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Réactions à vif de quatre écrivains d'origine algérienne
Publié dans El Watan le 14 - 12 - 2009

Leïla Merouane : « J'ai pensé à me procurer une burqa »
Au lancement de ce débat, j'ai ri doucement, sachant parfaitement le dessein de l'UMP de ratisser large, de récupérer les voix du Front national qui lui ont échappé à la dernière élection présidentielle. Je me demandais, bien sûr, comment allait-on débattre sur ce qu'est être Français aujourd'hui, dixit Besson. Bref, cela me paraissait proche du burlesque, un vaudeville politique, sans plus. Puis, au lendemain de la votation suisse contre les minarets, j'ai arrêté de rire. J'ai commencé à m'inquiéter, à me dire : tiens, et si Besson au hasard me convoquait pour en savoir davantage sur mes valeurs françaises . Oh, la colle. ! M. Besson, être Français, c'est apprécier le fromage, les clochers, le pays du Cantal… Mais aussi connaître ses classiques, lire et faire lire à ses enfants la princesse de Clèves, par exemple. Ensuite il y a eu la fameuse tribune de Sarkozy dans le Monde à travers laquelle et de façon explicite le Président tournait le débat sur l'identité au débat sur l'Islam, et là, franchement, j'ai ri jaune, j'ai ri « musulmane ». Alors même que dans mes interventions (Europe 1 et Tages Anzeiger) j'avais appelé à l'interdiction de la burqa, j'ai pensé à m'en procurer une, de burqa, et de l'afficher en même temps que mes valeurs françaises, précisément. Sans plus rire, et plus sérieusement, je pense que cette guéguerre entre Sarko et la fille Le Pen risque de mal tourner. (Ses dernier livres : Le Papier, l'encre et la braise (récit sociologique) Gens d'ici et d'ailleurs, Le Rocher)
Aziz Chouaki : String-saucisse-beaujolais
Stricto sensu, le concept même d'identité exclut la nuance, la particularité, (c'est être identique à...). Le débat en cours dans l'Hexagone fait feu de tels bois qu'un bûcheron y perdrait son bas latin. La question liminale est en fait celle ci : est ce que la société française est islamo-compatible ? En effet, depuis le 11 septembre, en passant par la décennie noire en Algérie, jusqu'à la très globale Al Qaïda, et sa sous-culture islameuse de bazar (la burqua, le niqab, etc...), ce sont bien, hélas, 14 siècles de splendeur qui sont mis à mal. Le visage public de l'Islam d'aujourd'hui fait peur, il faut le reconnaître, car enrobé d'images d'attentats, de meurtres, et de culture eschatologique radicale, et donc Madame Michu a peur à la vue de niqabs sur les Champs Elysées, et elle se dit : « C'est tous des Al Qaïda » ». Liberté-égalité-fraternité, disaient Danton et Robespierre, aujourd'hui les valeurs de la République seraient plutôt String-saucisson-beaujolais, et honni soit qui mal y pense. A l'islam, donc, de faire son cross- over, d'écouter Averroès : « Le savoir acquis dans un pays étranger peut être une patrie et l'ignorance peut être un exil vécu dans son propre pays » . (Dernier livre : Aigle, roman, éditions ex-aequo, Décembre 2009, site personnel : azizchouaki.com)
Akli Tadjer : Se détester ensemble
Par principe, je suis favorable au débat. A tous les débats. L'identité nationale, pourquoi pas ? Il est toujours nécessaire de revisiter son histoire pour mieux se projeter vers un destin commun. L'histoire française, comme on l'a dit et redit, est faite de l'apport successif de vagues d'immigrés et, cela, depuis Clovis. L'histoire d'une nation doit être la matrice qui doit fédérer plutôt que diviser. Mais le débat tel qu'il est engagé a pris une triste tournure. Il divise les Français et stigmatise les étrangers. Par étrangers, il faut comprendre ceux qui n'appartiennent pas à l'Europe blanche et chrétienne. Dans mon esprit, la République française n'a pas d'identité figée ou fermée mais des principes auxquels je suis attaché. Liberté, égalité, fraternité. Alors, ce débat ? Au jour d'aujourd'hui, je ne participerai pas à ce débat où les valeurs et principes de la République ont fait place aux conversations de bistrots. Il n'est plus question que de la hauteur des minarets et de la solubilité de l'Islam dans une France cacochyme. Moi qui ne pratique pas, je suis choqué quand on pointe du doigt une religion en particulier. Ca me renvoie aux heures les plus sombres de l'histoire de France. Il serait plus utile et plus juste d'élaborer une chartre du mieux vivre ensemble plus que d'instruire les jeunes générations à mieux se détester ensemble. (Derniers livres : Western, Flammarion et Le porteur de cartable, Editions Apic)
Anouar Benmalek : De la « macule » de l'identité multiple
« Pièces d'identité, s'il vous plaît ! » Vous tendez vos papiers à l'agent d'autorité qui vous les demande, mais vous devinez, à ses lèvres pincées, que ce ne sont pas ceux-là qui sont exigés de vous. Le zélé « agent vérificateur de l'identité française », récemment engagé par le gouvernement de l'Hexagone et encore tout fier de son nouveau pouvoir, jette un regard à vos documents, les feuillette, un pli soucieux au front, avant de vous les rendre et de lancer sèchement : -Mais ce ne sont pas ceux-là que je vous demande. Je veux les autres…
Quels autres ? Je vous ai donné ma carte d'identité. Vous voulez mon passeport ?
