ces œuvres-là relevaient, c'est du moins mon sentiment, de la sculpture. Sculpture sur papier, monument en hommage au poème auquel le papier, non la pierre, apportait la note indispensable de douceur. Ainsi œuvrant, l'artiste parvenait à rendre tout à la fois la majesté et l'intimité de la poésie de Darwich-l'épique-lyrique ainsi que l'avait qualifié son ami, le grand Yannis Ritsos.
Rachid a beaucoup travaillé à partir des poèmes de Mahmoud. Il les a malaxés dans l'alphabet de leur langue, les a fait traverser de larges éclairs d'encre noire comme venue de ces grands pinceaux japonais souvent plus grands que la propre main qui les guide, inversé le sens, la direction, l'orientation de la lecture et montré ainsi leur universalité, poèmes lisibles, poèmes visibles, lisibles parce que visibles.Rachid a beaucoup travaillé à partir des poèmes de Mahmoud bien que Mahmoud et, Rachid le sait, fut comme indifférent et même méfiant dirais-je, à l'égard de ce type d'exercice. La raison, aux antipodes d'un quelconque orgueil ou dédain, est difficile à croire pour quiconque n'a pas été dans l'intimité de Mahmoud, témoin de sa passion la plus folle : sa langue. Mahmoud a vécu avec une sorte d'obsession qu'aucun élément externe, quelle que fut sa valeur artistique, ne vienne altérer son artisanat.
Comme s'il avait la conviction absolue que ses poèmes contenaient, d'ores et déjà, toutes les formes, tous les modes d'expression artistique et qu'il fallait, dès lors, qu'il se protège et les protège de toute intrusion. Ainsi je n'ai jamais vu un artiste dont l'œuvre chante autant que celle de Mahmoud, écouter si peu de musique, un artiste aux magnifiques métaphores, s'attarder si peu devant une belle toile, tout comme je n'ai jamais vu un poète résonner autant à l'écoute des autres poètes, de quelque langue qu'ils vinssent. J'ai même vu plus que cela, le poète résonner à l'écoute de poèmes dont il ne connaissait pas les langues et nous stupéfier lorsqu'il disait ce que l'écoute lui avait inspiré. Mahmoud a choisi la terre du poème, y a élu demeure et a traversé la vie à préserver son langage tout en tentant de tordre le cou à sa langue, à la défier et lui prêter allégeance simultanément. Il en va ainsi de l'amour pris entre chant épique et intimité lyrique, celui de Mahmoud, al 'Ashiq min Filistîn, l'amant venu de Palestine, pour la sublime et indomptable langue du Dâdd.
Mais alors comment Rachid Koraïchi s'y est-il pris pour créer à partir des poèmes de Darwich ? Tout simplement en ne « s'y prenant pas », mais en empruntant le chemin de l'amitié, car Mahmoud, si méfiant pour sa langue, toujours aux aguets, ouvrait grandes ses portes à ceux qu'il considérait comme ses véritables amis, qui loin de vouloir se l'approprier, user et s'installer dans son œuvre, y voyaient la belle possibilité de résonances, d'échos se répercutant dans leurs propres vallées.Rachid fut l'un de ces amis qui jamais n'illustra les poèmes de Mahmoud, mais y trouva une terre à partir de laquelle rejoindre la sienne propre. (…)
Elias Sanbar, Paris le 25 juillet 2009
*Actuellement délégué de la Palestine à l'Unesco, cet historien, né à Haïfa en 1947, est rédacteur en chef de la fameuse Revue d'études palestiniennes. Ami et traducteur de Darwich, auteur d'essais remarquables sur la Palestine et le monde arabe.


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