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Ce que lisaient les petits français au 19e siècle(Histoire) : Légendes coloniales
Publié dans El Watan le 20 - 02 - 2010

La conquête de l'Algérie s'est appuyée sur une offensive idéologique totale qui utilisait même la littérature pour la jeunesse.
(Bureau de Paris)
Dès le lendemain de l'occupation française de l'Algérie, des maisons d'éditions ciblant les jeunes lectorats vont glorifier la colonisation. Mathilde Levêque, maître de conférences à l'université Paris XIII, travaille sur cette question. Dans des contributions récentes, elle livre le fruit de ses recherches. Dès 1836, affirme-t-elle, « l'Algérie fait son apparition dans le champ de la littérature pour la jeunesse, dans un récit pour la jeunesse édité par Mame, (à Angers), au moment même où commence à se mettre en place la Bibliothèque de la jeunesse chrétienne ». Travaillant depuis des années sur cette question, elle dit avoir recensé, dans un décompte non exhaustif, environ 35 ouvrages, publiés sur près d'un siècle, entre 1836 et 1930, qui lui ont servi de base de recherche. « Je me suis limité, précise-t-elle, aux récits de fiction et aux récits de voyages (les livres scolaires et livres d'histoire n'entrent pas dans mon corpus, même si je ne les oublie pas), pour comprendre notamment le contexte de l'ensemble des publications pour la jeunesse. Je suis loin d'avoir terminé… ».
Très tôt, l'imaginaire colonial s'installe. Les thèmes choisis s'intègrent parfaitement dans l'air du temps que les auteurs d'alors avaient bien senti et voulaient magnifier. On assiste, explique l'universitaire, à une « reprise du récit de captifs (qui raconte la guerre de course en Méditerranée, les navires pris par les « barbaresques », les chrétiens vendus comme esclaves à Alger, etc.), genre très prisé dans toute l'Europe depuis le XVIe siècle, dans la littérature pour adultes, mais en perte de vitesse vers 1830. C'est pourquoi je parle de ‘‘recyclage'' … ». Cette nouvelle littérature, destinée à un jeune public, impressionné par les récits, consiste en la « mise en place de tout ce qui contribue à créer littérairement une épopée coloniale pour la jeunesse ».
Les ingrédients utilisés parlent à toutes les imaginations. On y trouve « des héros-soldats, des actions glorieuses lors des combats, des parcours exemplaires comme celui d'un jeune garçon pauvre qui s'engage et gravit peu à peu les échelons de l'armée grâce à sa bravoure et à sa droiture, ramenant glorieusement la légion d'honneur dans son village natal, ou s'installant comme colon dans une exploitation agricole ». Et souvent, dans ces ouvrages, figurent « des passages incontournables qui martèlent la chronologie coloniale, notamment le « coup de chasse-mouche » du dey d'Alger présent dans tous les récits et chez tous les éditeurs ».
Les héros algériens, comme Abd-el-Kader, qu'on va vite retrouver également dans les livres de classe, jusqu'aux années 1950, apparaissent aussi dans cette épopée coloniale au XIXe siècle : « Il faut remarquer la place particulière consacrée à Abd-el-Kader, d'abord adversaire, mais toujours salué pour sa noblesse et sa bravoure ». Enfin, n'oubliant pas le contexte encore très chrétien de la société avant la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, « le modèle des croisades accompagne souvent la « geste » coloniale en Algérie », précise Mathilde Lévêque. Elle démontre que des stéréotypes se mettent en place : nécessité de conquérir Alger, « nid de brigands », « repaire de pirates » (expressions récurrentes) ; mission colonisatrice, intimement liée à l'Ancien Régime renaissant après la parenthèse de la Révolution française, puis le Premier empire de Napoléon 1er qui s'achève en 1815.
L'invasion de l'Algérie est donc vue comme la dernière conquête léguée par les rois Bourbons à la France et, à travers elle, à la reconquête du catholicisme et à la mission d'évangélisation. Le roi Charles X en sera convaincu, même si son règne sera plus bref que ses illusions dominatrices. La République de 1830 ne verra pas de mal à continuer l'exploitation royale de la nouvelle colonie. Paradoxe de ces historiettes destinées à distraire et éduquer, qui deviennent du façonnage des cervelles. Il s'agit bien de mettre en place une bibliothèque de la jeunesse chrétienne. Ainsi, outre la référence coloniale, la campagne d'évangélisation a été un des fers de lance éditoriaux.
