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Le livre du silence (II)
Djamel Amrani, les poètes ne meurent jamais, ils s'éteignent
Publié dans El Watan le 10 - 03 - 2005

Revenons à ce jour. Il pleuvait sur la ville et Djamel était là, assis en face de moi et d'une caméra, l'esprit errant dans le creux d'une vague époustouflante d'un poème. Comme ça. Tout humblement, le poète s'en va. Comme dans un jeu d'enfant où on ne se donne même pas la peine de fermer la porte derrière soi pour être le premier à embrasser le soleil matinal, et avant tout le monde.
Il est parti sans avertir personne, sur la pointe des pieds comme une ombre blanche afin de ne pas déranger, comme il l'a toujours fait de son vivant. Sans même regarder derrière lui les feuilles baissées du citronnier, comme font les exilés quand ils s'éclipsent de bonheur pour éviter de tomber sous le poids de l'amertume et le désir d'un possible retour qui les hante. Ils savent mieux que quiconque que la voie de l'errance est longue, peut-être même sans fin. Ils croient vivre le provisoire, mais ils découvrent après quelques années d'absence que c'est toujours un provisoire qui dure. Ils ne retournent jamais la tête par peur de changer d'avis. Et ils partent comme des poètes, traînant derrière eux un filament de fumée rose ou mauve dans lequel se cachent les voix sablées de ceux qu'ils ont aimés et peut être perdus à tout jamais et une petite flamme qui se perd dans le gouffre des nuits longues d'un quatrain qui ne finit jamais. Oui, les poètes ne meurent jamais, mais ils s'éteignent. Une bougie sur une table isolée d'une vieille cabane qui se consume sous les lumières éblouissantes du cœur, ou un jaillissement aveuglant d'un poème noyé dans un silence que seuls les poètes savent faire parler. Il était là. Fatigué par le poids des jours monotones, avec ses pas isolés et rythmés comme un poème ou escaladant les longs escaliers de la radio. Il est toujours difficile d'accepter la mort, surtout quand celle-ci touche les êtres les plus chers. Chaque fois que quelqu'un part, c'est un pan de la vie qui s'éclipse en se consumant. Mais c'est aussi un homme qui nous quitte laissant derrière lui un vide difficile à combler. Un homme dont la vie n'était pas toujours de la poésie. Je ne peux pas échapper à ce sentiment tragique de perte chaque fois que je suis devant l'un de ces hommes qui ont fait notre histoire culturelle dans la douleur. J'ai la nette conviction qu'une génération entière, qui a bercé notre mémoire proche, est en train de partir si vite qu'on arrive très mal à se rendre compte. Peut-être que les années noires, vécues dans la solitude, nous ont appris à supporter les coups répétés de la mort. Beaucoup sont partis dans l'insouciance criminelle, d'autres partiront sans même qu'on se rende compte de leur disparition. Et cette question assassine refait surface à chaque tournant de notre vie : qui sera le prochain ? Que faut-il faire avant que ça ne soit trop tard ? Comment fixer ces visages dans la mémoire de ceux qui viendront et à qui on n'a pas grand-chose à offrir que ce désir charnel de vivre un pays et une culture ? Il pleuvait ce jour-là. Assis en face de moi et des caméras, derrière lui un fond noir qui faisait bien ressortir ses traits d'enfant maladroit qui a trop peur des lumières. C'était le numéro 20 de l'émission télévisuelle « Diwan » produite par l'ENTV, consacrée au grand poète Djamel Amrani. Je ne garde de lui que son aimable disponibilité, et cette phrase à la fin du tournage : « J'espère Waciny que je ne t'ai pas déçu, je suis venu pour toi et je n'ai pas l'habitude de faire ces choses. Je succombe vite aux charmes de la pluie et de la poésie. » Sa voix était forte et pleine d'échos et de modestie. Ce matin là, il a ouvert sa poitrine et laissé s'envoler en éclats tous les débris d'une vie difficile à cerner. Il a parlé de sa mère, de ses sœurs, de la tragique disparition de son père et de ses livres, de ses déplacements entre Sour El Ghozlane, Cherchell, Bouchaoui et puis le Maroc, au service de la cause nationale. Il a longtemps parlé de Jean Senac et de son assassinat prémédité, de la mort de Tahar Djaout dont il ne s'est jamais remis. Il parlait avec douleur. Dans ses yeux, tel un miroir brisé, chevauchaient des larmes ardentes qui refusaient de fondre sur une barbe fatiguée par l'usure des temps durs. Il murmura : « Le jour où j'ai perdu Tahar Djaout, je me suis posé la question inévitable : à qui le tour maintenant ? Je me voyais le prochain. Ces années rouges nous ont affaiblis. » Il avait toujours ce regard d'enfant, perturbé par le bruit des caméras et des lumières de l'éclairage, lui qui a toujours préféré le silence du poète et la modestie des hommes justes ? En évoquant son beau-frère Ali Boumendjel et sa ville d'adoption Birmandreis, une vague de douleur traversa sa gorge, rendant du coup sa parole difficile. Il reprit, sa main tremblait comme une feuille blanche : « Est ce qu'on peut recommencer ? » Fatigué par les injustices des hommes formatés dans un moule social uniforme, il ne s'est jamais résigné. La poésie était sa raison de vie et sa liberté. C'est la flamme qui ne s'éteint jamais disait-il. Elle était son seul présent. Dès qu'il s'envole vers le passé, je revoie vite l'homme politique, le journaliste engagé et l'officier de l'ALN. Mais dès qu'il se projette dans le présent et un peu dans l 'avenir incertain, je rencontre le poète triste. Dans notre pays, quand on est poète, on est inévitablement triste et seul. C'est plus qu'une génération qui part, une histoire qui meurt. Depuis que j'ai commencé la réalisation de la série Diwan, depuis trois ans, j'ai vu partir des hommes irremplaçables : Dib est mort alors qu'on était en plein montage de son émission. Il disait cela : « A un moment donné, il faut savoir fermer les yeux pour ne voir que la vie toute nue, elle est belle sans l'habillage de mensonges. » Abou Laïd Doudou, savant et grand traducteur, connaisseur de plusieurs langues dont le latin et traducteur du roman fondateur l'Ane D'or d'Apulée vers l'arabe, il est mort alors qu'on venait d'envoyer son émission à la diffusion. Tout le monde a parlé, de lui et des autres. Le lendemain, ils sont retombés dans l'oubli. Comme si notre mémoire collective est faite de brouillard et d'ombre. Il y aura beaucoup de fêtes et de rencontres pour immortaliser la mémoire de Djamel Amrani, la suite tout le monde la connaît, on l'oublie, et on se prépare cyniquement pour fêter la mort du prochain. Pourtant, un poète ne meurt jamais, il fait ce que font les étoiles, il s'éteint pour laisser rejaillir la lumière du cœur de la nuit et caresser ce grand silence qui nous entoure et qu'on nomme sur le bout des lèvres : la mort. Il rejoint cet espace sacré des passeurs de rêves ou seuls les poètes, demi-dieux, ont droit de cité, Homère, Virgile, Ronsard, Abou Al Aâla Al Maârri, Al Moutanabbi, Kateb Yacine, Safia Kettou, Benhaddouga, Djaout, Sadek... Ce jour-là, il pleuvait, mais quelque part son regard était triste. Trop triste. Un sentiment profond de gâchis.

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