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Laqouassem : Un douar encore hanté par les années GIA
Le village avait connu un exode massif de ses habitants
Publié dans El Watan le 14 - 02 - 2010

Mohamed Mouley, 25 ans, en bottes et bonnet de rigueur, vaque à des travaux agricoles dans la ferme familiale. Mohamed habite à Laqouassem. C'est l'un des nombreux douars de la wilaya de Tissemssilt à avoir été déserté massivement par ses habitants durant les années GIA.
Encastré dans un massif montagneux aux confins de la wilaya, il est à 55 km à l'ouest de Tissemssilt et à une vingtaine de kilomètres à peine de Ramka, cette localité martyre de la wilaya de Relizane qui fut le théâtre d'un affreux massacre qui avait fait des centaines de morts en janvier 1998. « Nous avons quitté le village en 1997. Les terroristes étaient venus un jour et nous ont rossé de coups avant de nous intimer l'ordre de quitter nos maisons immédiatement. Ils nous ont prévenus que s'ils nous retrouvaient ici le lendemain, ils nous égorgeraient » témoigne Mohamed. C'était donc quelques mois à peine avant les terribles massacres de Ramka et de Had Echkala. Mais c'était déjà l'époque des boucheries de Bentalha et Raïs, dans la Mitidja. Le GIA martyrisait alors nos campagnes, et les mechtas et les douars de l'Ouarsenis n'étaient pas épargnés.
Chemin funèbre
Ici, on est complètement « hors champ ». Pas de réseau. Laqouassem relève de la commune de Lardjem dont elle est distante d'une vingtaine de kilomètres. Pour nous rendre au douar, nous avons d'abord emprunté la RN19 jusqu'à la localité de Lardjem, située sur l'axe Tissemssilt-Chlef, à quelques 35 kms du chef-lieu de wilaya. Lardjem est en elle-même une petite ville très pauvre qui suinte la sinistrose, comme en témoignent ses bâtiments lugubres et ses routes mal faites, véritable cloaque englouti par la tourbe. Nous nous rendrons vite compte que pour monter jusqu'à Laqouassem, nous n'avons d'autre choix que de louer un taxi clandestin. Les habitants du village ou les militaires qui y sont affectés doivent débourser 500 DA s'ils veulent s'attacher les services d'un clandestin. Et c'est 1000 DA l'aller-retour.
Kadour, 42 ans, est taxi clandestin justement. C'est lui qui se chargera de nous emmener à notre destination à bord de sa vieille 305. Nous nous engageons d'emblée sur une piste cahoteuse et bourbeuse qui serpente au milieu d'un décor bucolique. Tout au long du chemin, Kadour se remémore de poignants souvenirs et dresse la chronique de sang de la région qui l'a vu naître. « Ici, ils ont tué mon cousin » dit-il à hauteur d'une bifurcation menant vers Relizane par la route de Ramka. « En 1999, mon frère qui passait son service militaire près de Tiaret est mort dans des conditions mystérieuses. On nous l'a rendu dans un cercueil scellé. On nous a raconté qu'il a été emporté par un oued en crue mais on n'en croit rien. D'ailleurs, il a le statut de victime du terrorisme » raconte Kadour avec un détachement saisissant. Et de nous avouer : « Moi-même, j'ai échappé de justesse à la mort. En 1995, je suis tombé dans un faux-barrage à Theniet El Had. Les terroristes ont trouvé dans ma poche un papier attestant que j'avais passé le service militaire. Ils étaient sur le point de m'exécuter quand j'ai attiré leur attention sur le fait que j'ai passé l'armée en 1987. »
Une caserne, une mosquée et le silence
Au bout d'une demi-heure de trajet, les premiers hameaux de Laqouassem émergent d'un maquis touffu. Une caserne de la garde communale annonce la couleur avant qu'un détachement d'infanterie de la deuxième Région militaire ne nous souhaite la bienvenue. C'est en l'an 2000 que ce contingent de l'ANP a été installé à Laqouassem, nous dit-on, afin de sécuriser la région et encourager les villageois à revenir. Une barrière filtre scrupuleusement les accès. Le soldat en faction nous autorise à pénétrer avant qu'un adjudant ne nous stoppe dans notre course. Il en réfère à son commandant qui, à son tour, s'enquiert de l'objet de notre mission. Il demande l'autorisation au secteur militaire avant de nous restituer nos papiers en nous donnant le feu vert. Nous pénétrons enfin dans le douar de Laqouassem.
Une mosquée trône au cœur du village. Plus loin apparaît une école primaire, le seul établissement scolaire du douar. Il jouxte une autre caserne de la garde communale. Un bâtiment de construction récente annonce une maison de jeunes ainsi qu'un centre de promotion de la femme rurale. Mais les deux institutions sont tristement vides. Des baraques érigées à flanc de colline ont l'air de n'avoir que des fantômes pour occupants. On peut voir néanmoins un berger parmi un troupeau ou quelque agriculteur solitaire bêchant un lopin de terre. Sinon, c'est le silence de la nature morte, celui d'une terre désertée par ses enfants. A un moment donné nous croisons un jeune homme fluet. C'est Mohamed Mouley.
