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Le devoir est fait, le droit est défait
Publié dans El Watan le 08 - 03 - 2015

Condamnée à mort par la France, pour faits de résistance, condamnée à l'oubli dans son pays. A Guelma où elle vit avec sa famille et ses petits-enfants, l'accueil est chaleureux dans son minuscule appartement de la cité populaire des frères Rahabi. Autant dire que la surprise a été réciproque : Zohra paraît visiblement étonnée de nous voir là, devant elle, à lui poser des questions, et nous de la voir dans ces conditions qui cadrent mal avec son statut. Est-ce ainsi que vivent les moudjahidate qui se sont dévouées à mort pour la cause ?
Enfance difficile
Des sept condamnées à mort (Djamila Bouhired, Djamila Bouazza, Djoher Akrour, Jacqueline Guerroudj, Baya Hocine, Zahia Kherfallah et Ghomrani Zohra), ce sont sans doute les deux dernières qui sont les moins visibles et les moins audibles. Et pour cause, elles se sont imposé un silence assourdissant depuis l'indépendance. Zohra a renoué avec la parole pour conter son douloureux parcours et dire l'inhumaine condition vécue dans les geôles, attendant l'heure fatidique de la guillotine… Zohra a eu une enfance difficile. Alors qu'elle n'avait qu'un an, son père décède lors de la Deuxième Guerre mondiale.
Une année après, sa mère succombera à une longue maladie. La fillette est recueillie par son oncle Sebti, qui fera tout pour lui donner l'affection manquante.
Ces départs précoces causeront des meurtrissures indélébiles. Et cette question de l'absence, elle se l'est posée durant toute son enfance, sachant que nul ne peut remplacer l'affection parentale. Comment survivre à la perte d'êtres chers qu'on n'a pas eu la chance de connaître ? Quelque part, on en est inconsolable et cette déchirure a sans doute eu des conséquences.
Un transfert s'est établi. L'amour de la patrie a pris le dessus. Et à peine adolescente à quinze ans, elle rejoint le maquis grâce à la complicité de sa cousine Bariza, à peine plus âgée qu'elle. En 1956, elle rallie les maquis de Guelma, au Djebel Maouna, où jeune fille elle s'occupe à panser les blessures et aux différentes tâches de ménage et d'agent de liaison, jusqu'au jour où on lui confie des missions plus risquées. Elle avoue que la vie au maquis était très dure et contraignante, mais «la solidarité supplantait toutes les peurs qu'on arrivait à domestiquer. Moi, je n'aimais pas rester dans les casemates. J'y étouffais. Et lorsque je sortais alentour, mon chef Hassan Djidjelli et Smaïl
Mekhancha me grondaient comme un père gronde sa fille.
Ils criaient que mon attitude mettait en péril tout le groupe. J'ai fini par m'adapter.»
Ces années au maquis l'ont marquée encore plus, cette condamnation à mort dont la dépêche de Constantine de l'époque rapporte les péripéties, avec un titre en grosses manchettes à la Une. «C'était le 17 octobre 1959, en fin d'après-midi vers 19h30, en plein centre de Guelma, trois engins piégés éclataient.
En effet, une femme voilée venait de quitter la bijouterie de M. Buillard, horloger, rue Saint Augustin, après avoir demandé divers renseignements sur des montres. M. Buillard, toujours vigilant depuis l'explosion d'une bombe dans un magasin situé non loin du sien, faisait le tour du comptoir après le départ de sa cliente et découvrait la bombe.
Le service d'ordre alerté, un bouclage des rues adjacentes était effectué. Et tandis que chacun attendait avec anxiété l'arrivée d'un artificier prévenu par le secteur, une forte explosion se faisait entendre. Il s'agissait d'un second engin qui venait d'éclater rue Saint Louis dans un magasin situé à 150 m de la bijouterie. Cinq minutes après, l'obus de la bijouterie explosait à son tour, suivi d'une troisème explosion provenant de la rue Maréchal Foch, ne faisant toutefois, grâce au bouclage, que des dégâts matériels. Arrêtée quelques mois plus tard, le 15 avril 1960 à Guelma, Zohra après un ‘‘séjour'' musclé dans sa ville natale, a été transférée à la prison de Constantine (écrou n°6517).
Le tribunal permanent des forces armées de la ZNEC siégeant à Guelma, au palais de justice rue Sadi Carnot, a jugé le mardi 7 mars 1961, correspondant au 20e jour du Ramadhan 1330, plusieurs terroristes dont Ghomrani Zohra dite Houria, inculpée de tentative d'assassinat.» La déflagration, selon l'assaillante, a coûté la vie à un officier français.
Zohra sera transférée à Serkadji le 13 avril 1961, dans le couloir de la mort (écrou n° 834). Ces incarcérations réveillent de vieux démons qui hantent la mémoire de Zohra, qui se souvient qu'à Barberousse (Serkadji) elle était dans la même cellule que Jacqueline Guerroudj : «J'avoue que j'étais surprise de voir une Européenne emprisonnée pour la même cause. Elle était plus âgée que moi ; j'avais 20 ans, elle en avait le double, on s'entendait bien et sa disparition il y a quelques semaines m'a beaucoup chagrinée. Je pense qu'on n'a pas mis assez en valeur le rôle des Européens engagés en faveur de notre lutte de libération…».

