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Professeur Seddik Larkeche. Docteur en sciences de gestion et en sciences politiques, avocat : Le poison algérien (Partie 2)
Publié dans El Watan le 17 - 05 - 2019


Le courage de la justice algérienne
Les arrestations opérées ces dernières semaines semblent s'inscrire dans cette volonté politique de mettre une pression forte sur un certain nombre d'acteurs qui ont peut-être flirté de manière plus ou moins fine avec le poison pour construire des empires. Peut-on croire aujourd'hui, vu le contexte révolutionnaire en cours, à plus de transparence par une justice qui, par le passé, a été trop souvent aux ordres ? J'ai envie de croire à ces juges qui n'ont plus peur et n'acceptent aucune pression.
Il serait illusoire d'envisager qu'aujourd'hui un juge puisse incarcérer des personnalités aussi puissantes, disposant de réseaux encore puissants, sans détenir des pièces tangibles dans leurs dossiers. Ces juges font honneur à cette nouvelle Algérie.
Ils savent aussi qu'il est essentiel, pour rester crédible, de ne pas céder à la pression de certains tout en préservant scrupuleusement la présomption d'innocence, le respect de la procédure, le principe du contradictoire et, de manière plus large, les droits de la défense.
La justice algérienne au centre des regards
La justice algérienne est, aujourd'hui, sujette à de nombreuses interrogations. Entre les uns qui tentent de l'instrumentaliser pour régler des comptes, espérant par ce procédé échapper à leurs propres turpitudes, et les autres qui sont attentifs à l'éveil de cette justice algérienne qui semble désormais avoir les coudées franches pour instruire ces dossiers brûlants dont le cœur est le poison. De nombreuses personnes sont dans le viseur de la justice.
Ces acteurs, souvent pour la première fois, doivent rendre des comptes, eux qui pensaient être intouchables soit par leurs positions monopolistiques dans le système algérien, soit par leurs accointances avec certains caciques, soit par leurs capacités de nuisance et d'influence. Les juges semblent aujourd'hui insensibles à toutes ces pressions et, en cela, ils font un travail remarquable, à la hauteur des espérances des millions d'Algériens qui, chaque vendredi, sortent pour réclamer une nouvelle république.
Le génie des juges algériens
Le génie des juges algériens réside dans la discrétion du travail qu'ils mènent, de manière minutieuse et laborieuse, en se fixant sur le poison et en particulier sur l'origine des fortunes, l'architecture des processus frauduleux et leurs ramifications internationales.
Certains de ces acteurs visés par la justice algérienne sont même soupçonnés, sur la base d'affirmations du Consortium international des journalistes d'investigation, d'avoir financé des campagnes présidentielles à l'étranger, dont celle du président Macron. Les faits sont très graves et non prouvés, c'est pourquoi la justice doit exercer ses prérogatives en toute sérénité et transparence.
Elle ne doit être l'otage de personne, ni du pouvoir, ni du peuple, ni de la bourgeoisie technocratique, industrielle ou commerciale et encore moins de l'étranger. Si l'on prend bonne note des affirmations du général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, la justice algérienne est désormais assurée dans ses missions sans pression aucune.
Je ne suis pas naïf, mais je n'ai que cette lecture prometteuse pour espérer un avenir meilleur pour l'Algérie. La force de cette deuxième révolution est d'avoir accéléré le processus d'émancipation en libérant la parole et, par prolongement, la justice qui n'a plus peur malgré les tentatives diverses d'instrumentalisation.
Piège de l'instrumentalisation de la justice algérienne
Les caciques et oligarques, toutes formes confondues, doivent désormais faire face à une justice redoutable car libérée et soutenue, dans sa nouvelle véritable indépendance, par les plus hautes instances – en l'espèce l'armée, colonne vertébrale du pays. La question cruciale est de savoir si l'état-major de l'armée qui s'est engagé à protéger l'indépendance des juges pourra tenir cet engagement car la pression est énorme.
En premier lieu en Algérie, par l'instrumentalisation de certains médias, de caciques du régime qui jouent un double jeu. Ensuite à l'extérieur du pays, avec des protégés en Algérie qui feront tout pour faire échouer la transition démocratique à une seconde république qui ne peut passer que par une justice forte et indépendante.
