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« Une expression juvénile qui nous donne des leçons »
Brahim Noual. Membre du jury et professeur de théâtre à l'ISMAS
Publié dans El Watan le 23 - 12 - 2009

Dans cet entretien, Brahim Noual, membre du jury et professeur de théâtre à l'ISMAS (Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audio-visuel) aborde l'histoire du théâtre amazigh, l'importance de l'événement de Batna, sa portée et les enjeux qu'il engage. « Notre théâtre existe depuis des millénaires ».
D'abord, faut-il parler de théâtre amazigh ou de théâtre d'expression amazighe ?
En fait, le théâtre amazigh existe déjà dans son approche para-théâtrale. Si on va au fondement anthropologique de cette expression, on la trouve déjà dans l'« Imzad » puisque l'« Imzad » est un poème épique. Si nous faisons une approche sémiologique de cette expression plurielle qui nous vient du fin fond du Tassili, on trouve qu'elle a tous les aspects justement du spectacle, puisqu'il y a un poème épique chanté et qui porte en lui une épopée d'un peuple, l'épopée donc d'un héros. C'est vrai que du point de vue de l'analyse critique effectivement, ce n'est pas un théâtre dramatique joué à l'occidentale, mais c'est un théâtre épique et il n'est pas besoin d'aller plus loin dans la recherche des éléments essentiels de notre patrimoine immatériel, comme Achouik, toutes les poésies populaires, mais aussi les Tisfras qui sont des éléments, que d'ailleurs Mouloud Mammeri a analysés quand il était déjà au Crag, le Centre de recherches anthropologiques. Mon orientation s'est faite à partir des recherches du Centre national de recherches de la préhistoire qui, avec des éléments d'anthropologie culturelle, a démontré que notre théâtre existe depuis des millénaires. C'est très simple, moi je vous donne une image seulement : 14 000 ans av JC, ce n'était pas l'homme de Cro-Magnon, mais l'homme du Tassili, puisqu'il y a des images qui nous sont restituées par les fresques de la danse épique. Elle peut être danse, mais ce geste qui est immortalisé dans cette fresque nous démontre qu'il y a eu gestuelle, qu'il y a eu danse, donc qu'il y a eu spectacle.
Selon vous, existe-t-il une esthétique appropriée au théâtre amazigh ?
Absolument, il y a eu une esthétique appropriée et c'est à nous de l'étudier, de nous l'approprier, et de la restituer dans un cadre esthétique intelligent et non pas folklorique.
Le festival veut-il fonder un théâtre amazigh ou alors il ne fait qu'ajouter un espace important pour ce type de théâtre ?
Je n'ai pas la prétention d'avoir toutes les vérités, mais je dirais que, d'abord, le ministère a donné un espace à tous les intellectuels, à tous les hommes de culture, mais aussi aux créateurs ; c'est à eux maintenant de déterminer les mécanismes, la dynamique, mais aussi toutes les techniques esthétiques, c'est à eux de nous montrer la voie, et quelle serait la spécificité de ce théâtre. Ensuite, nous appartenons à la civilisation humaine, mais nous avons des éléments de notre patrimoine qui existent déjà, à nous de les faire fructifier. Comme aujourd'hui nous parlons de théâtre Nô, alors qu'il n'existait pas en termes de théâtre, nous parlons de Pranayama comme éléments essentiels de la culture indienne mais aussi humaine, puisque Peter Brooke et Ariane Mnouchkine se sont appropriés cette technique ; à nous aussi de donner à l'autre, puisque nous parlons de globalisation et aussi de dialogue culturel avec l'autre, à nous de tirer profit de la localité, de l'espace local et sortir avec ce dialogue universel.
Le 4e art amazigh a-t-il une histoire derrière lui ?
Oui, c'est vrai que c'est une histoire pleine de sentiers battus et non battus, pleine de, j'allais dire même, de sentiers où l'élément liberté n'a pas souvent été au rendez-vous, mais aujourd'hui tous les moyens sont donnés et je reviens à cet élément essentiel qui est le festival. Le festival n'est qu'une des roues ou un des anneaux de cette perle qui est l'action théâtrale. Je parle en termes d'action théâtrale parce que je suis un animateur culturel avant tout. Cette action-là est déterminée par qui ? Par les actants donc qui sont les artistes créateurs, mais aussi les universitaires et les critiques. C'est cela notre intérêt. C'est un événement rassembleur, festif en effet, mais il a aussi des portées d'abord stratégiques dans le sens scientifique et aussi des portées de questionnement et de raisonnement et c'est pour cela que je suis honoré d'être parmi les premiers aujourd'hui et d'être non pas parmi les premiers en termes culturels et historiques, mais parmi les premiers à prendre part à ce rassemblement qui peut être bénéfique, qui peut être aussi un élément de dynamisation. Voilà l'intérêt de ce départ. Il y a aussi l'aspect pédagogique, didactique, ça c'est important pour nous, on n'a pas le droit de bricoler dans cet élément qui est l'un des éléments les plus appropriés à la culture algérienne, d'expression plurielle et nous le disons souvent. J'aime bien le terme de H'mida Lâayachi quand il dit que le théâtre est le frère de tous les arts, donc à nous de nous élever à tous ces frères qui sont la musique, la poésie, les arts plastiques, etc.
Théâtre et politique, quel est l'élément moteur dans ce binôme, selon vous ?
Moi, je pense que l'élément moteur, cela ne devrait être que l'esthétique avant tout parce que effectivement l'esthétique peut s'accommoder de politique, mais la politique ne peut pas s'accommoder d'esthétique et peut se permettre de ne pas s'accommoder d'éthique, alors autant se prévaloir d'être les parrains de l'esthétique et de l'éthique.
Le festival touche à sa fin, comment trouvez-vous le niveau des pièces et des participants ?
Tout en respectant l'obligation de réserve, je peux dire que j'ai été agréablement surpris par les éléments jeunes et par les revendications esthétiques. C'est ça qui est important, je pense que nous allons vers le meilleur parce qu'il y a des jeunes qui veulent nous montrer qu'ils peuvent s'exprimer et nous donner des leçons et je suis preneur de ces leçons.


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