En sport, on a généralement recours à la méthodologie classique de préparation physique, technique, psychologique pour garantir le niveau compétitif d'une équipe.Tous les coaches connaissent par cœur la leçon. Saâdane – on relève ça pour s'amuser – introduit pour sa part une touche sentimentale dans le registre pour gérer l'environnement de sa sélection qui, si elle n'agace pas ne demeure pas moins suspecte aux yeux des spécialistes qui refusent de sacrifier la rigueur pour la sensiblerie. Une approche singulière qu'on pourrait appeler… lacrymale et qui consiste, dans le but évident de susciter une large adhésion, à titiller les fibres sensibles des fans des Verts sur des sujets ou des imprévus graves qui font pourtant partie de la vie courante du football. En parlant de la défection définitive au Mondial de Mourad Meghni, une pièce essentielle dans son échiquier s'il en est, qui était du reste attendue vu la gravité de sa blessure, le coach national, devant des milliers de téléspectateurs branchés sur A3, nous refait ainsi le coup en laissant échapper quelques larmes pour mieux souligner son immense tristesse de voir un élément de la trempe du stratège de la Lazzio de Rome rater un événement planétaire aussi prestigieux. Des impondérables de ce genre, ça peut arriver à n'importe quelle équipe mondialiste, c'est plutôt l'exagération de cette compassion et sa transformation en mode de communication qui reste quelque part fantasque au moment où le patron de la sélection nationale reconnaît lui-même qu'il dispose de suffisamment de joueurs de valeur pour combler le vide. Regretter la défection du jeune prodige algérien est une chose, la présenter comme une catastrophe nationale presque irréparable pourrait cependant être interprétée comme une marque de faiblesse qui en dit long sur l'état d'esprit et les énormes appréhensions du responsable des Verts à la veille d'un challenge qui s'annonce très ardu. En pleine phase des matches de qualifications jumelées pour les Coupes du monde et d'Afrique, faut-il rappeler qu'il s'était déjà présenté devant un parterre de journalistes avec des yeux complètement mouillés pour signifier à l'assistance que les critiques lui faisaient très mal, et que par conséquent il fallait être solidaire avec sa vision et ses conceptions, quelles que soient les circonstances. La méthode dite lacrymale reste donc pour Saâdane un moyen de communication comme un autre qui fait néanmoins de l'effet puisque des milliers de supporters des Verts n'ont pas résisté à cette charge émotionnelle qui a crevé l'écran et qui, même si elle n'est pas calculée, ne demeure pas moins originale, voire incongrue dans le monde de la balle ronde réputé implacable pour son réalisme. Le Mondial sud-africain ne verra pas l'absence du seul Meghni. De grands noms du football, à l'instar de l'Allemand Ballack, du Britannique Beckam ou du Français Gallas, pour ne citer que ces célébrités ont connu une infortune identique, mais à aucun moment lors de leurs rencontres avec la presse leurs entraîneurs ne se sont montrés émus au point de... pleurer leur absence. Sûrement qu'on a affaire là à des professionnels impassibles qui ont l'habitude de gérer les pires situations sans tomber dans le sentimentalisme de circonstance qui fausse toutes les données d'une prise en charge correcte du potentiel compétitif. Est-ce à dire que Saâdane n'a pas encore intégré totalement cette catégorie de « pro » qui n'a que faire du romantisme, ou alors sait-il parfaitement ce qu'il fait en agissant sur l'émotion en parfait Maghrébin et Méditerranéen qu'il est ? La question reste posée alors que les fans s'enflamment de plus en plus pour cette sélection qui avec ou sans Meghni n'a apparemment plus droit à l'erreur maintenant que la communauté de supporters en Algérie et à l'étranger a été mise fortement sous pression. Jamais de mémoire de sportif on n'a vu cela du côté du Lac Léman, une équipe qui s'entraîne devant des gradins pleins à craquer. Les Algériens sont venus de partout, de toute l'Europe notamment, pour dire à cette sélection combien on la porte dans les cœurs qui battent à l'unisson pour elle. Mais aussi pour lui signifier qu'elle doit absolument s'élever au niveau de ses responsabilités historiques pour ne pas décevoir tant d'espérance. Entre les deux, c'est évidemment le coach qui porte le poids du dilemme, et on comprend sa solitude face à l'immense pari qui l'attend. Cela dit, la Télévision nationale avec ses diverses émissions sportives qui, soit dit en passant, se ressemblent toutes, a toujours été partisane d'un soutien indéfectible en faveur de Saâdane. Jamais une critique même fondée en direction de cette sélection qui a connu pourtant des hauts et des bas lors de son double parcours africain et mondial, jamais une intention contradictoire concernant le travail du coach qui reste le Cheikh qu'on doit respecter et même aduler pour sa sagesse et sa pondération. Bref, dès qu'on parle des Verts, c'est à qui encense le plus le groupe et c'est à qui trouve le meilleur superlatif pour relever son commentaire. Seul Bendali a peut-être essayé de réguler le débat selon une certaine objectivité, mais souvent le reste ne suit pas. A vrai dire, sombrant dans la facilité de la routine, et sous prétexte qu'à la télé on n'a pas le droit d'aller à contresens (le bel alibi), les spécialistes du sport à l'Unique ont réussi la performance de rendre leurs émissions inopérantes, voire ennuyeuses que même les nouvelles recrues, visiblement animées d'un bon dynamisme, n'ont pas pu recentrer. Là aussi, c'est sûrement une question de professionnalisme, et ce sont les plus hauts responsables de la télévision qui le ressentent puisqu'ils envisagent de réviser tout le travail d'animation. Pour eux, désormais, « un bon niveau d'attractivité passe par la qualité de l'information et la maîtrise de la production ». Cela signifie qu'ils comptent mettre fin, en matière d'animation, aux pratiques en vigueur dans le choix des consultants et des analystes, et que des critères professionnels seront adoptés pour remettre de l'ordre dans la maison. On promet de grands changements pour cette Coupe du monde. Il était temps…