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Errances et références
Publié dans El Watan le 07 - 02 - 2015

En effet, on accorde au critique une autorité certaine, qu'il n'a pas forcément demandée, pour juger de la qualité d'une œuvre et décider de son destin. Pourtant, le travail de critique, tel qu'il est conçu de nos jours, est loin des idées de «tri» et de «jugement» que suppose son étymologie grecque. Dans notre incertitude moderne (ou notre incertaine modernité) la légitimité du jugement du critique est sérieusement remise en question.
Il s'agit, plus souvent, d'un liseur qui diffère du commun des lecteurs par une attention plus grande à l'écriture, un flair plus sûr pour repérer les nouveaux talents et les tendances émergentes, enfin par une connaissance plus large du contexte de chaque texte et des éléments biographiques ou bibliographiques des auteurs. Cette mission, à définir, du critique littéraire, a été le principal objet de réflexion du colloque «De la critique littéraire journalistique à la critique universitaire» organisé à la Bibliothèque nationale d'Algérie, les mercredi 4 et jeudi 5 février, par le magazine littéraire algérien LivrEscq.
Comme le suggère l'intitulé de cette rencontre, les intervenants ont œuvré à délimiter les champs respectifs de la critique littéraire universitaire et journalistique. Les avis ont divergé sur la question mais il en ressort globalement une différence d'espace et de temps. Le critique universitaire mène ses recherches sur plusieurs années et rédige des articles d'une dizaine de pages, voire des thèses de centaines de pages. Le critique journaliste, quant à lui, est soumis à l'actualité et à l'espace restreint imposés par son employeur.
Il existe évidemment une large palette de nuances entre ces deux situations types. En Algérie, les magazines spécialisés en littérature, à l'image de LivrEscq, et les suppléments culturels des quotidiens font souvent appel à des universitaires pour des articles qui sont à mi-chemin entre la critique journalistique et universitaire.
Pourtant, il existe une différence de taille entre ces deux critiques : le public. Quand le public universitaire exige une méthodologie, une théorisation et un métalangage spécialisé, le public de la presse impose une écriture percutante, de l'information concrète et un langage standard.
A ce propos, les critiques journalistiques ont pour la plupart mis en exergue leur mission d'information. Youcef Saïah, producteur et animateur d'émissions littéraires à la radio et à la télévision, a, par exemple, humblement résumé sa mission à «faire connaître les nouvelles publications dans le domaine littéraire», refusant la prétention à se déclarer critique littéraire. Dans le même sens, Guy Basset, vice-président de la Société des études camusiennes, a défendu la modeste forme du compte rendu, car, affirme-t-il, «la recension joue un rôle indispensable dans la réception d'une œuvre». 
Nuançant la dichotomie entre la critique universitaire et journalistique, Afifa Brerhi, enseignante à l'université d'Alger 2, a rappelé que la critique littéraire a été d'abord pratiquée dans la presse européenne, au cours du XIXe siècle, avant la spécialisation progressive de la recherche littéraire, à l'image des autres disciplines des sciences humaines. Le public de la critique universitaire s'est, de ce fait, restreint aux seuls initiés. Le travail de recherche, qui est le propre de la critique universitaire, lui donne par contre une vision beaucoup plus large du texte et du contexte. La diversité des approches (esthétique, sociologique, philosophique…) lui permet de déployer toute la richesse sémantique des textes. Concernant la critique de la littérature algérienne, Mme Brerhi souligne un grand manque de théorisation. Lynda Tebbani, doctorante à l'université de Lyon 2 et chercheure au CRASC, se joint à ce constat : «La littérature algérienne est lue de façon anthropologique, sociologique et culturaliste. On oublie un des éléments les plus importants qui est l'aspect artistique de la littérature. La dimension poétique est souvent occultée.» Même constat du côté du discours critique de l'université française sur les auteurs algériens qui se réduit souvent, selon elle, à une lecture idéologique en forme de «délirium politique» sur la situation de l'Algérie.
Sombre constat donc. Seulement, la généralisation est probablement injuste envers les quelques chercheurs qui œuvrent, en Algérie comme ailleurs, à produire une théorisation de notre littérature. On notera par exemple la communication très intéressante de Manel Aït Mekidèche, doctorante à l'université d'Alger, qui a fait découvrir à beaucoup les textes de Mohammed Dib sur la critique littéraire, lequel a critiqué cette
dernière, autant dans des contributions que des passages de ses romans. Charles Bonn, professeur à l'université Lyon 2, a raconté, pour sa part, son long parcours et ses efforts constants pour mieux appréhender la littérature algérienne : «Au début, quand je suis arrivé à Constantine en 1969, je découvrais la littérature maghrébine dont je ne savais strictement rien. J'avais lu par hasard Le Polygone étoilé, de Kateb Yacine. C'était difficile. Je sentais que c'était un grand texte, mais je n'avais rien compris. C'était très vexant pour un professeur de littérature. Cette vexation initiale m'a décidé à travailler dessus. Au début, j'utilisais la littérature pour comprendre la société. Mais je me suis rendu compte par la suite que ce n'était pas la meilleure manière d'aborder les textes. Il s'agit d'abord d'un travail littéraire. En débutant, je m'intéressais à ''ce que disent'' les textes, mais par la suite, je me posais la question de ''comment ils le disent''». Ce chercheur est, aujourd'hui, un spécialiste reconnu de la littérature algérienne et maghrébine.
