C'est à travers un style aéré et une écriture fluide que la militante des droits des femmes algériennes en Algérie et en France, Leila Souidi, est revenue sur l'histoire poignante et pathétique à la fois de vingt femmes aux profils différents mais à la même souffrance commune. Le potentiel lecteur est aiguillé sur le contenu de ce recueil de nouvelles, à la lecture de la quatrième de couverture où il est mentionné que les histoires de ce recueil, glanées au fil des ans, racontent un quotidien vécu par des femmes et refoulé au plus profond d'elles-mêmes, car «ce n'est pas convenable». «Elle parlent d'une société où les relations familiales et sociales au sens large pèsent de tout leurs poids sur l'existence des femmes et des hommes. A travers cette série de personnages féminins, l'auteure a voulu faire apparaître une façon de vivre. Ces femmes ont tous les âges : elles sont célibataires, femmes au foyer, veuves ou divorcées, mais toutes prises dans un étau entre des aspirations vagues et un quotidien souvent tracé d'avance, où règne une violence ordinaire et où seule une soumission totale permet de survivre. Il n' y a pas d'échappatoire possible.» Ce recueil de nouvelles qui parle de certaines femmes algériennes s'étend sur une période d'une quarantaine d'années. L'auteure Leila Souidi a choisi d'intituler chacune de ses nouvelles véridiques par le prénom authentique de chacune de ses vingt femmes au parcours bien atypique. Quant aux histoires en question, elles se déroulées entre 1960 et 2010. Les lieux ont été changés d'une façon volontaire afin que les personnes ne soient pas identifiables. Le recueil s'ouvre sur une première histoire intitulée Une surprise pour Amel. Une histoire qui a été écrite par Leila Souidi à l'âge de 15 ans alors qu'elle était en dernière année de collège. Amel qui était dans la même école que l'auteure a dû se marier contre son gré avec un homme sorti de nulle part. Amel était une bonne élève, pétrie de joie. «Je la rencontre parfois avec cette tristesse qui ne la quitte jamais alors qu'elle avait un sourire qui ne la quittait jamais», précise Leila Souidi. Le départ forcé de Sakina est une autre histoire dramatique d'une beurette, mariée en Algérie. Ahmed, le mari, s'est engagé volontairement à la gendarmerie. Le couple décide d'émigrer en France. Ils décident de passer par la côte tunisienne pour se rendre en Italie et ensuite en France. Mais à leur arrivée en Tunisie, un bombardement surprise des Américains sur Tripoli avait fait échouer leur projet car toute la côte avait été mise sous le contrôle de l'armée tunisienne. N'ayant plus d'argent, ils ont été contrait de rentrer au pays natal. A la frontière algérienne, ils sont arrêtés par une brigade volante. Ahmed fût condamné à sept ans de prison ferme et Amel à un an avec sursis. Ces vingt nouvelles aux histoires différentes témoignent d'un dur vécu certain. A la question de savoir pourquoi Leila Souidia a choisi ce thème précis, elle explique qu'elle a opté pour ce thème car elle a toujours été une militante féministe, et ce, dès l'âge de 22 ans. La femme, selon elle, n'aborde jamais ses peines dans notre société conservatrice. «On se parle entre femmes. Je voulais que ces tristesses soient connues pour qu'il n'y ait plus de mariage forcé ou de violence contre les femmes», éclaire-t-elle. D'une voix nouée par l'émotion, Leila Souidi avoue aussi que l'année 2007 a vu la naissance de sa petite fille. «Je voulais que ma petite-fille qui vit en France connaisse ma vie. Nous avons des rapports très forts. Je voulais qu'elle sache qui je suis parce que je n'ai pas eu de fille mais uniquement des garçons. Je suis peut-être plus attachée à elle car c'était la première petite-fille. Je me suis dis mes petits-enfants vivent en France et ne vont pas connaître mon Algérie.» Et d'ajouter : «Il faut dire aussi que je suis fascinée par le courage et la volonté des femmes algériennes. Je suis toujours fascinée pour les choses qui pourraient nous sembler totalement dérisoire mais qui étaient très difficiles à obtenir à l'époque.» Après la publication de ce premier recueil de nouvelles Amel Et Les Sœurs, Leila Souidi n'a pas l'intention de ranger sa plume. Bien au contraire, elle est déterminée à poursuivre son projet d'écriture en se lançant dans sa saga familiale.
Leila Souidi – Amel Et Ses Sœurs 191 pages. Editions El Ibriz. Septembre 2019. Prix public : 800da.