Les éditions Chihab, en partenariat avec le centre des Arts et de la culture du Palais des Raïs ont organisé, samedi après-midi, une rencontre-débat avec Djamel Mati, à l'occasion de la parution de son roman Sentiments irradiés. Après Yogo et les gens du Barzakh, publié en 2016, Djamel Mati signe son septième roman, compartimenté en 14 chapitres. L'auteur propose un roman en totale rupture avec son ancienne écriture. Il s'attaque à un sujet sensible, celui de la tragédie des essais nucléaires de Reggane en 1960. Les tirs sont effectués à Hamoudia, à une cinquantaine de km au sud-ouest de Reggane. Le second essai nucléaire français a pour nom de code «Gerboise blanche». La bombe en question dégagea environ 4 kilotonnes. Djamel Mati note qu'à sa connaissance, il y a eu peu de romans sur cette tragédie. Il y a eu d'autres romans sur d'autres essais nucléaires, mais jamais sur l'opération «Gerboise bleue». Djamel Mati indique que le choix de ce thème s'est imposé à lui par hasard. C'est en regardant un documentaire à la télévision sur les bombardements d'Hiroshima, qui ont eu lieu en 1945, qu'il a décidé de parler des essais nucléaires de Reggane. «Je me suis dit qu'il y a certes eu cette tragédie, mais comment se fait-il qu'à ce jour on n'ait jamais eu la moindre excuse et la moindre reconnaissance de ce drame de la part des autorités françaises. C'était un devoir de mémoire pour moi de revenir sur cette tragédie en me documentant au préalable. Je n'ai pas la prétention de faire un travail d'historien», confie-il. Le roman Sentiments irradiés lève le voile sur Kamel. Un personnage bien singulier qui est né à La Casbah d'Alger. Ce fils unique a fait de brillantes études. Il décroche haut la main une maîtrise en droit à la faculté d'Alger. Par la suite, il s'enrôle dans les rangs du mouvement national, mais il est très vite en danger. Il fuit l'armée française en changeant à chaque fois de lieu pour se fixer à la fin de sa cabale à Tamanrasset. Un jour, il se retrouve par des circonstances aussi hasardeuses à Reggane, le jour même des essais nucléaires de 1960. Kamel restera prisonnier de ses cauchemars et de son isolement pendant 26 longues années. Il commence à avoir de la rancœur et de l'amertume, surtout avec l'âge. En effet, ce cinquantenaire décide d'aller en France pour raconter l'histoire de la «Gerboise bleue» aux Français. Cette narration bien construite se décline sous la forme d'un va-et-vient entre le passé et le présent. Le passé est raconté dans une correspondance. Kamel promet de tout raconter à son ami Khadda, pourquoi il est resté tant d'années à Tamanrasset. Alors que Kamel est en France pour un colloque, il raconte une tranche de sa vie à son ami Khadda. Ainsi, chaque nuit, Kamel écrit une lettre à son ami pour lui raconter au fur et à mesure son passé douloureux. Kamel a subi une double tragédie puisqu'il a perdu sa femme et sa fille à cette époque-là. Paul, un médecin qui faisait son service militaire à Reggane, n'a pas voulu prêter assistance à la défunte. «Paul, explique Djamel Mati, a été autant tourmenté que Kamel ces vingt-six années. A part que Kamel était animé par un esprit de vengeance, Paul n'en avait pas de vengeance». L'auteur indique que quand on écrit une histoire, souvent on n'est plus maître de ses personnages. Ces derniers finissent par exister réellement dans l'esprit de l'écrivain. «A un certain moment, argumente t-il, il va falloir suivre réellement leur logique. Souvent les personnages, une fois qu'ils ont leur texture, leur mentalité, leurs forces et leurs faiblesses, ils finissent par vous aider à les comprendre et à écrire dans le sens voulu, avec leurs défauts et leurs forces». A la question de savoir si ce roman se caractérise par un changement dans l'écriture, Djamel Mati soutient que l'histoire de son roman colle à une histoire réelle. «C'est un rupture. C'est quelque chose de nouveau. J'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce roman avec beaucoup de rigueur et de sincérité», soutient-il. Si la conclusion de ce roman reste ouverte, puisque Paul remet à Kamel un couteau pour se venger, l'écrivain, Djamel Mati, explique que cette fin il l'a voulue ainsi, pour la simple raison que cette histoire n'est pas soldée. «Peut-être que j'ai envie de décrire une suite. Mais pas de suite. J'écris rarement une suite après un roman, car il faut passer à autre chose. Pour moi, c'était la fin la plus logique et la plus sincère».