A l'origine cette fois-ci, ce sont les étudiants américains qui en seront la cause. Ainsi donc, c'est l'histoire d'une petite dette qui monte et augmente «alors que toutes les dettes ‘‘ménagères'' (crédits immobiliers, automobiles, prêts à la consommation…) se sont réduites aux Etats-Unis depuis le début de la crise, la dette estudiantine, elle, a continué à progresser. Entre 2007 et 2012, le montant total des sommes à rembourser est passé de 548 milliards à 966 milliards de dollars», rapporte le Manhattan Institute for Policy Research dans un document publié l'an dernier. En effet, la dette estudiantine américaine avoisinerait les 1200 milliards de dollars en 2015. Le montant total des prêts aux étudiants américains a fortement augmenté. Ainsi, ce sont 40 millions d'Américains qui ont un prêt étudiant s'élevant en moyenne à 30 000 dollars. Début 2014, l'encours total de ces prêts atteignait 1100 milliards de dollars. Pour Eric Berr, maître de conférences en économie à l'université de Bordeaux et membre des «Economistes atterrés», cette situation fait craindre le pire. D'autant que s'ajoutent à cela l'accroissement du chômage et l'augmentation des droits d'inscription dans les universités américaines. Dans ce cadre, le montant total des crédits étudiants sont certes inférieurs aux crédits immobiliers, mais ils sont maintenant supérieurs aux autres types de crédits, tels que les crédits automobiles ou les crédits à la consommation. «Si cette évolution n'est pas comparable à celle ayant mené à l'éclatement de la crise globale avec les prêts hypothécaires, il n'en demeure pas moins que les menaces sur l'économie sont réelles», souligne l'économiste Sylvain Fontan. Ceci est le résultat, tout d'abord, de la hausse du coût des études avec une augmentation des frais d'entrée à l'université allant de +30% dans les établissements privés, à +40% dans les établissements publics. Ensuite, cela est dû à la chute parallèle des bourses accordées aux étudiants de -20%. «La hausse des taux d'intérêt sur ces prêts a récemment augmenté. En effet, alors qu'auparavant le taux de crédit garanti par l'Etat fédéral pour les étudiants remplissant certaines conditions de ressources était de 3,4%, ce taux a été doublé depuis le 1er juillet 2013 pour s'élever dorénavant à 6,8%. La hausse du taux de crédit pour ces étudiants entraîne un surcoût moyen de 4,600 dollars par étudiant», analyse Sylvian Fontan. Selon les spécialistes, les raisons de s'inquiéter sont nombreuses. L'accroissement du chômage et l'augmentation des droits d'inscription conduisent inévitablement à la hausse du crédit étudiant qui, à son tour, impacte négativement la consommation (celle des étudiants, car les remboursements grèvent largement leur budget, mais aussi celui de leur famille car les étudiants endettés restent plus longtemps chez leurs parents) «En période d'augmentation du chômage, l'entrée sur le marché du travail est retardée et l'on prolonge souvent ses études afin d'accroître ses chances de décrocher un emploi conforme à ses attentes. Or, les droits d'inscription dans les universités américaines ont augmenté de près de 30% entre 2006 et 2012 afin de compenser la chute de 85% des revenus financiers des universités sur la même période (qui correspondent aux revenus du patrimoine mobilier des fondations) et le désengagement des Etats, autant de dommages collatéraux de la crise des subprimes. Aujourd'hui, le risque de faillite de certaines universités n'est d'ailleurs pas à exclure», avertit Eric Berr. Si rien n'est fait et que le gouvernement américain ne tente pas de contenir la situation, «à long terme les impacts peuvent s'avérer très négatifs. En effet, il convient de signaler que la hausse du poids de la dette peut décourager des personnes à investir dans leurs études et inciter certaines à mettre un terme aux leurs, a fortiori dans un contexte économique où les perspectives d'embauche sont faibles. Ainsi, ce sont environ 30% des 20 à 24 ans qui sont actuellement inoccupés, c'est-à-dire qui n'ont pas d'emploi et qui ne sont pas engagés dans un processus éducatif. Dans ce cadre, et au-delà des implications économiques immédiates, le risque à moyen et long termes en matière de dégradation du capital humain est bien réel. Autrement dit, ce phénomène pourrait entraîner une dégradation du niveau de qualification moyen de la population américaine, avec des implications potentiellement significatives sur sa croissance économique future», conclut Sylvian Fontan. Les Américains trouvent des difficultés à rembourser leur prêt étudiant, ainsi 11% des anciens étudiants ont plus de 90 jours de retard dans leurs paiements, un record selon la Réserve fédérale de New York qui compile les chiffres pour l'ensemble du pays.