Ne faites pas l'hypocrite ! Vous savez bien de quoi nous parlons dans ce débat. J'exige de voir vos « papiers internes » , ceux de votre âme… Qui êtes-vous vraiment ? : un des nôtres, sensible aux charmes de notre civilisation, ou un élément d'une cinquième colonne, un agent dormant au service d'une puissance ennemie, Al Qaïda par exemple, bien que, dans votre cas, vous fassiez semblant d'être laïc ? Allez, sortez ces minarets aussi aiguisés que des couteaux que vous dissimulez au fond de votre poche ! Vous parlez trop souvent du monde arabe dans vos livres pour que cela soit totalement innocent. Avouez, monsieur Ben-quelque chose, un Arabo-berbère, ça ne peut pas être vraiment, comment dire… ?
Gaulois ? Franc ? Honnête ? Patriote ? Promoteur des aspects positifs du colonialisme ? Usant trop de l'arabe pour goûter la langue française ? Trop « Algérien » finalement pour être loyalement républicain… ?
Hé, ne m'embrouillez pas avec vos finasseries levantines, mais, en gros, c'est ça… Alors, allez-vous confesser votre inaptitude congénitale à être des nôtres ? Voilà, assez passablement caricaturée, l'impression désagréable que je ressens quand l'autorité supérieure d'un pays s'arroge le droit d'ordonner à ses citoyens de justifier de la pureté de leur identité française ou autre d'ailleurs, tant les comportements, en ce domaine, se ressemblent étrangement d'un pays à l'autre. Le symétrique de ce débat, s'il était organisé en Algérie, aboutirait à peu près à la même chose : « Nous ne sommes vraiment Nous que si nous nous opposons aux Autres » . Comme si la définition d'un Moi national n'avait de sens qu'opposée à celle d'un Eux étranger au minimum inamical, au pire ennemi, et trop souvent considéré comme foncièrement inassimilable. La manipulation politicienne et électoraliste consistant à agiter le spectre des étrangers infiltrés traîtreusement dans le sacro-saint temple de l'identité nationale est patente dans le cas français. Cette tentation de souffler sur les braises d'un nationalisme de bas étage est largement répandue à travers le monde. On peut, par exemple, la voir à l'action ces derniers temps à la fois en Algérie et en Egypte, où il apparaît que l'on est d'autant plus Algérien que l'on se montre anti-Egyptien (et vice-versa), à la grande satisfaction des deux gouvernements incompétents en place et au grand désespoir de ceux qui se souviennent des liens historiques et fraternels entre ces deux grands pays. Souvenons-nous également qu'il n'y a pas si longtemps, on n'était rangé dans le camp des « vrais Algériens » que si on se déclarait fervent supporter des fondamentalistes religieux et de leur violence terrorisante. N'oublions pas trop vite que cette querelle algéro-algérienne à propos, entre autres, de l'équivalence supposée obligatoire entre l'identité des Algériens et leur religion a coûté la vie à près de deux cent mille personnes… Je sais, bien entendu, quelle est mon (ou mes) identité(s) juridique(s). La réponse est simple parce que des documents administratifs en attestent. Je ne sais pas, par contre, quelle est, ou plutôt, quelles sont mes identités « vraies » , celles de mon « âme », moi qui viens d'horizons si divers : père nationaliste algérien, mère marocaine, grand-mère suisse trapéziste dans un cirque (et donc elle-même considérée comme inassimilée dans sa propre société), arrière-grand-mère descendante d'esclaves noirs africains. Quand les vents de l'intolérance soufflent, cette diversité identitaire est évidemment perçue comme un handicap et une macule difficile à accepter. Je ne saurai peut-être jamais qui je suis réellement, même à mon dernier souffle. Peut-être me rendrai-je compte, à ce moment-là, que je n'ai été qu'un être humain à la recherche désespérée d'une explication à l'étrange destinée que nous subissons tous, celle de naître pour, presque aussitôt, mourir et, ne le sachant que trop, d'en souffrir à l'avance : notre seule identité en fin de compte ? En somme, un modeste homo sapiens parmi les milliards d'homo sapiens qui l'ont précédé ou lui succéderont, dont l'unique rêve a été le « rêve andalou » : malgré la mort au bout de tout choix, tenter malgré tout d'être un et multiple à la fois. (Dernier livre : Le rapt, site personnel anouarbenmalek.free.fr).


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