Le cinéma mondial est l'un des rares secteurs à avoir échappé à la crise économique, nous enseigne l'analyse statistique que l'Unesco vient de rendre publique (lire ci-contre). Le septième art connaît, depuis une décennie notamment, une révolution peut-être décisive quand certains le donnaient pour moribond devant l'extraordinaire propagation des nouvelles technologies. Ainsi, DVD, chaînes satellite spécialisées, téléchargements et home cinéma semblaient sonner le glas du cinéma en salle. Non, tout ne serait pas perdu, nous suggèrent les chiffres de l'Unesco. Pas perdue la fascination du grand écran et ses effets spectaculaires ? Pas perdu l'acte convivial de voir ensemble un film et de s'émouvoir avec d'autres dans une osmose anonyme mais qui crée cependant du lien ? Pas perdue non plus l'excitation particulière que produit le rituel d'aller au cinéma ni cette incroyable impression de redécouvrir le monde en sortant d'un bon film, un peu hébété et ravi ? L'avenir nous le dira. Mais les tendances décennales montrent que le cinéma dispose encore de beaux atours et d'une étonnante capacité d'adaptation aux nouveaux contextes. Comme le chat, le septième art aurait sept vies. L'autre fait remarquable, presque ahurissant, réside dans la place prise par les pays émergents. A lui seul, le groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) a capté un cinquième des recettes mondiales de ventes de billets et plus de la moitié de leur nombre ! Il y a là, à l'évidence, une corrélation entre «l'émergence économique» et «l'épanouissement du cinéma». Au point où l'on aimerait proposer aux économistes de ne pas se contenter des taux de croissance et des investissements directs étrangers pour jauger le développement et d'inclure le cinéma comme indicateur. Mais cela signifierait alors que l'Algérie n'est pas encore un pays émergent ! En effet, en dépit d'un potentiel créatif considérable, particulièrement porté par les nouvelles générations, en dépit des nombreux prix glanés dans les festivals internationaux, en dépit de l'effort de réhabilitation des salles, en dépit encore de l'aide publique à la production, nous sommes encore loin du compte pour prétendre être une nation du cinéma. Nous ne l'avons jamais été d'ailleurs, même dans les années dites de gloire, puisqu'avec d'excellents films parfois, nous n'avons pas réussi à mettre en place une véritable industrie cinématographique avec tout ce qui va avec : une ou plusieurs écoles de cinéma, des studios et des laboratoires, un réseau de distribution vivant et irrigué au quotidien de films algériens et étrangers, etc. Une Palme d'Or ne saurait cacher la palmeraie ! C'est un véritable Plan national du cinéma qu'il faut mettre en œuvre en associant à l'indispensable soutien de l'Etat des investissements privés bénéficiant d'avantages forts et motivants. Libérer de l'énergie par le cinéma crée de l'art, des emplois, de la vie, des flux financiers, un regard serein sur soi… Bref, de l'émergence.