Le monde de la culture en Algérie peut être reconnaissant à l'ENAG (Entreprise nationale des arts graphiques) d'avoir créé, au début des années quatre-vingt, la fameuse collection El Aniss qui reprenait des classiques de la littérature algérienne et universelle. A un moment où l'édition algérienne était encore très limitée et où l'importation d'ouvrages commençait à décliner avant de s'arrêter, cette collection avait permis de diffuser auprès des lectorats quelques incontournables romans, essais et livres de philosophie à des prix très abordables (entre 30 et 60 DA). Les Mille et Une Nuits, Victor Hugo, El Farabi, Maxime Gorki, El Afghani, Frantz Fanon, Descartes, Cheikh Abdou, Denis Diderot, Ibn El Mouqataa, Baudelaire, Ibn Hazm El Andaloussi, etc. Ce sont 88 titres en langue française et 82 en langue arabe qui ont été édités parmi les trésors des belles lettres pour reconnecter en partie les lectorats avec de grandes œuvres et les courants de pensée dans le monde. Le succès de la collection El Aniss a été si grand que la plupart des titres, en dépit des tirages élevés et des rééditions, sont épuisés. Une de ses grandes réussites est d'avoir mis à la portée des lecteurs arabophones des traductions d'œuvres universelles. Actuellement, l'ENAG a repris la collection El Aniss avec un nouveau look. L'ancienne présentation, conçue par le peintre Ali Silem, aura été la première personnalisation graphique d'une collection éditoriale en Algérie. Originale mais un peu spartiate et monotone, elle fait place à une maquette plus proche des standards actuels des éditions de poche en dépit d'un éclectisme typographique (titres et noms d'auteurs). Dans la première fournée de cette nouvelle version de la collection El Aniss, citons : le volumineux «Notre-Dame de Paris», de Victor Hugo, «Lettres à ses amis», de Mouloud Feraoun, «Le grand Maulnes», d'Alain Fournier, «Le Bachelier», de Jules Vallès. Signalons l'erreur en couverture de l'ouvrage de Feraoun, libellé en tant que roman, alors qu'il s'agit de correspondances. Mais dans son ensemble, l'effort de qualité est nettement perceptible et l'on annonce, du côté de l'éditeur, de prochaines publications ou rééditions destinés à réinstaller la collection dans les librairies. Une nouvelle collection voit le jour. Intitulée «Universalia», elle semble plus portée sur la littérature moderne du XXe siècle si l'on en juge par ses trois premiers titres : «L'appel de la forêt», de jack London, «Le portrait de Dorian Gray», d'Oscar Wilde et «L'Arrache Cœur», de Boris Vian. Trois ouvrages magnifiques et incontournables pour un lecteur désireux de parfaire sa connaissance de la littérature mondiale. La reprise d'El Aniss et le lancement de Universalia sont bienvenus, d'autant que leurs créneaux sont jusque-là essentiellement pourvus par l'importation. Il serait souhaitable, pour rester dans l'esprit des livres de poche, et comme cela se faisait pour la première version d'El Aniss, que les prix soient imprimés sur les couvertures.