L'équation est complexe, comme souvent en Algérie. Le génie du peuple a été de s'élever massivement contre un système gangrené par le poison. Les Algériens doivent aujourd'hui être très vigilants sur leur instrumentalisation par des acteurs qui ont accaparé la rente algérienne tout en se présentant comme de véritables patriotes, entrepreneurs ou hauts fonctionnaires, alors qu'ils ont surfé sur un système gangrené par le poison.
La délicate position de l'armée
Le génie du peuple algérien est aussi d'avoir permis à tous ces magistrats intègres de se libérer de la pression d'un régime autocrate. Le peuple doit continuer à soutenir la justice dans cette nouvelle dynamique, qui nettoiera en profondeur le système corrompu pour longtemps. Dans le futur, plus aucun acteur, y compris dans la haute hiérarchie militaire, ne s'aventurera dans des malversations en se croyant impuni à vie comme ce fut le cas sous l'ère Bouteflika et même bien avant.
La justice algérienne ne sera totalement sereine que si l'armée tient sa promesse de préserver son indépendance contre toute pression, y compris lorsqu'elle s'attaque à de hauts dignitaires de l'armée impliqués dans des malversations. La seconde république échouera ou réussira en fonction de cet engagement précis de l'armée.
Du poison français au poison algérien, le paradoxe
Dans mon dernier ouvrage (décembre 2017), sous forme de lettre adressée au président de la République française, intitulé Le poison français, lettre au président de la République, l'Algérie est souvent au centre de mon analyse comme acteur démon de la mémoire collective française.
J'ai abordé la collusion de certains acteurs algériens et français pour que la mémoire algérienne continue de saigner en refusant aux Algériens le droit d'être reconnus en tant que victimes et donc de prétendre à une réparation politique et financière concernant les centaines de milliers de morts et de torturés, les milliers de femmes violées.
La France, via son Conseil constitutionnel, a fini par reconnaître, en date du 22 février 2018, l'égalité de traitement face à la barbarie coloniale. C'est une preuve de sa grandeur. Au même moment, le régime algérien restait étrangement muet face à cette décision historique.
Le silence du régime algérien face à la mémoire des Chouhada
Le président Macron m'a répondu par une lettre argumentée en date du 23 mars 2018. Je ne suis pas d'accord avec lui sur le fond, et c'est l'objet d'un prochain ouvrage. Pour sa part, le régime algérien ne m'a pas répondu, comme s'il était gêné par cette décision du Conseil constitutionnel, comme s'il existait une collusion entre certains acteurs algériens et la mère patrie France.
Pourquoi le silence complice de la France
Le poison algérien n'est pas celui de la France, même si cette dernière semble l'alimenter. La France accepte sur son territoire depuis de nombreuses années l'installation d'acteurs algériens qui investissent des centaines de millions d'euros par l'acquisition de biens immobiliers, d'affaires commerciales et industrielles, en totale infraction avec la législation algérienne.
Il n'est pas rare de voir de hauts fonctionnaires, diplomates, anciens ministres, chefs de gouvernement, de parti politique et hauts gradés de l'armée disposer de somptueux biens issus du blanchiment de capitaux, produits de la corruption opérée en Algérie.
La France semble peu soucieuse de l'origine des fonds, comme s'il existait une forme de silence acceptée par les deux parties. Il serait utile de répertorier le nombre de ces acteurs disposant d'un bien en France. Souvent, ces acquisitions sont couplées à l'obtention de la nationalité française pour eux et leurs progénitures.
Ces biens sont souvent établis au nom de leurs proches pour échapper aux éventuelles poursuites. La France n'est pas le seul pays, mais c'est celui qui draine le plus d'argent sale en provenance de l'Algérie, loin devant la Suisse, l'Espagne ou les Emirats arabes unis. Le volume des actifs des algériens (hors diaspora) peut être estimé à plus de 10 milliards d'euros.
Cet accueil français bienveillant pour ces acteurs est une forme d'appel d'air pour faire perdurer le poison algérien, c'est pourquoi il est urgent d'agir, y compris par une coopération fiscale rénovée entre l'Algérie et ces pays.
Pourquoi cette collusion coûte cher à l'Algérie
Pourquoi cette collusion ? Pour la France, l'Algérie doit rester sa chasse gardée sur de nombreux secteurs. En contrepartie, la France est souvent accueillante et bienveillante à l'égard de ses officionados (complices) dont un grand nombre sont des caciques du régime algérien ou des acteurs économiques bénéficiaires du poison.
