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«Je livrais des uniformes et des armes à l'ALN»
Mohamed Issiakhem. Militant nationaliste, auteur de Mémoires d'un insoumis
Publié dans El Watan le 18 - 02 - 2020

Mohamed Issiakhem est un de ces vaillants militants de l'ombre de la cause nationale qui a choisi la discrétion en gardant longtemps pour lui ses hauts faits d'armes. Fort heureusement, le vénérable militant nationaliste, aujourd'hui âgé de 88 ans, et dont le nom fait forcément penser à l'immense peintre M'hamed Issiakhem dont il est le cousin, a fini par vaincre ses scrupules et consigner ses souvenirs dans un récit truculent : Mémoires d'un insoumis (éditions Chihab, 2019). Dans cet entretien, M. Issiakhem revient sur son parcours exceptionnel qui l'a conduit jusqu'aux réseaux de livraison d'armes au profit du FLN basés en Suisse et en Allemagne. Avant cela, il était le premier à avoir livré uniformes et pataugas à des unités de l'ALN. Témoignage.
– M. Issiakhem, vous avez publié récemment, aux éditions Chihab, un témoignage extrêmement précieux retraçant votre parcours rocambolesque de militant nationaliste : Mémoires d'un insoumis. Par cet acte mémoriel, vous levez le voile sur un pan de la guerre de Libération peu connu du grand public, à travers notamment le récit de vos activités auprès des réseaux de livraison d'armes au FLN, en Suisse et en Allemagne. Nous aimerions remonter le fil de votre parcours jusqu'à votre jeunesse à Belcourt, berceau du nationalisme. C'est là que tout a commencé ?
C'est là que tout a commencé, en effet. Mais moi, je suis né là où il y a actuellement le Trésor public, rue de la Marine (avenue du 1er Novembre, place des Martyrs, ndlr). Peu après, on a donné une semaine à mon père pour évacuer la maison.
Il est venu acheter une villa à Belcourt, rue d'Alsace. Et c'est là que j'ai connu Mahsas, Yousfi, le docteur Ammar Benadouda…
Mon père était grossiste en tissus à la rue de la Lyre. Il était représentant des tissus Borgeaud. A sa mort, j'ai pris sa succession.
On me demandait d'adhérer au PPA, je disais je serais plus utile en n'étant pas dans un parti. Je voulais agir sans m'afficher. Ahmed Mahsas et M'hamed Yousfi m'ont soutenu dans ma position.
– En 1951, vous refusez de passer votre service militaire alors que vous étiez affecté au 27e train de tirailleurs…
J'ai dit : «Pourquoi tirailleur ? Je ne tirerai ni ici, ni ailleurs !» (Rires). Dès lors, j'étais recherché. Une fois, des gendarmes se sont présentés à la maison.
Ils m'ont demandé : «Issiakhem Mohamed ?» J'ai répondu : «Non, c'est mon frère». Ils m'ont remis un papier en me disant : «Donnez-lui cette convocation». Le 11 novembre 1954, j'ai forcé un barrage de gendarmerie près de Marguerite-Miliana.
Je conduisais une Citroën 15-6. Je la prenais quand j'allais à Relizane ou Oran. Elle est puissante. C'était la voiture des braqueurs de banque, le gang des «tractions avant» à Paris. Les gendarmes m'ont poursuivi avec des motos bécanes mais j'ai réussi à les semer.
– Dans votre livre, vous expliquez que l'une des raisons qui vous ont poussé à refuser de répondre à la convocation pour aller sous les drapeaux et de choisir l'insoumission, c'est parce que votre père a reçu une carte d'électeur avec la mention : «Français musulman non-citoyen»…
Mon père recevait une carte de vote avec cette mention, et moi je me disais : «Si je ne suis pas citoyen, pourquoi je vais voter ?!».
Mon père était persuadé que «c'est pour pas qu'un Mohamed devienne président de la République française». Je me suis simplement dit : «Si je ne suis pas Français, pourquoi voulez-vous que j'aille sous le drapeau français ?»
