De l'avis de Omar Berkouk, la mauvaise gouvernance, est le seul responsable du détournement vers l'informel de 50% du PIB. Pour lui, l'interpellation des banques pour créer de nouveaux produits d'épargne et de paiements ne sert à rien et n'aboutira sur une aucune solution susceptible de drainer les capitaux circulant sur le marché informel. Il faudra plutôt, préconise-t-il, passer par des mesures coercitives pour remettre dans le circuit financier officiel les 5000 milliards de dinars qui échappent au circuit bancaire.
Quel impact de la situation actuelle sur la relation des citoyens avec les institutions publiques, à l'image des banques qui n'arrivent toujours pas à attirer l'épargne des ménages et à contenir l'argent qui circule dans le marché parallèle ? La situation politique actuelle n'a rien à voir avec la défiance des opérateurs économiques de la sphère informelle vis-à-vis des banques. Cette sphère économique préexistait, et a beaucoup enflé sur les 20 dernières années pour atteindre 50% du PIB. Des activités économiques non déclarées empruntent rarement les circuits financiers officiels pour leurs règlements ou leur épargne. Ces activités ont proliféré avec la complicité de l'Etat qui se satisfaisait de la fiscalité pétrolière jusqu'en 2014. La mauvaise gouvernance est le seul responsable du détournement vers l'informel de 50% du PIB. L'Etat contrôle avec ses six banques publiques 90% des dépôts et 90% des crédits. Il aurait pu mettre en place une bancarisation «forcée» par la mise en place d'obligation de moyens de paiements. Aujourd'hui, l'Etat interpelle ses banques en leur reprochant de manquer d'imagination dans la création de produits d'épargne ou de paiements. C'est un prêche dans le désert qui ne débouchera sur aucune solution supérieure au confort que procure l'économie informelle (absence d'impôts, de taxes, de frais bancaires…). Il faudra que l'Etat passe par des mesures coercitives (changement de billets avec bancarisation obligatoire) pour remettre dans le circuit financier officiel les 5000 MDS DZD identifiés par la BCA. Les salariés algériens ou les citoyens ordinaires ne sont pas concernés par l'ampleur du phénomène, même si «culturellement» ils ont une préférence pour le cash ! Chez eux, la thésaurisation est une épargne de proximité et de commodité. Ce n'est pas un «business». Pour eux, les banques doivent développer les moyens digitaux de paiements, de transferts et d'utilisation de leur épargne. C'est à ce niveau que l'on peut parler de défaillance des banques publiques dans l'apport de réponses adaptées à cette clientèle. Ce climat de suspicion et cette perte de confiance ne risquent-ils pas d'accentuer le phénomène de l'informel ? Les détenteurs de dinars en banque n'ont rien à craindre des banques ou de l'Etat si leur argent provient de leurs salaires ou des activités économiques déclarées. L'Etat et ses émanations financières, les banques, auront toujours des dinars pour faire face aux retraits quelle qu'en soit la source (planche à billets éventuellement). Ce sont les détenteurs de comptes en devises qui devraient être inquiets par une éventuelle indisponibilité des devises qu'organiserait la Banque centrale à l'horizon 2022. Les craintes légitimes pour les citoyens sont les conséquences d'un effondrement économique avec ses corollaires : le chômage, l'inflation et la perte de valeur de la monnaie nationale. Généralement, ces craintes poussent à la constitution d'épargne bancarisée ou pas ! Quelles solutions adopter pour bancariser les montants qui circulent dans le marché informel. Dans les conditions actuelles, quel serait le rôle du marché financier et comment faire justement pour le développer ? Le montant de la masse monétaire qui circule en dehors des circuits financiers est colossal. Il est de l'aveu des autorités économiques et financières du pays de l'ordre de 5000 MDS DZD. Cette masse monétaire irrigue les circuits de l'économie informelle et participe du maintien de l'activité économique mais sans contribution au financement des besoins collectifs (infrastructures, la Santé, l'éducation…). L'Etat jusqu'à ce jour n'a pas déployé d'efforts zélés pour réintégrer dans l'activité économique officielle cette source de recettes fiscales et sociales indispensables aujourd'hui pour rééquilibrer son budget et les comptes sociaux. L'Etat vivait dans «l'opulence» financière et épargnait ses excédents dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). Depuis juillet 2014, la situation comptable et financière de l'Etat s'est dramatiquement détériorée au point de mettre en péril la «paix» sociale. Cet Etat imprévoyant est à la recherche désespérée de nouvelles sources de revenus. Il a essayé en avril 2016 de mobiliser avec l'Emprunt National anonyme et au porteur une partie de cette masse monétaire en circulation. En vain. Cet emprunt a été souscrit à hauteur de 500 milliards de dinars ! Les souscriptions émanaient plus des trésoreries d'entreprises, de compagnies d'assurance et de banques que de Oued Kniss, Oued Smar ou Port Said ! C'était de l'argent tout à fait formel qui y était investi. La démarche de l'Etat avait été incitative (taux de rémunération intéressant, 2 maturités, incitations fiscales, anonymat). L'inconvénient était son manque de liquidité. Il aurait fallu le dématérialiser et le coter en Bourse. Face à cet échec et à l'urgence, l'Etat a opté pour la facilité et l'aventure financière : «le financement non conventionnel !» Un soudain besoin de vertu financière s'est emparé du gouvernement depuis. Ce dernier a décidé de suspendre le recours au financement non conventionnel et vilipende ses banques «incapables» d'attirer cette épargne en circulation. Tous ces événements montrent à quel point l'Etat ne s'est point préoccupé de l'organisation d'un marché financier et monétaire susceptible d'attirer les épargnants. La Bourse d'Alger végète depuis 1998 et les 6 banques publiques sont encore au XIXe siècle. Elles accusent des retards dans la digitalisation, dans la conceptualisation et la structuration de produits financiers et de méthodologie bureaucratique. La Bourse d'Alger souffre cruellement de profondeur et de liquidité. Comment faire face à une telle situation ? Il faut dépasser le traumatisme Khalifa Bank et permettre la création de banques privées algériennes de financement et d'investissement. Elles pourraient agir plus vite que le temps d'adaptation des banques publiques. Elles participeraient sur leurs fonds propres à l'animation du marché boursier, au financement des start-up et à l'activité de Privat Equity. Leurs fonds propres proviendraient de cette épargne informelle. Le mode de participation prévoirait des instruments financiers Sharia compatible. Ce que l'Etat financier ne parvient pas à faire, le privé devrait le faire. L'Etat aura à assouplir les conditions d'octroi des agréments et sa réglementation sans se départir de son activité de régulation et de contrôle.