Précisément, la contrepartie demandée à ces Algériens est de maintenir le système de rente en Algérie en étant très peu exigeants sur la nature et le volume des investissements français dans le pays. La seconde contrepartie est d'exiger de ces Algériens de ne jamais parler de mémoire et encore moins de réparation, au risque de franchir une ligne jaune.
Enfin, d'accepter l'idée de ne surtout pas s'élever contre le poison français, y compris sur la stigmatisation de ces musulmans, dont la majorité sont des ressortissants algériens, comme les nouveaux porteurs de l'antisémitisme français car antisionistes, comme l'affirme le président Macron.
Ce dernier a octroyé récemment, le 18 avril 2019, la plus haute distinction française, la Légion d'honneur, à un des porteurs les plus farouches du poison français : Michel Houellebeck. Un islamophobe notoire, qui assume pleinement sa haine des musulmans de France où les Algériens sont majoritaires. Une forme d'humiliation supplémentaire.
La diplomatie algérienne est restée silencieuse. Remettre la légion d'honneur à Michel Houellebeck est une offense supplémentaire pour tous les Algériens et devrait faire réfléchir ces oligarques, caciques du régime, représentants diplomatiques algériens qui s'accommodent en silence de ces agressions pour souvent, préserver de piètres, positions privilégiées.
Cette posture complice entre acteurs français et algériens explique en partie la mollesse de la position de l'Etat français à cette seconde révolution qui risque fort de lui faire perdre un certain nombre de privilèges. En résumé, cette collusion coûte cher à l'Algérie, d'abord parce qu'elle maintient le poison algérien en hébergeant sans scrupules, en France, tous ces oligarques et caciques du régime tout en gangrenant l'Algérie.
Le poison français est lié au poison algérien : le premier gangrène la société française par ses enfants d'origine algérienne à qui on nie la pleine citoyenneté et le droit de vivre dignement avec une mémoire apaisée ; le poison algérien gangrène tout un pays en polluant les rapports sociaux et, de manière plus large fait s'effondrer les valeurs patriotiques de tout un peuple qui a le sentiment que toute son élite est corrompue.
Ces deux poisons se rejoignent quand les élites de ces deux nations s'entendent sur le dos du peuple algérien pour se taire et couvrir les méfaits de l'autre. C'est d'autant plus grave que cela dure depuis presque toujours, créant une forme d'inertie profonde où le plus grand perdant est l'Algérie. C'est pourquoi il sera urgent de rénover en profondeur les rapports algéro-français.
La IIe république face au poison, des exigences vitales
Pour lutter contre le poison, l'Algérie s'est dotée depuis de nombreuses années de structures. La première fut cette fameuse Cour des comptes créée en 1978 qui avait condamné, le 6 janvier 1983, l'ex-président Bouteflika pour détournement de fonds.
Près de 60 millions de francs avaient été transférés illégalement des caisses du ministère des Affaires étrangères vers des comptes secrets en Suisse. D'autres acteurs, en particulier d'anciens ministres, seront également poursuivis pour mauvaise gestion. De ces condamnations, il ne restera presque rien dans la lutte contre le poison. Abdelaziz Bouteflika deviendra président de la République et ses acolytes occuperont les plus hautes fonctions ministérielles.
D'autres dispositifs et structures de lutte contre le poison seront créés. Force est de constater que les résultats ont été minces, en grande partie par l'implication de nombreux acteurs, tous secteurs confondus, y compris parmi les plus hautes de fonction de l'Etat. En réalité, les résultats sont catastrophiques vu l'ampleur et les effets dévastateurs du poison en Algérie : désillusion du peuple et détournement de près de 10 milliards d'euros chaque année, toutes malversations confondues.
Des mesures urgentes à prendre
La IIe république n'existera que si ce poison est éradiqué dans ses racines, c'est-à-dire en appliquant scrupuleusement la loi où la prévention, le contrôle et surtout la lutte active sur le plan national et international seront opérés.
L'Algérie est aujourd'hui à la croisée des chemins : soit elle décide de considérer la lutte contre ce poison comme priorité nationale, soit elle continue à faire semblant de ne pas percevoir l'ampleur de ce fléau qui est le principal frein au développement du pays. La IIe république que scandent des millions d'Algériens chaque vendredi est un cri du cœur.