– En 1955, vous avez adhéré au FLN et donné 500 000 francs de l'époque à la Révolution. Vous avez également équipé des combattants de l'ALN en uniformes et pataugas. On apprend, grâce à votre ouvrage, que c'étaient les toutes premières tenues destinées à des unités de l'ALN, c'est bien cela ?
Tout à fait ! Les premiers uniformes dans toute l'Algérie, c'étaient ceux que je leur avais livrés. Askri et Hammadi, deux responsables au sein de l'ALN, m'ont demandé : «Toi qui es commerçant en textiles, tu ne peux pas nous apporter du tissu assez épais pour faire des uniformes ?» J'ai dit : «Je vais réfléchir».
Mon souci est que cela allait demander beaucoup de main-d'œuvre. Il y aurait donc risque de fuites. Du coup, il valait mieux les acheter confectionnés. J'ai été voir M. Fournier qui était directeur général de la BNCI (Banque nationale pour le commerce et l'industrie) où j'avais un compte.
C'était le numéro 1518, je m'en souviens, j'ai tous les documents de l'époque. La banque était à la rue de la Liberté. J'ai dit donc à M. Fournier : «Faites-moi une lettre de recommandation pour la BNCI du Maroc.» J'ai créé une société à Casablanca.
J'ai commandé des tenues pour le Maroc. Les uniformes étaient de marque Lévi-Strauss. Il y avait un transitaire à Marseille. A l'époque, il n'y avait pas de douane entre la France et l'Algérie. Je suis allé à Elbeuf, Rouen, Roubaix, Tourcoing… J'ai commandé les marchandises et les ai confiées au transitaire. C'est lui qui devait se charger de les acheminer en bateau.
J'ai attendu que les marchandises arrivent. J'ai dit ensuite au transitaire que les marchandises destinées au Maroc ont été vendues, et que j'allais en acheter d'autres en précisant : «Vous pouvez les expédier directement à Alger.» Et il me les a envoyées à la rue de la Lyre.
(Dans son livre, M. Issiakhem précise : «Il s'agit des tenues militaires de marque Lévi-Strauss qui étaient destinées au Maroc ; sur mon intervention, les étiquettes établies au nom d'une société marocaine, ont été changées pour être envoyées sur une nouvelle adresse, au 38 rue de la Lyre, Alger.» J'ai été, par la suite, nommé administrateur de la société Amal sur proposition de Mohamed Tiar. A ce titre, je pouvais prendre des décisions.
C'est ainsi qu'on a acheté des pataugas au profit de l'ALN. A l'époque, pour avoir une paire de pataugas, il fallait l'autorisation de la police. C'était après 1954. Avant, il n'y avait pas de problème.
Il faut savoir qu'il y a deux sortes de pataugas. Ça, je ne l'ai pas dit dans le livre. Durant la guerre d'Indochine, les Vietnamiens dissimulaient des plaques hérissées de clous dans l'eau, et quand les soldats ennemis sautaient dans l'eau, ils atterrissaient directement sur les clous.
Alors, pour parer à cela, on leur a confectionné des Palladium munies d'une plaque d'acier solidaire avec la semelle. Cela la rendait plus résistante. C'est ce modèle-là qui était surveillé par la police française.
– Comment étaient acheminés les uniformes et les pataugas au front ?
Pour les acheminer, il y avait le car L'Oiseau Blanc qui assurait la liaison Alger- Port-Gueydon (Azzefoun). Il appartenait à Aït Ouarab & Cie. C'était le moyen le plus sûr. Même si on envoyait un camion, il pouvait être arrêté sur la route par l'armée française ou par la police.
J'expédiais les uniformes avec un ancien employé du nom de Aouadi Slimane, originaire de Oued Souf. Il avait un frère qui travaillait chez Lucien Borgeaud.
C'est Slimane qui se chargeait de transporter les ballots par bus. Et comme il fallait des étiquettes d'expédition, on mettait le nom de Borgeaud qui passait comme une lettre à la poste. Et comme destinataire : Hadjidj, un commerçant juif qui était installé à Azzefoun.