C'est le seul membre de sa famille à être revenu au douar. Mohamed a arrêté ses études en 6 année élémentaire. « Il était impossible d'étudier. Les terroristes ont brûlé l'école » justifie-t-il. Et de nous faire le récit de ces moments apocalyptiques dont le cauchemar hante encore le douar : « Un jour de 1997, je devais avoir 12 ans, ils sont venus, ils étaient une centaine, ils ont roué mon père de coups sous mes yeux, ensuite, ils nous ont sommés de quitter les lieux. Ça m'a fait très mal de voir mon père tabassé sous mes yeux. Ils nous ont avertis qu'ils reviendraient le lendemain, et s'ils trouvaient quelqu'un, ils l'égorgeraient sans ménagement. » Et la famille de Mohamed, à l'instar de tous les habitants de Laqouassem, de s'exécuter sous peine de subir la loi des GIA. « Ils ont tout cassé, ils ont pillés nos maisons, volé notre cheptel, massacré les poules… » poursuit Mohamed.
« La nuit même, vers 3h du matin, nous avons fui massivement le village. Nous avons marché toute la nuit. On a tout laissé derrière nous. Ma mère marchait pieds nus. Elle n'avait que des claquettes à chausser. Jusqu'au jour d'aujourd'hui, elle garde les séquelles de cette horrible nuit. Elle a des problèmes cardiaques. » La famille Mouley va trouver refuge dans les agglomérations sécurisées des piémonts, grâce au réseau de solidarité familiale. « Nous sommes partis nous installer chez des gens de notre famille à Hamadia, dans la wilaya de Tiaret. En 2000, mon père est revenu au village et s'est engagé comme garde communal, profession qu'il continue d'exercer à ce jour à la fois pour nous faire vivre et pour assurer la sécurité du village » dit Mohamed. « Les militaires se sont installés en 2000 et les habitants du douar ont commencé timidement à revenir, mais, vous savez, les gens ont toujours peur. Ennass mazalha khayfa. » Mohamed est revenu s'installer auprès de son oncle pour l'aider à entretenir les biens de la famille.
« Nous cultivons un jardin potager, nous avons un vignoble qui nous rapporte un peu d'argent. Nous avons également quelques têtes de bétail. En ce moment, je m'occupe surtout à aller chercher du bois dans la forêt et le revendre au marché à 1200 DA le fagot. C'est ma seule ressource. » Qu'en est-il du reste de la famille ? « Ils sont restés à Hamadia » répond Mohamed. « Moi, j'ai été sacrifié, mais je ne veux pas que mes frères et sœurs subissent le même sort que moi. Il faut qu'ils étudient et aillent le plus loin possible. Ce coin perdu n'est pas fait pour eux, il ne leur offre aucune perspective. C'est pour cette raison que ma famille n'est pas revenue ».
La forêt fait peur
Abedelkader, 27 ans, se joint à nous. Lui aussi s'occupe de la ferme familiale. « Je suis né à Laqouassem » dit-il d'entrée. « Après cette violente incursion terroriste, nous sommes partis à Mostaganem. Nous nous sommes réfugiés chez un proche qui possède une ferme. Nous sommes restés chez lui trois ans, et nous sommes revenus. Le retour au douar a été très dur. On a trouvé notre maison dans un piètre état ». Pour se faire un peu d'argent, Abdelkader va lui aussi dans la forêt chercher du bois. « Mais la forêt fait peur » lâche-t-il. La hantise de Abdelkader, c'est l'électricité. « Nous n'avons toujours pas d'électricité, et sans la caserne des gardes-communaux qui nous alimente par le biais d'un branchement sauvage, nous serions dans le noir » se plaint-il. « Pour faire à manger, nous devons recourir au gaz butane à raison de 250 DA la bouteille, sans compter les frais de transport. Et ça tient à peine trois ou quatre jours. »
Fait curieux : si le destin a voulu que les familles de Mohamed et de Abdelkader subissent les mêmes affres du terrorisme, les chemins de leurs parents ont suivi des trajectoires opposées : alors que le père de Mohamed s'est engagé comme garde-communal, celui de Abdelkader sera arrêté pour « soutien au terrorisme » « Ils ont injustement condamné mon père et mon frère aîné à six mois de prison au motif qu'ils donnaient à manger aux terroristes " rage Abdelkader. " Qui pouvait leur tenir tête à l'époque ? » peste-t-il. Abdelkader est pessimiste quant à l'avenir du douar : « Ce qui empêche les gens de revenir, c'est le manque de moyens. Nous n'avons ni profs pour nos élèves, ni dispensaire pour nos malades, ni route carrossable, ni aucune commodité. Nous n'avons même pas d'imam. Nous vivons dans l'isolement le plus total.
Constatez par vous-mêmes l'état de la route. Pour se rendre en ville, c'est toute une galère. Soit vous louez un clandestin à 500 DA, sinon, on voyage comme du bétail dans des 4X4 bâchées à 50 DA la place, quand nous avons le luxe de les trouver. Comment voulez-vous que nous, les jeunes, on puisse nous épanouir ici ? »


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