Ce qu'on peut appeler désormais «l'affaire Chakib Khelil» n'a pas livré tous ses secrets et continue de susciter moult interrogations. L'homme, totalement inconnu en Algérie, a été ramené de Washington par Abdelaziz Bouteflika pour lui donner la gestion de l'unique trésor de l'Algérie, son pétrole, et ce, avec les pleins pouvoirs. Toutes les facilités et tous les pouvoirs lui ont été accordés. Et pour qu'il ne soit pas gêné dans la mission qui lui a été dévolue, le Président gèle les activités du Haut Conseil de l'énergie, une structure créée quelques années auparavant par Liamine Zeroual pour contrôler le développement de ce patrimoine et empêcher toute gestion qui échapperait aux pouvoirs publics. Libéré d'une telle contrainte, Chakib Khelil va mener le ministère de l'Energie de façon très personnelle et se permettra même de s'auto-nommer PDG de Sonatrach, poste qu'il occupera durant au moins deux ans, qu'il mettra à profit pour exercer un contrôle absolu sur le secteur. Les gens avaient commencé à jaser. Mais qui oserait remettre en cause ou affronter le tout-puissant ministre qui a administré sans partage le pétrole et le gaz algériens durant une décennie ? Qui a le courage de remettre en cause un homme protégé par le président de la République ? Un intouchable qui, sûr de sa bonne étoile, avait fini par avoir des ambitions politiques et aspirait, dans une autre étape, à être Premier ministre. Un homme qui a eu l'outrecuidance de proposer une loi bradant notre pétrole et qui s'en est sorti indemne de ce complot. La réponse tient à un homme : son ami d'enfance et d'Oujda, Abdelaziz Bouteflika. Dès qu'il a été installé à El Mouradia, ce dernier avait annoncé la couleur : il ne voulait pas être un trois quart de Président. C'est-à-dire qu'il trouvait insuffisant les pouvoirs que lui accordait la Constitution. Pour cela, il a commencé à s'entourer d'hommes de confiance, des hommes qui le soutiendraient contre vents et marées et se plieraient à tous ses desiderata. Parallèlement, il a entrepris de neutraliser tous les contrepouvoirs ou de les mettre à son service comme la Cour des comptes, le Conseil constitutionnel, le Sénat et l'APN, qu'il ridiculisera en mettant à sa tête un homme inculte et véreux. Il n'y avait plus personne pour dire non au prince. Même sa proche famille s'est mise de la partie, surtout un jeune frère vorace qui faisait la pluie et le beau temps et terrorisait tout le monde en se comportant comme un président-bis. C'est dans cette ambiance complice et délétère qu'a évolué Chakib Khelil, devenu arrogant au point qu'il s'est cru au-dessus de la mêlée. Mais dans un système mafieux, les maîtres finissent toujours par sacrifier des seconds couteaux pour calmer les gens et préserver leurs intérêts propres. La descente aux enfers ne fait que commencer.