Il vendait des tissus, des denrées alimentaires et différents articles. La «marchandise» était récupérée au village d'Ighil Mahni, avant d'arriver à Azeffoun. C'est Saïd Boudoukhan et M'hand Askri qui se chargeaient de récupérer uniformes et pataugas.
– Vous n'avez jamais été soupçonné par la police ?
Non, mais en 1956, j'ai dû quitter Alger. La police était sur mes traces. C'est Belaïd Djabri, le seul employé algérien à la BNCI, et qui est devenu après l'indépendance directeur de la BNA-Amirouche, qui m'en a informé.
Il m'a dit : «Ne viens pas à la banque parce que la police va t'arrêter.» (Dans le livre, l'auteur précise que la police a été alertée par les achats de chaussures militaires via la société Amal et demanda au directeur de la BNCI de vérifier ses mouvements de compte, ndlr).
A côté de ça, il y avait d'autres incidents. Une fois, on a tenu une réunion de l'UGCA (Union nationale des commerçants algériens, ndlr).
En sortant de la réunion, un membre de l'Union a été abattu par la police. C'était le vice-président du syndicat des commerçants en textile. On soupçonnait un coup de la Main rouge. Il s'avérera que c'était un commissaire de police qui l'a abattu.
– Une bonne partie de votre livre est consacrée à vos activités militantes en Suisse et en Allemagne. Comment avez-vous intégré les réseaux d'achat d'armes au profit du FLN ? C'était un choix personnel ?
On ne peut pas choisir. On est désigné. On vous donne un ordre et il fallait l'exécuter. Mon chef, c'était M'hamed Yousfi. Je logeais dans une pension, à Berne, au Bois Fleury, où il y avait Ferhat Abbas, Ahmed Boumendjel, Ahmed Francis… C'est Ahmed Francis qui m'y a emmené. Après, j'ai été placé en résidence surveillée à Berne.
– Justement, pour comprendre pourquoi vous avez été placé en résidence surveillée, il faut mentionner cette opération au cours de laquelle vous avez été arrêté. Vous étiez sur le point d'embarquer avec 60 kg de plastic, à l'aéroport de Genève, que vous deviez livrer à la base de l'ALN à Tripoli. Comment a été montée cette opération ?
Ahmed Mahsas m'a envoyé Bouzid Slahdji que je ne connaissais pas. Mahsas était le chef de la base Tunisie-Libye.
Il était à Tripoli. Il y avait à l'époque un pilote d'essai qui était à Brétigny, un dénommé Serri qui a terminé sa carrière en tant que lieutenant-colonel de l'aviation algérienne. Il a été chef de la base de Boufarik.
On est parti d'abord à Hambourg avec un nommé Aïssa Boudiaf, originaire de N'Gaous, qui était étudiant en Egypte. C'était en 1956. On devait se procurer du plastic.
– Où est-ce que vous trouviez le plastic et les armes ?
Il y avait des fournisseurs d'armes, entre autres, allemands. C'était leur métier. On avait des contacts avec eux. Pour transporter le plastic, on était quatre. Il y avait Aïssa Boudiaf, moi, et deux Suisses, Henri Gueinand et Marcel Léopold (qui sera exécuté par les Services spéciaux français, ndlr).
Lorsqu'on m'a arrêté à l'aéroport de Genève, on devait partir à Tripoli. A l'époque, c'était la Sabena, une compagnie belge, qui desservait Léopoldville (ancien nom de Kinshasa, au Congo).
On devait donc nous rendre à Léopoldville, et de là remonter vers Tripoli. Finalement, on a été arrêtés. Le procureur général de la Confédération, René Dubois, avait signé nos mandats d'arrêt alors que nous étions encore en Allemagne.
– Vous pensez qu'il avait des informations sur vos activités ?
Il était informé parce qu'il travaillait avec Mercier qui était planqué dans une ambassade (l'ambassade de France, ndlr) à Berne.
