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Fatwas, islam politique, science et Covid-19...
Publié dans El Watan le 26 - 07 - 2020

L'Algérie, à l'instar des pays du monde entier, traverse une crise sanitaire sans précédent .Et cette situation exige de nous, de nos gouvernants, et de toutes les institutions du pays appelées à gérer cette crise, courage, engagement sans faille et transparence.
Courage pour prendre les décisions qu'impose cette situation exceptionnelle en faisant fi de tout calcul populiste ou démagogique. Transparence dans la méthodologie et les prises de décision pour gérer cette crise, qui est qui et qui fait quoi ? Qui prend réellement les décisions qui engagent toute une nation ? Transparence et vérité aussi dans la communication des données statistiques réelle de cette pandémie.
Et à mon sens, le vécu quotidien de tout un chacun montre qu'aucune de ces conditions n'est assurée pour le moment.
J'en veux comme exemple caricatural de ces manquements, cette ineptie de vouloir, contre vents et marées, maintenir la fête de l'Aïd El adha. Comment comprendre une telle décision, alors que les chiffres officiels des infectés, des décès ne cessent d'augmenter de jour en jour, que tous les voyants sont au rouge et les hôpitaux saturés ? C'est de l'inconscience.
L'Association des oulémas, syndicat des imams, la commission des fatwas, tout ce beau monde qui normalement n'a rien à voir avec la gestion d'une pandémie s'est retrouvé par un miracle dont seul notre pays détient le secret au premier plan pour décider de la sécurité sanitaire de notre population, car au fond c'est de cela qu'il s'agit et pas d'autre chose. Avec à leur tête la commission des fatwas, ces entités nous assurent qu'elles prendront néanmoins en compte l'avis de la commission scientifique de suivi de cette pandémie pour trancher en faveur du maintien ou non de la célébration de cette fête. En même temps, M. le ministre de la Santé, pas gêné du tout par l'absurdité de la situation, dit à qui veut bien l'entendre que c'est à la commission des fatwas de trancher ! Comprenne qui pourra !
Et dans ce charivari et cette inversion des rôles, c'est évidemment la science qui en dernier lieu a laissé des plumes au profit des pensées et des réflexes d'un autre âge. L'Arabie Saoudite, pays loin d'être un modèle de modernité, a mis son rigorisme de côté pour annuler le hadj qui, ne l'oublions pas, est l'un des cinq piliers de l'islam et représente une source de rentrée de devises importante pour ce pays et cela uniquement pour préserver la santé de ses concitoyens ! Que ce soit M. le ministre de la Santé ou la commission scientifique de suivi du Covid-19, les deux s'en lavent les mains en disant que c'est la commission des fatwas qui en a décidé ainsi.
En même temps, le président de la commission des fatwas dit à qui veut l'entendre que cet avis a été éclairé par les scientifiques de la commission Covid-19 avec lesquels il s'est réuni à plusieurs reprises, faut-il le signaler. Que ce soit le ministre de la Santé ou nos vénérables professeurs et spécialistes de la commission Covid-19, comment peuvent-ils à la fois, tous les jours, dire que la situation épidémiologique du pays est extrêmement préoccupante, chiffres à l'appui, et en même temps accepter qu'une commission des fatwas qui n'a aucune compétence scientifique, médicale ou de santé publique puisse leur imposer une telle décision ?
Accepter une telle hérésie est à mon sens faire litière et renier tous les principes de la mission qui leur a été confiée, à savoir la protection de la santé du citoyen. Comment cette commission scientifique, avec le ministre à sa tête, peut nous expliquer qu'avec pas plus de 200 cas de Covid-19 par jour, on avait décidé du confinement total pendant l'Aïd El Fitr et deux mois plus tard avec plus de 600 cas par jour (déclarés), on nous dit vous pouvez fêter l'Aïd El Adha en prenant quelques précautions ? Avec tout ce que cela implique comme marchés à ovins, déplacements, réunions familiales, sacrifices collectifs du mouton etc. Une véritables bombe à retardement sanitaire ! Est-ce à la commission des fatwas et au ministre des Affaires religieuses de gérer la sécurité sanitaire des Algériens ? Assurément non !
La commission scientifique de suivi de la Covid-19 et à sa tête le ministre de la Santé se devaient de s'en tenir à leur rôle de protecteurs de la santé du citoyen ou de scientifiques et ne pas accepter de compromis douteux ou de compromission à contresens de la mission qui leur a été dévolue par le peuple algérien . Notre ministre de la Santé est professeur de médecine et ce serait faire injure à son rang et son grade que de penser qu'il n'est pas conscient des dangers et des répercussions sur la santé de nos concitoyens d'une telle décision.
Alors, pourquoi se tait-il alors que de plus en plus de membres de la commission de suivi de cette pandémie ne cessent de répéter dans les médias que cette décision leur a été imposée par la commission des fatwas ? Une commission des fatwas et même son ministre de tutelle sont-ils capables et ont-ils le droit de prendre et surtout d'assumer une telle décision qui peut engager l'avenir sanitaire du peuple algérien ? Assurément non, et il faut leur refuser de s'octroyer cette légitimité. Nous voulons savoir comment, pourquoi et par qui réellement cette décision – qu'on payera à n'en pas en douter très cher – a été prise ? M. le ministre de la Santé qui, faut-il le souligner, a été, à son corps défendant, dépouillé d'une bonne partie de ses prérogatives gère-t-il encore réellement le plan de lutte contre la pandémie de Covid-19 ?