Cette trajectoire, du fond vers la forme, est globalement celle de tout le discours critique sur la littérature algérienne. Partant, au lendemain de l'indépendance, de ce que le chercheur Mohamed Daoud, universitaire d'Oran et chercheur au Crasc, nomme «critique traditionnelle», orientée idéologiquement, voire moralement, on aboutit à une critique de la forme souvent teintée de structuralisme (cette théorie littéraire, portée en France par des auteurs, tels que Barthes, Todorov ou Genette, en vogue durant les années soixante du siècle dernier, sous l'appellation de «nouvelle critique»). Mohamed Sari, universitaire et écrivain qui fut partie prenante de cette évolution, relève le retour en Algérie, durant les années 1980, des boursiers de la Sorbonne comme un moment charnière. Après l'indépendance, analyse-t-il, le critique universitaire s'intéressait à la thématique de l'œuvre, à son rapport à la société et à ses représentations. Par la suite, une nouvelle vision s'est imposée progressivement : «On découvrait que l'œuvre littéraire n'est pas seulement porteuse d'une idée, d'un message, d'une idéologie, mais aussi de langue, de structure, de technique narrative, de personnages…» Cette nouvelle approche a certes beaucoup apporté dans la manière d'aborder notre littérature, mais elle a eu également, précise Sari, un effet pervers qui fut le retranchement de la critique universitaire dans un cercle fermé de spécialistes. Le résultat est un désengagement de l'université des débats qui font la vie de la société. «Prenons la décennie de terrorisme, illustre Sari. A partir de la moitié des années 1990, beaucoup de romans ont traité de cette réalité. Mais l'université a décidé de mettre de côté ces œuvres, comme s'il n'y avait pas de romans qui traitaient de ce traumatisme majeur. Même quand elle en parlait, l'université a continué de produire des essais à base d'analyse du discours, de structure…» Ainsi, par le changement structurel de l'université, l'intérêt professionnel d'une thèse (obtenir un diplôme, un poste, une promotion) aurait supplanté l'intérêt scientifique d'une problématique donnée pour le chercheur. «La preuve, poursuit Mohamed Sari, la plupart des enseignants cessent de publier à partir du moment où ils obtiennent un doctorat et un poste à l'université.» Mais cet état de fait est également dû à la rareté des publications universitaires et des revues spécialisées.
Du côté de la critique journalistique, le constat n'est pas plus reluisant. L'espace réservé à la culture en général, et à la littérature en particulier, se réduit comme peau de chagrin. De plus, le manque d'effectif oblige certains journalistes à faire preuve de «polyvalence», sautant d'une rubrique à l'autre, étant obligés de privilégier la productivité aux dépens de la qualité. Et, lorsqu'ils travaillent uniquement dans des rubriques culturelles, ils doivent assurer la couverture de manifestations artistiques diverses, sans pouvoir se spécialiser dans une ou deux disciplines (théâtre, cinéma, arts plastiques ou littérature, laquelle demande, de plus, des temps de lecture incompatibles avec les rythmes rédactionnels). Dans un article largement cité par plusieurs intervenants, Ahmed Cheniki (Le Soir d'Algérie du 07/04/2010) comparait la critique journalistique de la presse actuelle à celle du temps du parti unique où certaines publications étaient entièrement consacrées à la culture : «Ettab'yin, El Kitab ou El Moudjahid Ethaqafi, Novembre (quatre numéros). Le travail, dans ces conditions, est beaucoup plus sérieux. Des signatures de renom avaient pignon sur colonnes. On ne peut oublier les expériences de Algérie-Actualité et de Révolution Africaine qui avaient des critiques littéraires attitrés et qui donnaient la possibilité à deux ou trois journalistes de lire le même texte.»
Actuellement, la critique de presse a peut-être gagné en liberté ce qu'elle a perdu en profondeur. L'étau de la censure idéologique s'est certainement desserré mais l'impératif de productivité confine souvent à la superficialité. «La critique journalistique suit de près la production, mais elle ne peut pas élaborer un discours sur le roman, souligne Mohamed Sari.
Un article de presse de 1000 signes ne peut que donner l'idée générale. D'ailleurs, notre presse a rarement créé le débat autour de ces œuvres. Les quelques débats qu'on a eus provenaient d'outre-Méditerranée».
Si la critique universitaire s'est progressivement éloignée du champ politique, la presse a, quant à elle, surinvesti cette dimension. L'audace et la nouveauté d'une œuvre sont souvent jugées à l'aune de son «message» social et politique. Dans la plupart des commentaires journalistiques sur des œuvres littéraires, l'audace se résumerait donc à «casser les tabous» et la nouveauté à exhumer des faits historiques occultés ou à souligner les fléaux de la société.
Autant d'entreprises, certes louables en intentions, mais qui n'établissent en aucun cas la qualité littéraire d'une œuvre, soit un imaginaire, un univers, une atmosphère et, surtout, une écriture et un style
Et, comme l'a souligné un confrère intervenant lors d'un débat, «que veut dire casser les tabous quand, souvent, on ne fait que défoncer des portes déjà ouvertes ?» A force de ramener les œuvres à leurs formes, la critique universitaire se serait éloignée de leur substance, mais à force de les ramener à leurs contenus sociopolitiques, la critique journalistique se serait éloignée de leur art, conduisant même une partie du lectorat à juger un roman à travers les critères d'un traité de sociologie, sinon d'un reportage, voire d'un tract.
Ces deux jours de colloque ont donc réussi, malgré des interventions de qualité inégale et l'absence de journalistes culturels invités à communiquer ou témoigner, à esquisser les grandes lignes d'une situation qui appelle à une indispensable critique de la critique.


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