– Marcel Mercier était aussi colonel du SDEC (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage)…
Oui, et il était ami du général allemand Gehlen qui était adjoint pendant la Seconde Guerre mondiale de l'amiral Canaris, chef des services de renseignements d'Hitler. Il était très introduit.
– René Dubois était accusé par la suite d'espionnage au profit des Français en raison précisément de ses liens étroits avec Mercier…
Il a mis sur écoute même Abdennaser. Quand Gamel Abdenasser parlait au téléphone avec son ambassadeur, lui, il l'enregistrait. L'affaire des fuites, c'est moi qui l'ai déclenchée (M. Issiakhem fait référence ici aux renseignements livrés par Dubois au colonel Mercier des Services secrets français).
Lorsque le commissaire Pache m'a arrêté, il m'a accusé d'avoir tué Marcel Léopold (trafiquant d'armes suisse pour le compte du FLN). Et là, je lui ai sorti l'affaire des fuites.
– L'affaire Marcel Léopold a déclenché une vive polémique, surtout en raison de la manière dont il a été assassiné. Vous expliquez, dans votre ouvrage, comment il a été abattu par des hommes de la Main rouge, à Genève, à l'aide d'une sarbacane en utilisant un poison mortel, le curare…
Avec Marcel, on devait se rencontrer en septembre 1957. En allant au rendez-vous, je réalise assez vite que j'étais suivi par deux hommes de la Main rouge.
Leur plan était de se mettre chacun derrière l'un d'entre nous deux et de tirer en faisant croire à un règlement de comptes entre trafiquants d'armes.
L'un d'eux éternua, l'autre lui a dit : «A tes souhaits !» Il s'est aussitôt démasqué parce qu'en Suisse romande, on ne dit pas «à tes souhaits !» on dit «Santé !» et en Suisse alémanique, on dit «Gesundheit !»
– A ce moment-là, vous étiez en résidence surveillée à Berne. Et avant cela, vous avez fait huit mois de prison. Vous étiez dans l'attente de votre procès qui devait s'ouvrir en juin 1958 pour trafic d'explosifs. C'est donc après être sorti de prison que vous êtes allé voir Marcel Léopold ?
Oui, après ma sortie de prison. Je suis allé de Berne à Genève pour le rencontrer. Après, on a voulu me coller son assassinat.
– L'affaire des fuites que vous avez dénoncées, a conduit au suicide de René Dubois le 23 mars 1957. Vous évoquez une photo compromettante où on voit René Dubois avec Mercier. Et vous dites que c'est un chauffeur d'une ambassade à Paris qui vous l'a remise ?
Oui, un nommé Mickey, Belmihoub de son vrai nom. Il était chauffeur à l'ambassade des Etats-Unis à Paris. C'est lui qui m'a remis cette photo et je l'ai envoyée à Feldmann, chef du Département fédéral de la Justice à Berne qui était au-dessus de René Dubois. Quand Dubois a su que Feldamann avait reçu des photos, il s'est donné la mort.
– Vous citez le cas de nombreuses personnes qui collaboraient avec le FLN, et qui ont été tuées. C'était toujours la Main rouge qui était derrière ?
Toujours la Main rouge !
– Après, il y a eu votre procès pour trafic d'explosifs, c'est cela ?
Il y a eu effectivement mon procès à l'issue duquel j'ai été condamné à 15 ans d'interdiction de séjour en Suisse.
– Avant cette affaire, il y avait du plastic qui était envoyé à l'ALN ?
Bien sûr ! On en envoyait avant. Avant et après. Et même pendant.
– Donc, il y avait des opérations qui avaient abouti…
Naturellement ! On avait même envoyé de la poudre qui était du faux plastic pour voir s'il y avait une porte de sortie ou pas. Comme ça, s'ils t'attrapent, c'est du faux plastic. Et c'est passé.
– Donc, c'est comme ça qu'une partie des maquis de l'ALN était approvisionnée en armes ?
Absolument !
– Après votre procès, vous partez immédiatement en Allemagne ?