On commence à en douter quand on voit un wali qui a réuni il y a quelques jours tous les directeurs des hôpitaux d'Alger dans un show rappelant une foire aux enchères pour décréter que tous les services d'Alger doivent dorénavant prendre en charge les malades Covid-19. Evidemment sans plus de précisions, sans véritable réflexion, en confondant places et lits d'hospitalisation, sans nous dire comment faire pour le personnel, comment faire avec toutes les pathologies en dehors de la Covid-19 et qui attendent depuis des mois.
On nous demande d'exécuter sans poser de questions, l'important étant les chiffres et le nombre de «places gagnées» qu'on va déclarer le soir à la télé. Pour illustrer la bêtise de cette gestion autoritaire, un exemple pratique : en tant que chef de service de chirurgie pédiatrique, dois-je dans le service que je dirige prendre en charge à la fois des malades atteints de Covid-19, tous âges confondus, et continuer à opérer des enfants que j'hospitalise avec leurs mamans et cela dans la même structure ? Personne ne m'a, à ce jour, donné une réponse claire. Et quand je prends mon exemple, je ne fais qu'illustrer ce que vivent mes confrères des autres spécialités.
L'hypocrisie est à son summum quand on nous dit vous pouvez fêter l'Aïd, mais en prenant des mesures de protection strictes. M. le président de la République lui-même, il y a quelques jours, avait signalé l'indiscipline et l'inobservance des règles de sécurité sanitaire par les citoyens et avait dit qu'il fallait penser dorénavant à prendre des mesures coercitives contre ces contrevenants. Je sais que Kissat Sidna Ibrahim est en elle-même un miracle, mais peut-on penser, pour rester dans le même registre, qu'il y aura un autre miracle qui fera que cette fois-ci nos concitoyens feront le jour de l'Aïd ce qu'ils n'ont pas fait depuis des mois et se protégeront ? Bien sûr que non, et miser sur cela serait faire preuve d'une irresponsabilité totale. Au moment où les Emirats viennent de lancer un satellite vers la planète Mars, nous, nous en sommes encore au stade de demander avis à une commission des fatwas pour décider ou non de préserver la santé de la population, c'est une honte !
Evidemment que c'est une décision à la fois politique, populiste et démagogique. J'espère de tout cœur me tromper, mais on ne peut s'empêcher de penser que ce pourrait bien être une concession faite aux tenants de l'islam politique par un pouvoir en quête d'alliances. Un précédent grave dans une Algérie qui se veut nouvelle. Si aujourd'hui pour prendre une décision de confiner ou non la population dans le but de préserver sa santé, car c'est de cela dont il s'agit, on a été obligé de valider cela par une commission de la fatwa qu'est-ce qui nous attend demain ? Il nous faudra peut-être valider par le ministre des Affaires religieuses les programmes scolaires, les lois qui touchent notre vie quotidienne, à notre vie privée, etc. Cela nous rappelle les tristement célèbres gardiens de la foi de certains pays théocratiques. Est-ce de cela que le président de la République parle quand il évoque «l'Algérie nouvelle» ?
Ceci n'augure rien de bon pour le pays et nous rappelle les tristes souvenirs d'un islam politique qui voulait nous imposer même comment nous habiller et quoi manger. Et avouons que l'attitude timorée et ambiguë du président de la République à ce sujet n'est pas faite pour nous rassurer. A entendre ses propos, je le cite, «le sacrifice est une sunna» et en même temps «mais nous ne pouvons être permissifs face à la mise en danger du citoyen» ou «le risque sanitaire n'est pas à écarter», on a l'impression que comme nous l'avions dit dans une précédente contribution, M. le président de la République évite de trancher et «continue à tenir la canne par le milieu»
. L'islam politique n'a pas disparu, il est là, tapi dans l'obscurité et il attend son heure. L'histoire est là pour nous rappeler si besoin est qu'il se nourrit de nos faiblesses, de nos petits calculs, de nos reniements, de nos reculades… L'Algérie a trop souffert et a failli disparaître à cause de l'islam politique pour qu'aujourd'hui on lui fasse la moindre des concessions ou qu'on pactise avec lui. Il ne faut pas l'oublier, car comme disait Gramsci : «La bête immonde est là et son ventre est toujours fécond».
M. le Président, encenser les professionnels de la santé lors de vos discours ou leur octroyer une prime c'est bien, mais c'est loin d'être suffisant. Ecoutez plutôt leurs cris de détresse et aidez-les pour qu'ils puissent à leur tour aider leurs concitoyens dans cette terrible épreuve que traverse le pays, voilà ce qu'ils attendent de vous aujourd'hui...
Par Nacer Djidjeli
Professeur de chirurgie pédiatrique


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