Condamnée à mort

Zohra avoue avec un soupçon de candeur naïve qu'elle n'a fait que son devoir, et si cela était à refaire, elle le referait et que son devoir n'est ni une auréole, ni un marchepied pour obtenir des passe-droits… Elle préfère plutôt parler de droit, elle qui a trop gardé le sens de la justice sociale… Femme d'une grande timidité, Zohra n'apprécie pas qu'on lui parle d'audace ou de courage, car aussitôt cette dame souriante s'anime : «Je n'aime pas qu'on me dise que je suis une héroïne, que j'ai défié la mort, car c'était ma destinée et je n'ai pas à m'en servir pour rehausser mon prestige ou quémander un quelconque avantage, je ne demande que mon droit, c'est tout.»
Sa fille cadette, Mouna, prend le relais pour faire part de ses déceptions. : «Vous voyez où nous habitons en étant simples locataires dans un F3. Lorsque nous nous présentons à la wilaya pour le logement social auquel nous avons droit, nous sommes reçues avec dédain, sinon avec mépris. On nous toise de haut et on nous trimballe de service en service juste pour nous décourager. Les promesses sont nombreuses, mais jamais tenues», clame-telle. Zohra poursuit : «Un jour, l'ancien ministre des Moudjahidine M. Abadou, nous avait fermement rassurées. Cela fait des années et on n'a rien vu venir», se désole-t-elle…
Dédain et mépris
Zohra n'a jamais quitté Guelma. Après l'indépendance, elle devait se réinventer, renouant avec la vie civile en exerçant dans l'établissement hospitalier de Guelma Benzahra : «Ce n'était nullement un choix de carrière».
Elle en sort en 2000 pour une retraite bien méritée. Entre-temps, Zohra est sollicitée par Amar Laskri pour les besoins de son film Patrouille à l'Est, sorti en 1971. «Amar connaît bien la région et y a fait le maquis, c'est à ce titre qu'il me connaît. Je n'ai pas hésité à lui répondre favorablement en jouant le rôle de moudjahida. J'étais dans mon rôle et dans mon élément puisque les attitudes et les comportements que je devais simuler je les ai depuis le maquis avec mes compagnons de lutte.
Amar savait que je n'avais aucune notion ni de cinéma, ni de théâtre, mais il m'a fait confiance ! J'en garde une excellente image parce que j'étais parmi des artistes connus et aguerris que j'ai eu l'honneur de côtoyer, comme cheikh Noureddine Hacène Benzerari et d'autres. Quand je révisionne le film, j'éprouve d'énormes sensations.» Ce film avait obtenu le prix du 20e anniversaire de la Révolution algérienne en 1974 et a été primé au festival de Tachkent. Benzerari, acteur principal du film témoigne : «Zohra était jeune et belle, elle avait fait preuve d'une figuration intelligente. Dans ce film, on s'est tous donné à cœur joie. On était engagés à fond. C'était superbe. C'est le plus grand moment que j'ai eu dans ma carrière d'artiste», avoue Hacène. Zohra, qui se met au cœur de son aventure, de ses aventures ne donne jamais l'impression qu'elle en est le centre. Une forme d'humilité et de pudeur que lui reconnaisssent tous ceux qui la connaissent. Zohra dit avoir accepté sa condamnation à mort par l'ennemi, mais souffre de l'oubli dans lequel l'ont confinée ses frères… 
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