Je ne pouvais plus rester du fait de ma condamnation. Là, j'ai dû quitter la Suisse pour l'Allemagne. Ferhat Abbas m'a dit va voir Keramane qui était le chef du FLN en Allemagne. Je suis donc allé le voir, on a discuté. Il y avait Aït Ahcène que je connaissais bien. Il sera abattu à Bad Godesberg (près de Bonn).
– Vous étiez en relation avec la Fédération de France, le Comité fédéral ?
Non, on n'avait pas de relation avec eux. Nous, on se chargeait d'envoyer des armes.
– Vous êtes resté en Allemagne jusqu'à l'indépendance ?
Oui, et même au-delà parce que j'avais eu une histoire avec Ouamrane. Il m'avait intimé l'ordre d'assassiner Ahmed Mahsas. J'ai connu Mahsas avant Ouamrane, je l'ai connu à Belcourt. Il est de Boudouaou.
Un nommé Aïnouz m'avait donné un 7,65 chromé. Bachir El Kadi, qui était le représentant du FLN à Tripoli, m'a remis 1000 dollars.
A l'époque, c'était une somme énorme. J'étais subitement devenu un tueur à gages de la Révolution. Ça m'a troublé. J'ai donné de l'argent, j'ai laissé mes enfants, j'ai laissé mes biens, pour finir tueur à gages ?
Je le dis dans le livre. Mais il ne fallait pas montrer que je connaissais Mahsas car je risquais ma vie. Je ne pouvais pas non plus refuser la somme qui m'avait été remise. Ne pas la prendre, c'était refuser le marché. Cela aurait pu me valoir une liquidation physique.
– Pourquoi Ouamrane voulait-il la tête de Mahsas ?
L'un était avec Ben Bella, l'autre avec Abane Ramdane. C'est ce que j'ai compris. Je suis allé voir Mahsas et je lui ai dit : on partage l'argent, tu prends 500 dollars, je prends 500.
– Où était Mahsas à ce moment-là ?
Il était réfugié en Allemagne. Il était à Bonn. Là, il y avait Hafid Keramane. Tous les Algériens qui venaient de France pour aller en Tunisie transitaient systématiquement par l'Allemagne.
Dès qu'ils arrivaient, Keramane leur donnait de quoi vivre pendant deux ou trois jours en attendant de trouver une place d'avion, régler leurs papiers pour pouvoir partir. Il ne fallait pas qu'ils commettent de larcin sous peine d'être expulsés.
– Il y avait risque qu'on vienne assassiner Ahmed Mahsas ?
Bien sûr ! D'autant plus que tout le monde était armé à l'époque. Il y avait beaucoup de monde en Allemagne, y compris des militants du MNA. Et j'ai eu peur qu'on l'abatte. Alors, je lui ai conseillé de quitter Bonn pour Cologne.
On montait la garde à tour de rôle. Lui dormait deux heures pendant que je le veillais, après, je dormais deux heures, et c'était lui qui surveillait.
– Dans le livre, vous dites que Ouamrane a demandé que vous lui offriez une voiture pour enterrer la hache de guerre…
Ouamrane avait une station d'essence au Champ de Manœuvres. Personne ne peut vous donner le nom du Français qui possédait cette station. C'est un nommé Vitiello. Ouamrane a obtenu cette pompe à essence.
Et il voulait que je lui offre une voiture pour qu'il me laisse tranquille. Il voulait qui plus est une Mercedes. J'ai refusé évidemment ce marché.
– Comment s'est réglée cette affaire finalement ?
C'est grâce au colonel Mohand Oulhadj. C'était le chef de la Wilaya III. Tout le monde le respectait. C'est le premier à avoir levé le drapeau national à Sidi Fredj à la proclamation de l'indépendance. C'est donc lui qui est allé parler à Ouamrane.
Quel regard portez-vous sur le moment que nous vivons depuis le 22 février 2019 ? Que vous inspire le hirak ?
Le mouvement populaire suscite l'admiration du monde entier. Aucun autre peuple n'a fait ce que sont en train de faire les Algériens.


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