Dans les livres étudiés, figurent aussi, affirme Mathilde Lévêque, quelques auteurs qui « critiquent les exactions des soldats français, dénoncent l'alcoolisme dans l'armée, offrent une position de plus en plus nuancée sur le nouvel Eden qu'est censée être l'Algérie colonisée ». Ainsi, Marie Guerrier de Haupt, dans La Fille du Kabyle (1876), présente un personnage particulier, André Berton, officier d'origine bretonne. Notre interlocutrice relève que « la foi catholique de Berton le place dans une position marginale par rapport à ses camarades qui se moquent de lui, puis finissent par le respecter. Marie Guerrier de Haupt, fait assez inédit dans la littérature coloniale pour la jeunesse, critique le manque de religion des soldats et va jusqu'à décrire la barbarie des razzias qu'ils commettent, l'action se situant en 1832, à l'époque où, pour la première fois, les troupes françaises adoptèrent les razzias employées précédemment par les Turcs, et même par les Arabes. »
Mathilde Lévêque rapporte l'attaque des troupes françaises contre le village kabyle, qualifiée de « scène d'une horreur indescriptible » dans le roman précité. « Des femmes, de malheureux enfants, surpris pendant leur sommeil, imploraient la pitié des vainqueurs, qui ne les entendaient même pas, et qui, eux-mêmes, n'avaient, pour ainsi dire, plus conscience de leurs acte », tout au long de cette « épouvantable nuit ». Le seul à faire montre de sentiments humains est Berton, qui sauve une jeune fille kabyle. Plus tard, après avoir été lui-même blessé et fait prisonnier, il est soigné par le père de la jeune fille qu'il épousera… une fois accomplie la conversion de la fille et du père. Dans Les Deux zouaves de Frédéric Koenig, on trouve une dénonciation explicite de l'absinthe, « boisson pernicieuse dans notre armée d'Afrique ». Cela va assez loin puisque le héros, jeune homme valeureux engagé dans le corps des zouaves, blesse mortellement son meilleur ami.
Une même dénonciation se retrouve sous la plume célèbre de la Comtesse de Ségur dans Le Mauvais génie (publié par Hachette en 1867). Mathilde Lévêque précise cependant que son champ est celui de la recherche universitaire : « Il ne s'agit aucunement de développer un discours de repentance, concept moral inopérant pour comprendre objectivement la littérature coloniale. Il ne s'agit pas non plus de réhabiliter des livres souvent tombés dans l'oubli en raison de leur médiocrité littéraire. Mettre au jour ce que la conscience collective a placé dans l'ombre, comprendre les raisons de l'oubli, étudier les procédés littéraires et éditoriaux, tenter de reconstituer un pan de la culture de jeunesse du XIXe et du début du XXe siècle, tels sont mes objectifs principaux ».
Cependant, ce travail éclaire le rouleau compresseur idéologique qui dominait la création livresque en un temps où la lecture était un des seuls vecteurs d'éducation des jeunes. Mathilde Lévêque s'est aussi intéressée, sous le titre L'Algérie de la jeunesse, conquête coloniale et appropriation littéraire (1840-1914) aux « mécanismes de l'inscription du discours colonial dans la narration pour la jeunesse et les mécanismes d'une appropriation culturelle d'un objet neuf pour l'imaginaire enfantin, l'Algérie, en vue de justifier et de construire un objet encore inexistant d'un point de vue culturel : l'Algérie française. Autrement dit, comment l'idéologie et la propagande investissent-elles la fiction pour enfants et quelles sont les implications culturelles d'une rencontre qui est avant tout un rapport de domination ? » Des éléments permanents traversent ces œuvres : Alger toujours décrite de la même manière, classification raciste des populations, justification de la colonisation par la religion et la civilisation que la France doit apporter au Maghreb.
Enfin, pour donner envie d'aller plus loin dans l'exploration, l'universitaire a également traité du thème : « L'engagement des écrivains pour la jeunesse dans la diffusion de l'idée coloniale : écrire l'Algérie sous la IIIe République (1870- 1940) ». Elle y met en avant quelques rares esprits critiques comme Gaston Bonnefont, auteur de Deux petits touristes en Algérie (1888). L'oncle des petits héros propose aux enfants, âgés de 11 et 12 ans, une vision historique critique et, pour le moins courageuse à l'époque : « Les Arabes ! Nous les traitons aujourd'hui en vassaux, en individus d'une nature inférieure à la nôtre, oubliant que, pendant les âges disparus, lorsque l'Europe était envahie par les barbares, ils se sont constitués les gardiens de la science et se sont efforcés de reculer les limites de son domaine. » C'est déjà une autre histoire !


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