Le peuple exige la fin de ce poison comme constituant d'une société malade. Les Algériens ont envie de croire à un grand projet de société, basé sur la dignité de chacun, la liberté et la démocratie. Concrètement, de nombreuses mesures peuvent être impulsées.
Ce n'est pas l'objet de cette analyse, mais il est certain qu'il faudra revoir en profondeur le contenu des conventions fiscales avec les pays d'accueil des fraudeurs algériens, en premier lieu la France, puis les autres. Dans ce cadre, l'Algérie peut aisément, si elle le souhaite véritablement, récupérer près de 10 milliards d'euros de fiscalité non perçus.
Il est certain que les barons de la rente feront de la résistance. Le nombre de ces acteurs peut être évalué à 200 personnalités qui contrôlent près de 90% du volume des importations algériennes.
Certains de ces mêmes acteurs tentent aujourd'hui de se présenter avec une indécence rare comme les plus fervents défenseurs de la IIe république pour tenter d'échapper aux risques de poursuitse. La question stratégique qui reste posée est de savoir vers quel modèle doit-on aller et avec quel type de libéralisation nous souhaitons opérer.
De Messaoud Zeghar à Issaad Rebrab
Messaoud Zeghar était un des premiers fournisseurs d'armes durant la Révolution. L'un des hommes les plus riches d'Algérie, il était le seul ami du président Boumediène. Homme d'affaires gérant un empire international aux quatre coins du monde – dont le leader mondial de la télécommunication militaire, l'entreprise allemande Telemit (Telemit et Mittermeir) – il a été le premier algérien à acheter un fleuron international aux débuts des années 1980.
Il était aussi un intermédiaire redoutable sur de nombreuses transactions commerciales entre l'Algérie et le reste du monde, à un moment où il n'était pas interdit de le faire.
Derrière cette couverture entrepreneuriale, il était surtout un vrai patriote qui a servi son pays dans de nombreuses missions secrètes. Disposant de plusieurs passeports diplomatiques et d'ordres de mission permanents de la présidence de la République, en particulier -secrets de la non-ingérence américaine dans la nationalisation des hydrocarbures en 1971.
Avec l'arrivée du président Chadli Bendjedid, on le remerciera en l'incarcérant aux motifs d'«atteinte à la sûreté de l'Etat» et«espionnage au profit d'une puissance étrangère».
En réalité, il avait permis à l'Algérie de maintenir dans le secret ses relations avec les Etats-Unis à un moment où l'Algérie était dans le viseur de l'ex-puissance coloniale et d'Israël, qui s'accommodaient mal du soutien indéfectible de l'Algérie à la Palestine colonisée. Cette incarcération de 32 mois, dont il fut ensuite disculpé de tous les chefs d'accusation, l'a anéanti.
Dans les faits, on l'avait simplement neutralisé au profit de nouveaux intermédiaires sans que ces derniers soient patriotes au service des intérêts supérieurs de l'Etat comme l'était Zeghar. Il mourut en Espagne, en 1987, d'une crise cardiaque et non d'un empoisonnement comme certains l'ont prétendu, dans l'anonymat, meurtri par son pays qui l'avait broyé comme un vulgaire trafiquant, alors qu'il avait donné sa vie pour que son pays soit libre et plus fort.
Issaad Rebrab est sûrement aussi un patriote. Il a constitué un empire en peu de temps avec à son actif des milliers d'emplois crées en Algérie en étant leader, voire le seul acteur, sur un certain nombre de segments de l'économie algérienne. Certains l'idéalisent comme un génie des affaires et un exemple à suivre dans l'entrepreneuriat
. D'autres le considèrent comme un acteur qui a amassé une fortune grâce à la rente et à des positions monopolistiques, avec la protection de certains caciques du régime. Certains affirment qu'il est l'un des plus anciens clients du cabinet panaméen Mossack Fonseca et qu'il a créé des sociétés en Suisse et ailleurs pour échapper à la législation algérienne.
Ces affirmations sont reprises par des médias, comme l'illustre journal français Le Monde. Certains vont même jusqu'à l'accuser d'avoir financé la campagne du président français Emmanuel Macron. Toutes ces accusations sont très graves et personne ne peut prétendre savoir si elles sont fondées ou non, si ce n'est la justice algérienne. Rebrab ne doit être ni idéalisé ni stigmatisé.
Il devra simplement répondre devant une justice algérienne sereine, indépendante, rigoureuse et juste. Il est essentiel que sa présomption d'innocence soit respectée. Le risque de son incarcération c'est que soit reproduit, avec le cas Issaad Rebrab, le même traitement carcéral qu'avec Messaoud Zeghar, c'est-à-dire une détention préventive sur de nombreux mois et ensuite une libération par acquittement car les chefs d'inculpation étaient «bidon».
On aura alors reproduit le pire. La justice aura été à nouveau instrumentalisée par le régime pour neutraliser certains acteurs gênants par leur engagement sincère au service de l'Algérie. Pour cette raison, il me paraît essentiel qu'il puisse se défendre activement des lourdes charges qui semblent peser contre lui.
Si la justice le considère coupable de certains faits, il devra payer sa dette et le peuple devra l'accepter en considérant que plus personne n'est intouchable en Algérie. Ses soutiens – dont je ne fais pas partie – sont contreproductifs en voulant faire pression sur la justice, y compris certaines fois par des relents régionalistes. Laisser faire la justice, c'est aussi laisser révéler la vérité qui peut-être innocentera Issaad Rebrab.
Conclusion
Le poison est ancré dans la société algérienne depuis de nombreuses années. Aujourd'hui, il est révélé au grand jour et semble combattu de la manière la plus déterminée par des magistrats qui savent que l'avenir du pays est entre leurs mains.
C'est pourquoi il faut les soutenir tous les vendredis. En parallèle, il est certain que le remède au poison devra s'inscrire dans une relation frontale avec la question de la rente qui s'est installée dans le système algérien, comme le confirme le syndrome hollandais. Cet esprit rentier a pris son envol dans les années 1970, en le faisant passer du secteur public au secteur privé au début des années 1980 pour s'internationaliser à grande échelle dans les années 2000, dans le cadre de la mondialisation.
Cette question du traitement de la rente sera le sujet crucial des prochains mois, si l'on veut véritablement amorcer une IIe république avec de nouveaux repères, qui ne pourront que s'agglomérer autour d'un solide projet pour le pays, loin de ce qui s'est passé ces 30 dernières années.
Les acteurs du poison devront rendre une grande partie des sommes accumulées, souvent illégalement, d'abord de manière amiable, ensuite d'une manière contraignante si les effets escomptés ne sont pas obtenus. Il est certain, par contre, que le positionnement actif de la justice, qui n'a plus peur, aura des répercussions profondes sur l'économie algérienne.
Cette nouvelle donne fera émerger sans aucun doute la dynamique nouvelle d'une véritable filière entrepreneuriale plus transparente, loin des acteurs prédateurs masqués, ou visibles, qui ont amassé des fortunes qu'ils ont souvent exhibées par des connexions illégales.
Dernière leçon utile du génie algérien face à ce poison : l'extérieur – en particulier certains pays – ne pourra plus opérer en toute impunité en Algérie, comme ce fut le cas durant de nombreuses années avec leurs relais locaux.
Cette forme d'humiliation permanente de tout un peuple qu'on volait au grand jour, sans qu'il puisse combattre ce poison, ne sera plus possible, à la seule condition que nous gardions dans nos mémoires l'esprit libre de nos ancêtres qui ont donné leur vie pour ne plus courber l'échine.


Seddik Larkeche
De formation interdisciplinaire, Seddik Larkeche est titulaire d'un doctorat en sciences de gestion, d'un doctorat en sciences politiques, et du diplôme d'avocat (Capa).
Expert international en gestion stratégique des risques, il fut rapporteur à la commission risque à la Conférence mondiale sur le commerce (Cnuced 1998).
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Risque Algérie et stratégies de développement 1830-2030 (2012, éditions L'Harmattan) et Le Poison français, Lettre au président de la République, préfacé par Roland Dumas, (2017, éditions Ena).
Il est aujourd'hui professeur des universités et enseigne l'épistémologie du risque et la gestion stratégique des risques. Ses recherches portent sur le risque pays, et en particulier sur le risque Algérie. Il est le précurseur de la demande de réparation financière des crimes coloniaux en Algérie, que le Conseil constitutionnel français a reconnu le 9 février 2018.


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